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La contribution des Arabes à la Renaissance européenne.

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  • La contribution des Arabes à la Renaissance européenne.

    La contribution des Arabes à la renaissance européenne serait-elle « un autre point de détail de l’histoire » ?

    Tahar Mansouri

    Il est normal, naturel voire même nécessaire de relire l’histoire et de bousculer les évidences autrement on n’est pas historien. Or pouvons nous le faire toujours quand on n’a pas les moyens de le faire ? Pouvons nous toujours le faire avec des intentions non pas de comprendre le passé mais de le corrompre ? Ce sont des questions que m’a suggéré la lecture de l’ouvrage du professeur Sylvain Gouguenheim Aristote au mont Saint Michel, les racines grecques de l’Europe chrétienne,(Paris, Seuil, 2008) qui, voulant solder « la dette de l’Europe envers l’islam » s’est attelé à discuter une évidence exprimée par A. De Libera dans Penser au moyen-age, seuil, Paris, 1991, p.104 qui consiste à dire « que les Arabes aient joué un rôle déterminant dans la formation de l’identité culturelle de l’Europe [est une chose] qu’il n’est pas possible de discuter à moins de nier l’évidence ».

    Et malgré les déclarations de l’auteur de ne pas polémiquer (p. 10) le livre qu’il nous présente est en soi une polémique : de par sa démarche, ses répétions, ses contre vérités, ses contradictions et ses erreurs.

    Ignorance et contre-vérités

    La démarche du professeur Sylvain Gouguenheim est simpliste, les Arabes n’ont rien donné à l’Europe ils n’ont eux-mêmes rien pris de valable aux grecs. Et l’Europe a découvert d’elle-même le savoir grec, et « seule elle a créé la science moderne (p. 23), elle a traduit directement depuis le VI e siècle- et même avant cette date- les œuvres d’Aristote et de Platon et tant d’autres œuvres de savants et philosophes grecs sans passer par aucun intermédiaire et encore moins l’intérimaire arabo-musulman. Et si les Arabes ont fait traduire des textes grecs, ils n’ont jamais intégré ce savoir et ne l’ont jamais intériorisé et si par hasard cela s’est fait c’est grâce aux traducteurs nestoriens, sabéens et melkites qui ne livraient pas tout le secret de cette pensée à leurs ennemis, maîtres et bourreaux. Abd al-Malik et al-Hajjaj, Haroun al-Rachid et al- Mamoun ne sont que des conquérants oppresseurs, mais sous leur aile tout de même ont été faites des traductions capitales. Encore plus si des traductions ont été faites, elles sont l’œuvre de quelques mécènes musulmans qui sans doute commandaient des traductions dans un but plutôt de notoriété sociale que par nécessité de savoir et de connaissance. Et même si « les traductions du grec en arabe par les chrétiens représentent une œuvre gigantesque et méconnue (p.87) », loin s’en faut. La littérature arabe abonde dans la mise en valeur de ces contributions et dans la mise en exergue des Ishaq b. Hounain les Ibn Masawayh et les Qusta b. Louqa al-baalabaki et tant d’autres. Quant à l’école de Médecine de Jound Shapour elle est tellement connue que quiconque n’ignore pas les Bani Bakhtyashou ‘ !

    Une Europe imaginaire

    Le professeur Sylvain Gouguenheim ignorant certainement la littérature arabophone et occultant à dessein les écrits de ses contemporains et compatriotes, s’est hasardé à écrire de contre vérités absurdes à moins que ignorant lui-même cette littérature il a cru que tout le monde l’ignore. Il a fait la découverte et il est normal qu’il la fasse connaître !

