L’amitié entre l’Algérie et la France est-elle possible ?
Chafia Mentalecheta*
Nul besoin d’être fin géopoliticien pour constater la réelle dégradation des relations entre Alger et Paris. Il est vrai que depuis toujours, nos deux pays nous ont habitués à des rapports en dents de scie. Cependant, aujourd’hui, il semblerait que les difficultés relationnelles atteignent un niveau réellement attentatoire à l’amitié entre nos deux peuples.
Au lieu de s’estomper naturellement avec le temps, les séquelles de la guerre d’Algérie sont en train de se constituer en terreau fertile dans lequel des nostalgiques insensés font croître la rancune, l’animosité et l’inimitié.
Comment une poignée d’irresponsables peuvent-ils donc mettre à mal l’avenir commun de millions de personnes ? Tout simplement, en distillant depuis ces vingt dernières années, du poison au goutte à goutte dans l’esprit des politiques et des citoyens des deux pays. On notera également que le plus inquiétant reste cette espèce d’union sacrée des empoisonneurs issus de la Droite comme de la Gauche française.
Tout le monde se rappelle de l’acharnement à transformer la lutte algérienne contre le terrorisme islamiste en combat contre la démocratie pour mieux discréditer la capacité des Algériens à s’inscrire dans le progrès. D’ailleurs, régulièrement, la théorie du « qui tue qui ? » refait surface pour mieux saper le moral des partisans de l’amitié entre nos deux peuples.
Dernièrement encore, une nouvelle version fantasmagorique du massacre des moines de Tibérine- relayée par les médias français et quelques notoires intellectuels-est apparue pour façonner les honnêtes citoyens en fanatiques de la théorie des complots.
De même, au lieu de profiter de l’avènement du 21ème siècle pour mettre un terme à l’obscurantisme idéologique, le 23 février 2005, la France rattrapée par ses vieux démons nostalgiques, adopte par la voie parlementaire une loi prônant le rôle positif de la colonisation en Afrique du Nord.
Il va de soi que ce dernier épisode n’a pas produit l’effet escompté qui consistait à tuer l’avenir commun des deux nations. Face à une mobilisation exemplaire de la société civile française pour l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 et malgré une colère légitime, l’Algérie a fait le choix de ne pas remettre en cause l’adoption du Traité d’amitié entre nos deux pays.
Mais le mauvais feuilleton continue et voilà qu’en plein débat sur l’identité nationale, l’Algérie se qualifie en coupe du monde et des millions de Franco-Algériens inondent de leur joie les rues françaises comme ils les avaient submergées un fameux 12 juillet 1998 pour fêter leurs champions, tous tricolores.
En une nuit, ces millions de citoyens français déjà relégués au statut de français musulmans par le débat, se sont vus, par certains, observés comme une sorte de cinquième colonne d’un FLN symbolique en marge de rendre une France Algérienne aux yeux et à la barbe des nostalgiques d’une Algérie Française.
Face à tant de fantasmes, on est en droit de se demander à quel moment vont reprendre les ratonnades.
La question peut paraitre provocatrice pourtant la réponse est déjà palpable. En effet, même si la forme peut paraître- dans un premier temps- moins violente, on peut raisonnablement qualifier l’inscription de l’Algérie dans la catégorie des « nations terroristes » comme une ratonnade internationale.
Si l’apanage des esprits simples est de faire dans le simplisme, une nation terroriste ne peut qu’engendrer des citoyens terroristes qui doivent être légitimement éliminés partout dans le monde pour préserver la démocratie. De fait, l’Algérie listée « nation terroriste », toute personne d’origine algérienne devient « terroriste potentiel » donc un danger à éliminer partout dans le monde. Sommes-nous très éloignés d’une ratonnade internationale ?
Face à cette escalade et à la réelle possibilité de voir des millions de ces concitoyens finir dans des cachots rouverts pour la circonstance à Cayenne et accessoirement à Guantanamo, quelle autre réponse politique pouvait apporter l’Algérie hormis la criminalisation du colonialisme et accessoirement de l’impérialisme.
Faire monter d’un cran bien supérieur la tension qui règne entre nos deux pays met l’Algérie dans une posture légitime et délicate à la fois.
Légitime, car l’Algérie a démontré-en payant un lourd tribut – son horreur du terrorisme et que ce « blacklistage » n’est qu’une réponse de ses adversaires pour l’empêcher de prendre sa vraie place dans le monde.
Délicate, car ainsi, l’Algérie participe à la disgrâce de millions de ses ressortissants. En effet, au milieu de toutes ces absurdités, que vont devenir les millions de Franco-Algériens ?
