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Meurtre du premier flic : malaise et bruissements en Algérie

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  • Meurtre du premier flic : malaise et bruissements en Algérie

    Meurtre fortuit ou assassinat commandité ? La question aurait été prématurée si la version officielle ne s’était pas empressée de trancher quelques heures à peine après le délit. Le crime ne serait donc que la conséquence d’une vive «altercation » entre le chef de la police et un des officiers sous ses ordres. Une thèse simple, sans énigmes en toile de fond et évidemment sans connotation politique. Un fait divers comme il s’en trame quotidiennement mais qui, exceptionnellement, a pour victime une personnalité importante du régime. Soit, dirons-nous prudemment, il n’y a pas le feu dans «la maison du pouvoir » même si elle est chagrinée par la perte «brutale et injuste» d’un de ses plus fidèles serviteurs. Sauf que les bruissements de la rue algérienne ne semblent pas se satisfaire d’un scénario où des hauts fonctionnaires de l’Etat se donnent la réplique tout en ayant le doigt sur la gâchette !

    En Algérie, l’opinion suppute – imagine- t-elle trop ? – qu’une mort brutale d’un cacique est toujours un indicateur de luttes au sommet. Ou, du moins, le signe que les anciennes solidarités commencent à se fissurer. A l’évidence, ce genre de commentaires entendus, ici et là, ne manque ni de perspicacité ni de bon sens commun au vu de l’état déplorable du pays.

    Tel qu’il est devenu, il est impensable qu’il soit encore capable de fonctionner selon les modalités qu’on lui a imposées à partir de 1999. Durant onze années, le même clan du président a gardé intacte son influence avec pour seul interface, dans l’espace public, le triumvirat partisan (FLNRDN- MSP) qui lui fournissait le label trompeur du pluralisme.

    A l’abri du moindre contre-pouvoir et émancipé de tout contrôle, il a fini par fonctionner en autarcie. L’impunité complice que l’ensemble des acteurs de la sphère dirigeante s’octroya explique, d’une part, en partie, la corruption et, d’autre part, la totalité de l’imprévoyance dans les actes de gestion. Globalement négatif sur toute sa durée, le régime ne pouvait et ne devait que buter sur la montée des colères citoyennes et l’explosion des revendications sociales. Une exacerbation de son impopularité dont il est facile de découvrir l’expression à travers les slogans affichés par les médecins, les enseignants et les ouvriers de Rouiba et El- Hadjar. Sans exception, ils mettent en exergue sa déliquescence rampante et son égarement quant aux principes intangibles qui fondent la pérennité de l’Etat. Les scandales de l’enrichissement illicite des barons du régime viennent, justement, d’achever ce qui reste de crédit dans ses engagements.

    Comme dans les remous d’une mer démontée, où les spécialistes savent prévoir l’imminence de la tempête ravageuse, l’Algérie est-elle sous la menace d’un typhon politique ?

    Le malaise ambiant et les signes d’impatience dans les cercles de décision accréditent certes la prévision mais pas un seul n’ose avancer un synopsis. L’impasse dans laquelle se trouve le pays n’offre que peu de solutions novatrices pour le désembourber. Qu’est-ce à dire sinon que l’affaiblissement notoire de pouvoir d’Etat ne se soigne pas uniquement par la chirurgie radicale.

    Disons-le clairement : l’Algérie, ayant testé toutes les formes du putchisme et fait usage de subterfuges peu recommandables pour se doter chaque fois d’une nouvelle direction, a-t-elle encore le désir de passer sous les fourches caudines des cabinets noirs pour réécrire la même histoire ? Certainement pas, car à l’expérience n’a-t-elle pas vérifié que ce furent les libertés publiques et l’alternance politique qui en sortirent affaiblies après chaque changement ?

    A l’alternative brutale et improductive consistant à contraindre au départ un chef de l’Etat fort de sa légitimité officielle n’est-il pas préférable d’exiger de lui qu’un certain «ménage» doit s’opérer au sommet de l’Etat et que le pacte démocratique codifié par la Constitution devienne enfin effectif ? Posée en ces termes, la sortie de crise aura alors des chances de devenir une projection sérieuse. En finir avec le jeu des successions ouvertes hors de saison sera alors le prélude aux grandes ruptures. Cette coutume, jusque-là consubstantielle à la conception que l’Algérie s’est faite du pouvoir, n’a-t-elle pas été préjudiciable tant à l’armée qu’à l’idée de la République ?

    L’actuel chef de l’Etat, dont on sait qu’il doit son ascension initiale au même processus, vient de pousser les contradictions internes du système à leurs dernières limites. Autant qu’il demeure le personnage «final» de la disparition de celui-ci. Ainsi le sentiment persistant que notre alternance démocratique est bloquée depuis deux décennies ne peut pas devenir un argument pour se presser et solliciter les vieux démons.

    Désespérément différée par la faute des pesanteurs historiques, elle serait envisageable en 2014. Feu M’hamed Yazid, dont le sens de la formule était cinglant, n’avait-il pas expédié la question en une phrase ? «L’alternative la plus profitable à l’intérêt national, disait-il, serait de mettre sous scellés politiques les gens de ma génération, nos résidus et, surtout, nos sous-produits que nos voyons réapparaître.»

    Dix ans plus tard, ce réquisitoire teinté de dépit peut se muer en espérance démocratique à condition de ne pas bousculer l’avenir. Dans cette atmosphère de fin de règne, après le meurtre du premier flic du régime, le bon calcul consiste à sauver du naufrage uniquement le capitaine, car l’Algérie mérite bien la messe de la légalité républicaine.

    Par Boubakeur Hamidechi, Le soir
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