    Partant dans la réfutation de la contribution de la culture arabo-musulmane non seulement à la formation d’une partie de la culture européenne, chose que seuls ceux qui ont été atteint de cécité mentale peuvent la nier, mais au développement du savoir humain en général, le professeur Sylvain Gouguenheim parle de la dette de l’Europe envers le monde arabo musulman. D’abord, le mot dette renvoie à un commerce de bas étage et méprisant à l’égard du savoir, le considérant comme une chose, une marchandise ou tout autre objet monnayable. En plus parlant de l’Europe au moyen-age relèverait de la contre vérité historique. Il a oublié le partage de Verdun, il a oublié les guerres seigneuriales, il a fait taire la haine à l’égard de Byzance. Entre l’occident et Byzance- tous les spécialistes s’accordent à le dire- les relations n’ont jamais été comme celles décrites par le professeur Sylvain Gouguenheim. Cette belle relation gréco-occidentale au temps des byzantins ne l’est que sous la plume de l’honorable professeur. Aurions nous oublié le schisme de Photius et la bataille avec la papauté sous le règne des Macédoniens, aurions nous oublié la description faite par la princesse Anne comnène lorsqu’elle disait parlant des occidentaux « mon père savait toujours qu’ils avaient la bouche ouverte et la main tendue », aurions nous oublié cette description de la prise de Constantinople par Nicétas choniatés lorsqu‘il comparaissait « le comportement barbare » des Latins à Constantinople (1204) et « l’humanité » des musulmans a Jérusalem (1187) et en définitive aurions nous oublié la fameuse lettre cordiale comme celle envoyée par Nicolas Mysticos, patriarche de Constantinople et régent du jeune empereur Constantin VII ( 913-959) au calife abbasside au début du Xe siècle et qui disait : « Du moment qu’il y a deux souverainetés, celle des Sarrasins et celle des romains qui dominent et inondent de leur lumière l’ensemble de la souveraineté terrestre, comme le font les deux grands luminaires dans le firmament, il faut pour cette seule raison vivre en communauté et en fraternité…. » Et puis aurions nous oublié que les Byzantins, même héritiers du passé grec ne se sont ainsi désigné s mais plutôt par le terme de Romain et leur empire n’est que l’empire romain et c’est tout. Le mot grec ou « grekoi » n’ jamais été positif ni sous la plume des « byzantins » ni sous celles des latins : Dans un élan de dispute les uns méprisaient les autres parce qu’ils sont grecs et les autres parce qu’ils sont barbares.

    Et en définitive dans cette « belle relation byzantino-occidentale à la Gouguenheim », les byzantins auraient préféré la domination turque à celle des Latins : au terme du concile de Florence Ferrari (1436-1439) le représentant de Byzance aurait dit « Mieux vaut voir régner à Constantinople le turban turc que la mitre des latins ! ».

    Tout cela a été laissé de côté, pour la bonne cause : Les Arabes n’ont rien transmis à l’Europe et tout est passé par là où il y avait une communauté grecque ou hellénophone. Ces communautés étaient partout où il y a un canal de transmission. Les Arabes n’avaient pas l’intelligence qu’il faut, ils seraient des transporteurs « d’un bien » qu’ils ne comprenaient pas et un savoir dont ils ignoraient la quintessence, la saveur et la valeur ! Soyons historiens et non « idéologues » des années 30 du siècle dernier.

    Faut –il souligner le caractère « guerrier » des premières traductions médiévales en Europe, comme le montre si bien Pierre le Vénérable.

    Connaître pour réfuter

    Les premières traductions qu’elles soient du grec au latin ou de l’arabe au latin ne l’ont été que pour « combattre l’ennemi sarrasin ». Pierre le vénérable, abbé clunisien et promoteur des Studia arabica, non pas dans le but de promouvoir la science grecque mais « pour réfuter l’hérésie mahométane » mais pour la réfuter il faut la connaître, voila ce qu’il écrivit « qu’on donne à l’erreur mahométane le nom honteux d’hérésie, ou celui infâme, de paganisme, il faut agir contre elle, c’est-à-dire écrire. Mais les latins et surtout les modernes, l’antique, culture périssant, suivant les Juifs qui admiraient jadis les apôtres polyglottes, ne savent d’autre langue que celle de leur pays natal…je suis donc allé trouver des spécialistes de la langue arabe…je les ai persuadés à force de prières et d’argent de traduire d’arabe en latin l’histoire et la doctrine de ce malheureux et sa loi même qu’on appelle Coran…. Et pour que la fidélité de la traduction soit entière… aux traducteurs chrétiens j’ai adjoint un sarrasin … en l’année du seigneur 1142 [J. Le Goff, Les Intellectuels au moyen-age, Paris, 1957, pp. 20-22]. Ainsi si l’on croit A. De Libera (p. 103) « l’occident médiéval est philosophiquement sous développé » !