Terroristes d’un côté de la méditerranée et criminels de guerre de l’autre ? Une troisième voie semble encore possible. Faire des millions de Franco-Algériens, les artisans de l’amitié entre nos deux pays.
En France, il existe vraiment des partisans de la fraternité entre nos deux peuples. Ce sont nos voisins, nos collègues de travail, nos camarades de classe et de parti politique, des simples inconnus que nous croisons chaque jour dans la rue, dans les transports en commun et qui nous regardent comme leurs pairs, leurs égaux et leurs concitoyens. Il nous appartient tous ensemble de mutualiser nos espoirs pour établir un véritable rapport dynamique et constructif contre les forces obscures hostiles au rapprochement de nos deux peuples.
En Algérie, malgré l’hostilité de certains, un autre regard se pose sur nous. L’adoption du décret présidentiel portant création du Conseil consultatif de la communauté nationale à l’étranger en est une évidente illustration. D’autant que la représentation proposée aux Franco-Algériens et Algériens résidents en France est en réelle adéquation avec la réalité.
Au-delà de l’objectif affiché de la participation des compétences et capacités nationales expatriées au développement de l’Algérie dans les domaines, scientifiques, économiques,..., cette instance peut devenir pour les franco-algériens un réel lieu de construction du pont de l’amitié entra la France et l’Algérie.
Pour cela, il va cependant falloir passer du décret à la pratique, de la volonté affichée à la mise en œuvre et être sourds à ceux qui injustement nous méprisent.
Il n’y a plus de choix possible, les Franco-Algériens doivent être ceux qui vont permettre à l’Algérie et à la France de sceller définitivement la réconciliation entre nos deux peuples et de conclure le Traité d’amitié.
Parce que les Franco-Algériens existent, qu’ils se reconnaissent dans une identité binationale, qu’ils sont loyaux envers leur pays d’accueil comme ils resteront toujours et légitimement attachés à leur pays d’origine, il y a impossibilité pour nos deux pays à ne pas vivre ensemble.
Il suffit à la France d’acter d’un passé douloureux et peu glorieux et à l’Algérie d’accepter que le 21ème siècle soit celui du progrès et de la fraternité.
*Elue du PS, militante associative
Chafia Mentalecheta*
Nul besoin d’être fin géopoliticien pour constater la réelle dégradation des relations entre Alger et Paris. Il est vrai que depuis toujours, nos deux pays nous ont habitués à des rapports en dents de scie. Cependant, aujourd’hui, il semblerait que les difficultés relationnelles atteignent un niveau réellement attentatoire à l’amitié entre nos deux peuples.
Au lieu de s’estomper naturellement avec le temps, les séquelles de la guerre d’Algérie sont en train de se constituer en terreau fertile dans lequel des nostalgiques insensés font croître la rancune, l’animosité et l’inimitié.
Comment une poignée d’irresponsables peuvent-ils donc mettre à mal l’avenir commun de millions de personnes ? Tout simplement, en distillant depuis ces vingt dernières années, du poison au goutte à goutte dans l’esprit des politiques et des citoyens des deux pays. On notera également que le plus inquiétant reste cette espèce d’union sacrée des empoisonneurs issus de la Droite comme de la Gauche française.
Tout le monde se rappelle de l’acharnement à transformer la lutte algérienne contre le terrorisme islamiste en combat contre la démocratie pour mieux discréditer la capacité des Algériens à s’inscrire dans le progrès. D’ailleurs, régulièrement, la théorie du « qui tue qui ? » refait surface pour mieux saper le moral des partisans de l’amitié entre nos deux peuples.
Dernièrement encore, une nouvelle version fantasmagorique du massacre des moines de Tibérine- relayée par les médias français et quelques notoires intellectuels-est apparue pour façonner les honnêtes citoyens en fanatiques de la théorie des complots.
De même, au lieu de profiter de l’avènement du 21ème siècle pour mettre un terme à l’obscurantisme idéologique, le 23 février 2005, la France rattrapée par ses vieux démons nostalgiques, adopte par la voie parlementaire une loi prônant le rôle positif de la colonisation en Afrique du Nord.
Il va de soi que ce dernier épisode n’a pas produit l’effet escompté qui consistait à tuer l’avenir commun des deux nations. Face à une mobilisation exemplaire de la société civile française pour l’abrogation de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 et malgré une colère légitime, l’Algérie a fait le choix de ne pas remettre en cause l’adoption du Traité d’amitié entre nos deux pays.
