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Pr Tahar Rayane: Halte à la mafia de la dialyse en Algérie

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  • Pr Tahar Rayane: Halte à la mafia de la dialyse en Algérie

    LA TRIBUNE : Lors de vos nombreuses déclarations, vous aviez parlé de six millions d’Algériens présentant un risque d’atteinte rénale…

    Pr Tahar Rayane : Oui, les maladies du rein sont en nette augmentation. J’estime que six millions d’Algériens présentent un risque rénal.
    Il ne faut pas oublier qu’un grand nombre de maladies sont capables d’entraîner une insuffisance rénale chronique. Parmi ces affections, il convient de relever les maladies cardio-vasculaires et le diabète… C’est pourquoi, j’insiste énormément sur la prévention, seul moyen de lutter contre la montée en puissance des ces maladies.
    La prévention de l’insuffisance rénale chronique doit ainsi passer par une bonne prise en charge de toutes les pathologies qui la favorisent.

    Quel état des lieux faites-vous de l’évolution de l’insuffisance rénale en Algérie ?

    L’insuffisance rénale chronique touche actuellement environ 13 000 malades. Chaque année environ 4 500 nouveaux cas sont enregistrés.
    Selon les prévisions de la SANDT, le nombre de patients à dialyser atteindra d’ici à 2015 les 20 000 cas, ce qui coûterait à l’Etat quelque 20 milliards de dinars. D’où la nécessité de développer la transplantation rénale qui revient moins cher.

    Selon vous, augmenter sensiblement le nombre de greffes rénales apparaît comme un impératif de santé publique…

    Certainement. Il faut savoir que, sur les 13 000 malades, 80%, soit quelque 10 000 malades sont âgés entre 20 et 60 ans, ce qui est considéré comme une population «greffable». Le nombre de patients sur la liste d’attente d’une greffe est estimé à 6 000.

    Cependant, 20%, soit 1 200, ont des donneurs (vivants apparentés) d’où les incessants appels de la SANDT et des patriciens pour l’élargissement de la liste de donneurs, notamment la promotion des prélèvements à partir de donneurs cadavériques. La législation existe, de même que la fatwa, autrement dit, la religion encourage le don d’organes et de surcroît à partir de personnes décédées.

    Toutefois, en pratique, les choses ne suivent pas. En fait, c’est le cadre organisationnel qui fait défaut. Sur le plan de la sensibilisation, il reste beaucoup à faire aussi. La SANDT mène depuis plusieurs années une bataille pour sensibiliser le don de reins à partir de personnes décédées (mort encéphalique). Dans ce cadre, cela fait deux ans que nous avons lancé la carte de donneurs. Nous en avons distribué 500.

    Promouvoir la transplantation rénale est intimement lié à l’Institut national du rein de Blida dont l’ouverture annoncée depuis plusieurs années connaît du retard…


    En effet, l’ouverture de l’Institut du rein de Blida est très attendue. Il devrait répondre aux besoins en matière de greffe rénale qui tournent autour de 500 par an. Le lancement de cet institut, dont le bon fonctionnement nécessite une coordination efficiente, est pour bientôt. Le premier prélèvement de reins à partir d’un cadavre sera d’ailleurs réalisé incessamment à Blida. Il s’agit d’une opération pilote.Notons également que l’Algérie va mettre en place l’Agence nationale de transplantation d’organes et de tissus.

    Quelles sont, d’après vous, les mesures qui doivent être prises pour améliorer la prise en charge des malades atteints de l’IRC ?

    Je préconise dans un premier temps la création de la carte sanitaire de la dialyse qui doit obéir à des critères épidémiologiques. Malheureusement, ce projet ne peut être concrétisé qu’avec le lancement du registre national des insuffisants rénaux chroniques, annoncé depuis quelques années mais qui n’arrive pas à voir le jour. Ce registre permettrait de recenser chaque année les nouveaux cas, de faire un état des lieux, d’identifier les besoins et d’y répondre convenablement.

    Les malades atteints d’insuffisance rénale chronique (IRC) vivent aujourd’hui un vrai calvaire en raison d’une prise en charge défectueuse. L’Association nationale des insuffisants rénaux (FNIR) qui dénonce le fait que les centres privés d’hémodialyse, bien qu’en grand nombre, n’offrent pas une dialyse de qualité, lance un appel pressant aux autorités concernées pour qu’il soit mis fin à leur souffrance à travers la promotion d’un plan de greffes de reins.

    Qu’en pensez-vous ?

    Je rejoins tout à fait le cri d’alerte de la FNIR. La situation de certains malades dialysés est déplorable et c’est ce que nous ne manquons pas de relever à chaque fois. Il est regrettable de constater que, pour certains centres privés, la dialyse est devenue un business fructueux où le respect des critères scientifiques n’est malheureusement pas un souci majeur. Or, pour qu’un malade atteint d’IRC soit bien greffé, il doit au préalable avoir bénéficié d’une dialyse adéquate. Les malades doivent être correctement dialysés pour qu’il n’y ait pas de complications qui contre-indiqueraient une transplantation rénale.

    Il faut savoir qu’il y a des critères de bonne dialyse et des recommandations scientifiques et celles du ministère de la Santé qui doivent être respectées par les centres d’hémodialyse, ce qui n’est pas souvent le cas actuellement. Je pense, d’autre part, que le vrai problème des patients en dialyse, c’est le retard dans la transplantation. Développer la greffe de reins a toujours été le plaidoyer de la SANDT et des praticiens. C’est ce qui permettrait de mettre fin aux souffrances des malades qui ont du mal à supporter des séances de dialyse, longues et pénibles. Ce qui ne semble pas du goût des propriétaires des centres d’hémodialyse privés, aujourd’hui au nombre de 240 à travers le pays, ce qui est largement suffisant, d’autant plus que la qualité de la dialyse n’est pas souvent de mise.

    Donc, selon vous, il est nécessaire de suspendre la délivrance des agréments...


    Absolument. Je pense que les pouvoirs publics doivent mettre le holà à la délivrance des agréments. J’estime scandaleux que de nos jours n’importe qui puisse ouvrir un centre d’hémodialyse. Rien qu’à Alger, on compte une trentaine de centres privés. Certains sont vides. Nous sommes arrivés à une situation où l’offre a largement dépassé la demande. J’estime qu’il est urgent de faire une pause, de suspendre les agréments et de concentrer les efforts pour faire progresser la greffe de reins, c’est là l’ultime solution des malades atteints d’IRC.

    Vous parlez d’une véritable mafia de la dialyse…

    Oui, tout à fait… J’ai d’ailleurs déjà attiré l’attention des pouvoirs publics sur ce problème : halte à la mafia de la dialyse. Les centres d’hémodialyse sont devenus un créneau porteur pour des commerçants qui font le business du corps, parfois avec la complicité de la CNAS. D’autre part, certaines personnes ouvrent des centres pour cacher un véritable blanchiment d’argent… Le malade est devenu une vulgaire marchandise. Certains médecins du secteur public «vendent» leurs malades aux centres privés. C’est inadmissible, cette situation ne doit plus être tolérée. Il est temps d’y mettre de l’ordre.

    Entretien réalisé par Amel Bouakba, La Tribune
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