Les barons de la drogue en Algérie, la consommation de substances psychotropes dans le milieu scolaire, les moyens de lutte contre ce fléau ainsi que la connexion entre les groupes armés et les narcotrafiquants. Autant d’éléments auxquels le directeur général de l’Office national de la lutte contre la drogue et la toxicomanie, Abdelmalek Sayeh, a apporté des précisions.
L’Expression: La consommation de drogue prend de l’ampleur en Algérie et elle n’épargne
aucune couche de la société. Comment expliquez-vous ce phénomène?
Abdelmalek Sayeh: Malheureusement, on constate une nette augmentation de la consommation de drogue ces derniers temps. Le cannabis et les psychotropes existent partout en Algérie, y compris dans le milieu scolaire. Cela est dû à plusieurs facteurs. Je souligne d’abord, que les narcotrafiquants n’ont plus la possibilité de commercialiser leur marchandise en Europe. Une bonne partie reste, donc, en Algérie. Cela s’est traduit par deux phénomènes majeurs. De prime abord, la consommation se propage de plus en plus chez nos jeunes. Un kilo de drogue s’épuise en deux heures. Ensuite, vient le nombre important des quantités saisies quotidiennement par les services de sécurité. Mais cela ne représente que l’arbre qui cache la forêt, puisque une quantité importante circule dans le marché local.
L’autre facteur, qui explique cette augmentation, est la concurrence imposée par les pays africains. 60% des pays africains cultivent, aujourd’hui, le cannabis. Ces pays sont devenus des concurrents potentiels à notre voisin de l’Ouest.
Vous insinuez que les narcotrafiquants ont modifié leur circuit d’approvisionnement?
Je m’explique bien. L’Algérie est le chemin le plus court et le moins coûteux. Et comme les pays européens ont renforcé le contrôle sur leur territoire, cela en installant des postes frontaliers de contrôle pour contrecarrer les narcotrafiquants d’une part et lutter contre l’immigration clandestine de l’autre, une grande quantité de la marchandise est réorientée vers le marché national. Pour l’Algérie, il y a un dispositif qui est en voie d’exécution relatif à la mise en place des postes de contrôle. Mais, je dirai qu’il est difficile de contrôler environ 7300 km de frontières. En plus, les reliefs compliquent les contrôles. D’autres indices illustrent la propagation de la drogue en Algérie. Il s’agit du nombre de dealers qui augmente de plus en plus. Il y a aussi le nombre de toxicomanes qui est en hausse. Du premier janvier au 31 décembre 2009, on a recensé 7064 consultations. L’année d’avant, 6370 cas. Il y a eu une augmentation de 694 cas. On a enregistré également 1086 hospitalisations. Le nombre de toxicomanes traités est environ de 32.000 cas en deux ans. J’ajoute que le nombre de toxicomanes avérés est beaucoup plus important que cela. On constate, donc, l’augmentation de la drogue à travers, notamment, la multiplication des quantités saisies, des dealers arrêtés et aussi des toxicomanes traités.
Pourquoi de plus en plus de jeunes sont attirés par la drogue?
Pour les raisons qui favorisent l’augmentation de la consommation, je dirai qu’elles sont d’ordre psychologique et surtout socio-économique. Le trafic de drogue est un moyen de richesse pour les jeunes. C’est ce qui est dangereux maintenant. Je veux juste souligner que malgré cette augmentation, l’Algérie n’est pas un pays producteur de drogue.
Quels sont les types de drogues les plus consommés en Algérie?
Les cannabis et les psychotropes sont les drogues les plus répandues. Il y a aussi des quantités minimes de cocaïne et d’héroïne. L’Algérie n’est pas arrivée à la consommation à grande échelle de cocaïne et d’héroïne. Ces drogues, qui arrivent de l’Asie et de l’Amérique latine, reviennent cher. La cocaïne est trop demandée en Europe. Mais la présence des narcotrafiquants au Maroc, au Sénégal et en Mauritanie suppose que l’Algérie est exposée à ce genre de trafics. Faire transiter de la cocaïne, c’est plus rentable avec moins de risques par rapport au cannabis. Donc, le cannabis inonde le marché local à bas prix tandis que la cocaïne pour la transiter en Europe.
