Annonce

Réduire
Aucune annonce.

L'hystérie sur le "déficit commercial français"

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • L'hystérie sur le "déficit commercial français"

    Article de deux ans mais toujours pertinent, clichés journalistiques et clichés à usage politique.

    Ainsi donc, pour la quatrième année consécutive, la France est en "déficit commercial". Apparemment, il faut s'en inquiéter : la France n'est-elle plus compétitive ? [..] Il semble qu'il soit de bon ton de battre sa coulpe, de déplorer l'indécrottable incapacité des entrepreneurs français à conquérir le marché mondial, d'espérer un sursaut du politique qui prenne en main le problème. Voilà qui est bien étrange.

    Car s'il y a bien une statistique qui n'a aucune importance, c'est le solde commercial de la France.

    Un petit exercice de fiction permettra peut-être de le comprendre.

    Supposons que la ville de Neuilly [Haut de Seine / France], trouvant que son ancien édile [Sarkozy] était plus à sa place lorsqu'il la dirigeait plutôt qu'aujourd'hui, décide de faire sécession du reste de la France et de devenir la Présipauté de Neuilly. Elle établirait alors des comptes nationaux, et notamment, une balance des paiements.

    Et l'établissement de cette balance montrerait un paradoxe : Neuilly est peut-être la ville la plus riche de France, mais elle ne produit rien – du moins, rien qui soit exportable. Cela n'empêche pas ses habitants de consommer abondamment; mais la quasi-totalité de ce qu'ils consomment a été produit en dehors de la ville. En somme, la Présipauté de Neuilly aurait un déficit commercial abyssal.

    Comment cela s'explique-t-i l?

    Très simplement. Les revenus des habitants de Neuilly ne proviennent que très marginalement de ce qu'ils produisent sur place et vendent en dehors; ils viennent d'une part du revenu qu'ils tirent du travail qu'ils exercent en dehors de la ville, revenu qu'ils rapatrient ensuite lorsqu'il s'agit d'aller acheter des marchandises à l'épicerie du coin; et d'autre part, des actifs que détiennent les habitants de la ville à l'extérieur de celle-ci, qui leur rapportent des revenus largement suffisants pour assurer leur consommation.

    [...]

    Supposons maintenant que le nouveau président (à vie) de la ville, recevant ces statistiques du commerce extérieur, s'inquiète. Cet énorme déficit commercial ne signifie-t-il pas que la ville de Neuilly n'est pas compétitive ? Il décide donc de relever le défi de la compétitivité, et de favoriser le développement d'industries nouvelles dans la ville, par exemple, des aciéries; il le confesse, il a toujours adoré les usines. Il va très vite rencontrer de gros problèmes.

    C'est qu'il y a une raison assez simple pour qu'il n'y ait pas d'aciéries à Neuilly : ce n'est pas rentable.

    Un entrepreneur qui voudrait créer une aciérie dans la ville aurait bien du mal à réunir les facteurs de production nécessaires. Le foncier est hors de prix et les salariés sont rares : tous les gens en âge de travailler dans la ville gagnent de très confortables salaires hors de celle-ci, et il faudrait les payer des fortunes astronomiques pour qu'ils se décident à aller travailler dans un haut fourneau. Notre entrepreneur fait vite ses calculs, et se rend compte que s'il a envie de créer son affaire, il aurait meilleur compte à satisfaire le marché local, constitué de gens riches qui ont très envie de consommer; en somme, il aura intérêt à ouvrir une épicerie fine pour satisfaire les appétits du marché local, et à laisser son édile pérorer tout seul sur le chantier vide de l'aciérie.

    Qu'est-ce que cet exemple fictif nous enseigne ?

    Il nous rappelle qu'observer les statistiques des échanges de biens et services avec le reste du monde et en déduire quelque chose sur la santé économique du pays est un exercice dépourvu de signification.