    Dans le monde arabo-musulman médiéval, la création culturelle et scientifique médiévale n’a jamais été une simple traduction d’œuvres anciennes mais plutôt un commentaire. Ibn Rochd, le fameux Averroès, n’est-il pas connu comme étant le commentateur d’Aristote (A. De Libera, p. 103) ! C’est par le bais de ses commentaires qu’Aristote fit une entrée difficile et presque clandestine, en Europe occidentale !

    Haine et contradiction

    Un autre élément qui frappe le lecteur est la contradiction de l’auteur : d’un côté les Arabes étaient tributaires de ceux qui traduisaient et dans ce cas les chrétiens d’Orient et c’est une « évidence historique », mais ceux-ci ne traduisaient pas tout à leurs maîtres et bourreaux et puis les savants musulmans qui ne savaient pas le grec avaient la capacité de faire le tri. « Les juristes musulmans ne s’accordaient pas sur l’usage qu’il convenait de faire de ces prises. En général, on considère qu’il fallait détruire les ouvrages religieux mais examiner les textes scientifiques (p. 131). Comprendra qui voudra : d’un côté ils ne savaient pas le grec et d’un autre ils avaient la capacité de faire le tri par le contenu !

    Le professeur Sylvain Gouguenheim s’est attelé à la comptabilité des noms dans un esprit épicier, usant d’un langage haineux à l’égard des Arabes et des musulmans, jouant sur les mots et leur ambivalence faisant des comptes de ce qu’il appelle « manuscrits exacts, textes corrects (pp. 54-57,59) mais il n’a jamais semblé intéressé par le contenu des écrits de ses auteurs. A titre d’exemple, et les exemples sont légion, Adélard de Bath (p. 105) « savant anglais qui séjourna à Antioche plus de six ans entre 1110 et 1116 » suite à quoi il a écrit « j’ai appris de mes maîtres , les Arabes à suivre la lumière de la raison, tandisque vous êtes guidés par la bride de l’autorité ; car quel autre mot que « bride » puis-je employer pour décrire l’autorité »[(J, Tolan, Les sarrasins, Paris, 2003 pp. 23-24].
    Ya Allah, al Aziz, al Hakim. a7fadh jazair wa al maghareb al kabir

  • #2
    Suite

    Dois-je murmurer à l’oreille du professeur Sylvain Gouguenheim que rien ne sert à déplacer la géographie et à recomposer le temps : l’Ethiopie du moyen-age n’est pas celle que l’on croit aujourd’hui comme le terme soudan ne veut pas dire une région géographique ni d’ailleurs la Babylone médiévale ne correspond à la Babylone des temps anciens. Mr Gouguenheim la ville de Basra [le terme consacré est Bassorah] est sud de l’Irak et Bosra est au Sud de la Syrie (p. 86) quant à Ibn Khallikan, grand biographe du XIIIe siècle est décédé selon ses biographes en 1282 et non en 1182 (p. 86). Pour conclure, la question n’est pas la dette contractée, car la culture ne se pense pas en termes « capitalistes » mais en termes humanistes : il ne s’agit de la dette de personne envers personne mais de l’apport des uns et des autres. La civilisation est une construction humaine universelle et chacun y a mis un peu de lui-même à moins que, selon A. De Libera, p. 104« le racisme et la xénophobie procèdent de causes diverses où la philosophie n’intervient généralement pas comme telle. La méconnaissance du rôle joué par les penseurs d’Islam dans l’histoire de la philosophie fournit, en revanche, un puissant instrument rhétorique aux tenants d’une histoire purement occidentale de la raison ». Pour le professeur Sylvain Gouguenheim, il ne s’agit pas de méconnaissance mais de négation !!

    Personne n’est redevable à personne mais puisque le professeur Sylvain Gouguenheim l’a ainsi pensé : l’Europe est redevable pour son essor, pour son identité pour sa puissance et pour son Gouguenheim aux Arabes (chrétiens, juifs et musulmans) aux Syriaques, aux Bantous, aux berbères, aux Peuls, aux Mayas et à tant d’autres peuples, comme elle est redevable a l’effort de ses propres enfants.

    Paru à Tunis in Journal Réalités, n° 1170 du 31/7 au 6 /8 / 2008, pp. 20-22.
    Ya Allah, al Aziz, al Hakim. a7fadh jazair wa al maghareb al kabir

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