Peut-on connaître les quantités exactes saisies depuis le début de l’année?
On n’a pas encore les chiffres exacts. Mais elle sera de l’ordre de 5 tonnes environ. Mais, j’insiste sur le fait que le nombre de saisies double d’une année à une autre. La saisie a atteint 9 et 38 tonnes, respectivement en 2006 et en 2008. En 2009 on est arrivé à 75 tonnes de cannabis saisies. Cela témoigne de l’ampleur que prend ce fléau. Concernant la cocaïne, on a détecté 1,67 kg en 2009 et 700 grammes en 2008. Cela suppose qu’on a fait rentrer des quantités plus intéressantes, car la cocaïne est difficile à détecter.
45% des lycéens algériens se droguent. Confirmez-vous ce pourcentage?
Moi je m’inscris en faux contre tout ce qui a été avancé par le Dr Messaoudi. J’étais étonné de lire ce pourcentage par le biais de la presse. Je me demande par quels moyens et dans quelles circonstances il a eu ces statistiques. Il a osé parler au nom de l’Office, alors que nous n’avons aucune relation avec lui. On n’a jamais eu de contact avec ce docteur qui a avancé ces chiffres. On ne le connaît même pas. Si notre Office avait des chiffres, il les aurait communiqués sans passer par des intermédiaires. Je réitère que ce chiffre-là est catégoriquement faux. Notre Office n’a jamais donné ce pourcentage. Le Dr Messaoudi parle d’une enquête menée par notre organisme dans les milieux scolaires. Je confirme qu’il n’y a jamais eu d’enquête. D’ailleurs, l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie n’a pas participé à ce colloque à Tizi Ouzou. Je pense que quelques associations caritatives essaient de se substituer à l’Office. Notre organisme se base sur des enquêtes fiables et des renseignements des services de sécurité. Nous faisons un travail sérieux qui est sanctionné par des études et des statistiques crédibles. Par contre, ces associations ne sont pas habilitées à communiquer des chiffres non fiables pouvant semer la panique au sein de la société. Il est temps de mettre un terme à cette polémique. De notre côté, je dirai que nous n’avons rien à cacher. Disons que 45% des lycéens se droguent, cela sous-entend que presque la moitié de nos lycéens sont des drogués. Un tel constat est très grave. C’est inimaginable. Un expert en la matière ne pourra jamais admettre un pourcentage aussi élevé. C’est effrayant.
Pensez-vous mener une enquête pour apporter des chiffres réels?
Actuellement, l’Office s’échine à terminer une enquête sur la consommation de la drogue en milieu de jeunes, âgés entre 14 et 25 ans. L’on rendra publiques les statistiques au mois de juin. Cette enquête s’intéresse aussi à la consommation chez les femmes qui a atteint 5%. Nous nous intéresserons surtout aux jeunes filles universitaires et lycéennes qui consomment ce poison. Dans un deuxième temps, nous allons établir une enquête épidémiologique dans le milieu scolaire, basée sur plusieurs mécanismes. Des questionnaires élaborés scientifiquement par des experts seront distribués. Actuellement, nous sommes en phase de discussion avec les autorités concernées. Le troisième projet auquel nous tenons beaucoup a trait à la consommation de la drogue dans le milieu rural.
Des spécialistes n’écartent pas les liaisons entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes. Confirmez-vous cette thèse?
Je ne veux pas interférer dans les prérogatives des services de sécurité et des responsables habilités à parler de ce sujet. Par ailleurs, l’interconnexion entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes n’est pas un secret. Il y a toujours eu des connexions entre les réseaux mafieux toutes catégories confondues. Les narcotrafiquants alimentent les caisses des trafiquants. La fin justifie les moyens, pour eux. Le trafic de drogue, que ce soit le cannabis ou la cocaïne, reste un moyen pour les groupes armés de se doter en armement. Cette question inquiète même les instances internationales. En Afghanistan, à titre d’exemple, il y a un trafic de drogue immense qui finance les groupes armés. Cela n’est pas considéré comme un péché. Ils ont leurs fetwas et cela ne pose pas de problème pour eux.