    La balance des paiements d'un pays, en effet, dépend tout autant des échanges extérieurs que des entrées et sorties de revenus; un pays qui, au départ, reçoit massivement des revenus de l'extérieur aura toujours une balance commerciale déficitaire; surtout, ces arrivées de revenus sont ce qui crée la balance commerciale déficitaire, en faisant qu'il est moins rentable pour un entrepreneur de satisfaire les marchés étrangers plutôt que son marché local.

    D'accord, mais qu'est-ce que cela a à voir avec la situation française ? Tout.

    Si la France a un déficit, c'est tout simplement qu'elle reçoit beaucoup, et de plus en plus, de revenus en provenance de l'étranger (voir ce document de la Banque de France pour l'année 2006). Elle reçoit beaucoup plus d'investissements en provenance de l'étranger que, par exemple, l'Allemagne (pratiquement deux fois plus pour l'année 2006). Ses grandes entreprises, largement mondialisées, reçoivent de leurs activités hors de France des revenus très importants; de nombreux Français, qui travaillent à l'étranger rapatrient une partie de leurs revenus.

    Surtout, les étrangers sont particulièrement avides d'actifs français. La part des non-résidents dans les entreprises du CAC 40 ne cesse d'augmenter; des particuliers, attirés par le boom immobilier national, achètent des maisons en France; des institutions financières, avides de placements sûrs, achètent à tour de bras les titres de la dette publique française. Comme dans l'exemple fictif ci-dessus, cela a une conséquence : il devient beaucoup plus intéressant pour une entreprise de servir le marché national que les marchés étrangers. Il n'y a dès lors aucune raison d'être surpris, ou de déplorer, le fait qu'il y ait aujourd'hui moins d'entreprises françaises exportatrices qu'il y a une dizaine d'années; Dans le contexte d'un pays qui reçoit beaucoup de revenus de l'extérieur, c'est parfaitement logique.

    En somme, s'il y a un déficit commercial en France, c'est parce que les étrangers trouvent les entreprises françaises tellement attrayantes qu'ils n'ont de cesse d'acheter leurs actions; qu'ils trouvent la main d'œuvre française certes un peu pénible, mais tellement productive qu'ils sont disposés à investir sur le territoire national; qu'ils ont tellement confiance dans la capacité de l'Etat français à payer ses dettes rubis sur l'ongle qu'ils se ruent sur les titres du trésor public; qu'ils trouvent le patrimoine immobilier national tellement attrayant qu'ils paient fort cher pour l'acquérir.

    Car, les étrangers ne sont pas complètement idiots : ils n'agiraient pas ainsi s'ils n'étaient pas convaincus que ces opérations sont rentables.

    Au passage, ces entrées de capitaux déplacent l'activité des entreprises de l'exportation vers le marché national. Il est bien difficile de voir en quoi cet attrait est un mauvais signe pour l'économie française.


    Alors, bien entendu, ce mouvement pourrait s'inverser ... Peut-être que les étrangers finiront par croire un gouvernement français qui se déclare «en faillite», ou des ministres qui déplorent que l'économie nationale n'est «pas assez compétitive».

    Et que les entrées de capitaux en France seront un peu moins importantes. Ce jour-là, s'il arrive, il y aura des dirigeants d'entreprise pour constater que le marché français n'est plus si rentable que cela; on les verra alors un peu plus dans les salons commerciaux internationaux.

    Ce jour-là, les Français seront un peu moins riches, devront se serrer un peu plus la ceinture; mais on ne manquera pas de lire des éditoriaux triomphalistes pour dire qu'enfin, grâce à son président-qui-a-eu-le-courage-de-prendre-des-mesures-courageuses, la France est devenue "compétitive".
    Blog de Alexandre Delaigue

  • #2
    la france n'est pas la seule dans ce cas, bien des pays europeens sont dans une situation pire.
    surtout que la consomation francaise est une force qui reduit les risques de baisse du pib par ex lors des crises.
    ainsi que l'epargne francaise tres haute.

    Commentaire


    • #3
      alain t'es algerien ? CA RIME

      Commentaire


      • #4
        c'est la chine qui à bouffer toutes la différence (et pas que celle de la france)

        Commentaire

        Chargement...
        X