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La montée d'un islam fondamentaliste inquiète les autorités catalanes en Espagne

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  • La montée d'un islam fondamentaliste inquiète les autorités catalanes en Espagne

    La vieille ferme abandonnée à l'entrée de Valls, petite ville près de Tarragone, a-t-elle été le siège d'un "tribunal islamique" au printemps dernier ? Les six hommes mis sous les verrous en novembre 2009 pour avoir condamné à mort une jeune Marocaine accusée d'adultère en application de la charia, viennent d'être remis en liberté sous caution. La jeune femme, aujourd'hui retournée au Maroc, ne s'est pas présentée aux convocations du juge d'instruction. Et le récit qu'elle avait fait de son enlèvement, puis de son jugement "par douze hommes en turban", suscite de sérieux doutes.

    Pourtant, les mossos (la police de la Generalitat de Catalogne) l'avaient prise au sérieux, enquêtant pendant des mois avant de lancer leur coup de filet dans les milieux musulmans ultraconservateurs, très implantés dans la région tarragonaise. "Peut-être qu'il ne s'est rien passé, mais le fait que cela ait pu paraître plausible témoigne d'une construction de la peur autour du salafisme", estime l'anthropologue José Moreiras, de l'université Rovira i Virgili de Tarragone.

    La Catalogne s'inquiète de la montée du discours fondamentaliste au sein de la communauté musulmane, forte de 350 000 membres, dont 250 000 Marocains. Sur les 180 mosquées recensées, plus de cinquante seraient contrôlées par des associations liées au salafisme. "Cela ne nous fait pas peur, mais nous sommes en alerte car des personnes passent des messages de non-intégration et d'hostilité au pays d'accueil", admet Mohammed Chaib, député socialiste au Parlement catalan.

    Ce musulman d'origine marocaine plaide pour une meilleure reconnaissance de la communauté musulmane qui doit encore, après trente ans de présence, se contenter de garages, de caves ou d'anciens bâtiments industriels comme lieux de culte. Aucune municipalité n'a accepté la construction d'une mosquée. "Il y a aussi une crise dans le modèle d'organisation de l'islam en Catalogne, ajoute José Moreiras. Ce vide d'organisation, de doctrine et d'autorité au sein de la communauté favorise le discours simple et structuré du salafisme."

    Dans son épicerie, Saïd Hamdouni revendique tranquillement son appartenance à cette mouvance. Implanté depuis 1992, ce Marocain est vice-président de l'Association des musulmans de Reus et de son canton, une banlieue de Tarragone qui compte environ 16 000 musulmans. "C'est vrai que le salafisme rencontre beaucoup de succès dans la région, reconnaît le prospère commerçant. Depuis 1993-1994, nous organisons, chaque année pour la semaine sainte, un congrès salafiste qui réunit 3 000 à 4 000 personnes, et pour lequel des intervenants de haut niveau viennent d'Arabie saoudite, de Syrie, d'Egypte, de Libye, etc."

    La présence décomplexée de ce mouvement commence à faire réagir les politiques. Le 12 février, un responsable de Convergencia Democratica (CDC, droite), Angel Colom, a réclamé "l'expulsion" des imams les plus virulents. Un esclandre jugé "électoraliste" par ses adversaires à quelques mois des régionales. "Ceux qui allument la mèche, ce ne sont pas les citoyens, mais les partis politiques, déplore Mohammed Chaib. Ils prennent le risque de détruire les efforts de nombreux Catalans et musulmans en faveur du dialogue et du vivre-ensemble."

    Face aux polémiques qui se multiplient, Saïd Hamdouni feint de s'étonner : "Nos mosquées sont ouvertes, qu'ils viennent écouter nos discours ; ils constateront que nous disons non à l'assimilation mais oui à l'intégration." Il reconnaît que "voir des gens habillés différemment peut faire peur à certains", alors il sourit : "Sans doute un manque d'information de notre part."
    Pression sur les femmes
    En Catalogne, le débat sur le port du voile ou la tenue vestimentaire est un enjeu surtout à l'intérieur de la communauté. "Comme tout communautarisme, le salafiste utilise la visibilité de la religion pour son développement, explique José Moreiras. Il n'impose pas le voile, mais le présente comme un "plus" de la pratique religieuse." Après l'affaire du pseudo-tribunal islamique de Valls, la presse locale avait évoqué de nombreux cas de pression sur des femmes musulmanes de la part de "brigades de la morale" d'inspiration salafiste.

    Fatima Ghailan en a fait l'amère expérience. Cette jeune mère de famille marocaine a subi pendant des mois menaces et agressions verbales de la part de l'Association musulmane de sa ville, Cunit, notamment parce qu'elle s'habille à l'occidentale. "Dès que j'ai été embauchée par la mairie comme médiatrice interculturelle, l'imam a eu peur pour son pouvoir, car il n'était plus le seul interlocuteur de la communauté", explique-t-elle.

    A la pétition de l'Association qui réclamait son renvoi, elle a répondu par une plainte en justice. Aujourd'hui, le procureur réclame cinq ans de prison à l'encontre de l'imam pour "menaces, violences et calomnies". Pour Mohammed Chaib, "seule la communauté musulmane peut repousser le fondamentalisme". Encore faut-il qu'elle s'organise afin que les édiles locaux, comme le gouvernement catalan, puissent cibler clairement le bon interlocuteur. A Cunit, Fatima Ghailan n'a toujours pas compris "l'attitude ambiguë" de la maire socialiste au moment d'arbitrer entre sa médiatrice et l'imam.

    Jean-Jacques Bozonnet - Le monde
    « Great minds discuss ideas; average minds, events; small minds, people. » Eleanor ROOSEVELT
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