L’Expression: La consommation de drogue prend de l’ampleur en Algérie et elle n’épargne
aucune couche de la société. Comment expliquez-vous ce phénomène?
Abdelmalek Sayeh: Malheureusement, on constate une nette augmentation de la consommation de drogue ces derniers temps. Le cannabis et les psychotropes existent partout en Algérie, y compris dans le milieu scolaire. Cela est dû à plusieurs facteurs. Je souligne d’abord, que les narcotrafiquants n’ont plus la possibilité de commercialiser leur marchandise en Europe. Une bonne partie reste, donc, en Algérie. Cela s’est traduit par deux phénomènes majeurs. De prime abord, la consommation se propage de plus en plus chez nos jeunes. Un kilo de drogue s’épuise en deux heures. Ensuite, vient le nombre important des quantités saisies quotidiennement par les services de sécurité. Mais cela ne représente que l’arbre qui cache la forêt, puisque une quantité importante circule dans le marché local.
L’autre facteur, qui explique cette augmentation, est la concurrence imposée par les pays africains. 60% des pays africains cultivent, aujourd’hui, le cannabis. Ces pays sont devenus des concurrents potentiels à notre voisin de l’Ouest.
Vous insinuez que les narcotrafiquants ont modifié leur circuit d’approvisionnement?
Je m’explique bien. L’Algérie est le chemin le plus court et le moins coûteux. Et comme les pays européens ont renforcé le contrôle sur leur territoire, cela en installant des postes frontaliers de contrôle pour contrecarrer les narcotrafiquants d’une part et lutter contre l’immigration clandestine de l’autre, une grande quantité de la marchandise est réorientée vers le marché national. Pour l’Algérie, il y a un dispositif qui est en voie d’exécution relatif à la mise en place des postes de contrôle. Mais, je dirai qu’il est difficile de contrôler environ 7300 km de frontières. En plus, les reliefs compliquent les contrôles. D’autres indices illustrent la propagation de la drogue en Algérie. Il s’agit du nombre de dealers qui augmente de plus en plus. Il y a aussi le nombre de toxicomanes qui est en hausse. Du premier janvier au 31 décembre 2009, on a recensé 7064 consultations. L’année d’avant, 6370 cas. Il y a eu une augmentation de 694 cas. On a enregistré également 1086 hospitalisations. Le nombre de toxicomanes traités est environ de 32.000 cas en deux ans. J’ajoute que le nombre de toxicomanes avérés est beaucoup plus important que cela. On constate, donc, l’augmentation de la drogue à travers, notamment, la multiplication des quantités saisies, des dealers arrêtés et aussi des toxicomanes traités.
Pourquoi de plus en plus de jeunes sont attirés par la drogue?
Pour les raisons qui favorisent l’augmentation de la consommation, je dirai qu’elles sont d’ordre psychologique et surtout socio-économique. Le trafic de drogue est un moyen de richesse pour les jeunes. C’est ce qui est dangereux maintenant. Je veux juste souligner que malgré cette augmentation, l’Algérie n’est pas un pays producteur de drogue.
Quels sont les types de drogues les plus consommés en Algérie?
Les cannabis et les psychotropes sont les drogues les plus répandues. Il y a aussi des quantités minimes de cocaïne et d’héroïne. L’Algérie n’est pas arrivée à la consommation à grande échelle de cocaïne et d’héroïne. Ces drogues, qui arrivent de l’Asie et de l’Amérique latine, reviennent cher. La cocaïne est trop demandée en Europe. Mais la présence des narcotrafiquants au Maroc, au Sénégal et en Mauritanie suppose que l’Algérie est exposée à ce genre de trafics. Faire transiter de la cocaïne, c’est plus rentable avec moins de risques par rapport au cannabis. Donc, le cannabis inonde le marché local à bas prix tandis que la cocaïne pour la transiter en Europe.