Mais le mauvais feuilleton continue et voilà qu’en plein débat sur l’identité nationale, l’Algérie se qualifie en coupe du monde et des millions de Franco-Algériens inondent de leur joie les rues françaises comme ils les avaient submergées un fameux 12 juillet 1998 pour fêter leurs champions, tous tricolores.
En une nuit, ces millions de citoyens français déjà relégués au statut de français musulmans par le débat, se sont vus, par certains, observés comme une sorte de cinquième colonne d’un FLN symbolique en marge de rendre une France Algérienne aux yeux et à la barbe des nostalgiques d’une Algérie Française.
Face à tant de fantasmes, on est en droit de se demander à quel moment vont reprendre les ratonnades.
La question peut paraitre provocatrice pourtant la réponse est déjà palpable. En effet, même si la forme peut paraître- dans un premier temps- moins violente, on peut raisonnablement qualifier l’inscription de l’Algérie dans la catégorie des « nations terroristes » comme une ratonnade internationale.
Si l’apanage des esprits simples est de faire dans le simplisme, une nation terroriste ne peut qu’engendrer des citoyens terroristes qui doivent être légitimement éliminés partout dans le monde pour préserver la démocratie. De fait, l’Algérie listée « nation terroriste », toute personne d’origine algérienne devient « terroriste potentiel » donc un danger à éliminer partout dans le monde. Sommes-nous très éloignés d’une ratonnade internationale ?
Face à cette escalade et à la réelle possibilité de voir des millions de ces concitoyens finir dans des cachots rouverts pour la circonstance à Cayenne et accessoirement à Guantanamo, quelle autre réponse politique pouvait apporter l’Algérie hormis la criminalisation du colonialisme et accessoirement de l’impérialisme.
Faire monter d’un cran bien supérieur la tension qui règne entre nos deux pays met l’Algérie dans une posture légitime et délicate à la fois.
Légitime, car l’Algérie a démontré-en payant un lourd tribut – son horreur du terrorisme et que ce « blacklistage » n’est qu’une réponse de ses adversaires pour l’empêcher de prendre sa vraie place dans le monde.
Délicate, car ainsi, l’Algérie participe à la disgrâce de millions de ses ressortissants. En effet, au milieu de toutes ces absurdités, que vont devenir les millions de Franco-Algériens ?
Terroristes d’un côté de la méditerranée et criminels de guerre de l’autre ? Une troisième voie semble encore possible. Faire des millions de Franco-Algériens, les artisans de l’amitié entre nos deux pays.
En France, il existe vraiment des partisans de la fraternité entre nos deux peuples. Ce sont nos voisins, nos collègues de travail, nos camarades de classe et de parti politique, des simples inconnus que nous croisons chaque jour dans la rue, dans les transports en commun et qui nous regardent comme leurs pairs, leurs égaux et leurs concitoyens. Il nous appartient tous ensemble de mutualiser nos espoirs pour établir un véritable rapport dynamique et constructif contre les forces obscures hostiles au rapprochement de nos deux peuples.
En Algérie, malgré l’hostilité de certains, un autre regard se pose sur nous. L’adoption du décret présidentiel portant création du Conseil consultatif de la communauté nationale à l’étranger en est une évidente illustration. D’autant que la représentation proposée aux Franco-Algériens et Algériens résidents en France est en réelle adéquation avec la réalité.
Au-delà de l’objectif affiché de la participation des compétences et capacités nationales expatriées au développement de l’Algérie dans les domaines, scientifiques, économiques,..., cette instance peut devenir pour les franco-algériens un réel lieu de construction du pont de l’amitié entra la France et l’Algérie.
Pour cela, il va cependant falloir passer du décret à la pratique, de la volonté affichée à la mise en œuvre et être sourds à ceux qui injustement nous méprisent.
Il n’y a plus de choix possible, les Franco-Algériens doivent être ceux qui vont permettre à l’Algérie et à la France de sceller définitivement la réconciliation entre nos deux peuples et de conclure le Traité d’amitié.
Parce que les Franco-Algériens existent, qu’ils se reconnaissent dans une identité binationale, qu’ils sont loyaux envers leur pays d’accueil comme ils resteront toujours et légitimement attachés à leur pays d’origine, il y a impossibilité pour nos deux pays à ne pas vivre ensemble.
Il suffit à la France d’acter d’un passé douloureux et peu glorieux et à l’Algérie d’accepter que le 21ème siècle soit celui du progrès et de la fraternité.
*Elue du PS, militante associative
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