Peut-on connaître les quantités exactes saisies depuis le début de l’année?
On n’a pas encore les chiffres exacts. Mais elle sera de l’ordre de 5 tonnes environ. Mais, j’insiste sur le fait que le nombre de saisies double d’une année à une autre. La saisie a atteint 9 et 38 tonnes, respectivement en 2006 et en 2008. En 2009 on est arrivé à 75 tonnes de cannabis saisies. Cela témoigne de l’ampleur que prend ce fléau. Concernant la cocaïne, on a détecté 1,67 kg en 2009 et 700 grammes en 2008. Cela suppose qu’on a fait rentrer des quantités plus intéressantes, car la cocaïne est difficile à détecter.
45% des lycéens algériens se droguent. Confirmez-vous ce pourcentage?
Moi je m’inscris en faux contre tout ce qui a été avancé par le Dr Messaoudi. J’étais étonné de lire ce pourcentage par le biais de la presse. Je me demande par quels moyens et dans quelles circonstances il a eu ces statistiques. Il a osé parler au nom de l’Office, alors que nous n’avons aucune relation avec lui. On n’a jamais eu de contact avec ce docteur qui a avancé ces chiffres. On ne le connaît même pas. Si notre Office avait des chiffres, il les aurait communiqués sans passer par des intermédiaires. Je réitère que ce chiffre-là est catégoriquement faux. Notre Office n’a jamais donné ce pourcentage. Le Dr Messaoudi parle d’une enquête menée par notre organisme dans les milieux scolaires. Je confirme qu’il n’y a jamais eu d’enquête. D’ailleurs, l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie n’a pas participé à ce colloque à Tizi Ouzou. Je pense que quelques associations caritatives essaient de se substituer à l’Office. Notre organisme se base sur des enquêtes fiables et des renseignements des services de sécurité. Nous faisons un travail sérieux qui est sanctionné par des études et des statistiques crédibles. Par contre, ces associations ne sont pas habilitées à communiquer des chiffres non fiables pouvant semer la panique au sein de la société. Il est temps de mettre un terme à cette polémique. De notre côté, je dirai que nous n’avons rien à cacher. Disons que 45% des lycéens se droguent, cela sous-entend que presque la moitié de nos lycéens sont des drogués. Un tel constat est très grave. C’est inimaginable. Un expert en la matière ne pourra jamais admettre un pourcentage aussi élevé. C’est effrayant.
Pensez-vous mener une enquête pour apporter des chiffres réels?
Actuellement, l’Office s’échine à terminer une enquête sur la consommation de la drogue en milieu de jeunes, âgés entre 14 et 25 ans. L’on rendra publiques les statistiques au mois de juin. Cette enquête s’intéresse aussi à la consommation chez les femmes qui a atteint 5%. Nous nous intéresserons surtout aux jeunes filles universitaires et lycéennes qui consomment ce poison. Dans un deuxième temps, nous allons établir une enquête épidémiologique dans le milieu scolaire, basée sur plusieurs mécanismes. Des questionnaires élaborés scientifiquement par des experts seront distribués. Actuellement, nous sommes en phase de discussion avec les autorités concernées. Le troisième projet auquel nous tenons beaucoup a trait à la consommation de la drogue dans le milieu rural.
Des spécialistes n’écartent pas les liaisons entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes. Confirmez-vous cette thèse?
Je ne veux pas interférer dans les prérogatives des services de sécurité et des responsables habilités à parler de ce sujet. Par ailleurs, l’interconnexion entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes n’est pas un secret. Il y a toujours eu des connexions entre les réseaux mafieux toutes catégories confondues. Les narcotrafiquants alimentent les caisses des trafiquants. La fin justifie les moyens, pour eux. Le trafic de drogue, que ce soit le cannabis ou la cocaïne, reste un moyen pour les groupes armés de se doter en armement. Cette question inquiète même les instances internationales. En Afghanistan, à titre d’exemple, il y a un trafic de drogue immense qui finance les groupes armés. Cela n’est pas considéré comme un péché. Ils ont leurs fetwas et cela ne pose pas de problème pour eux.
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