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L’aderyis, une fête qui tend à disparaître à Béjaïa

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  • L’aderyis, une fête qui tend à disparaître à Béjaïa

    A entendre parler un vieux, on se rend vite compte que la Béjaïa ou la région que nous croyions si bien connaître a, en fait, perdu beaucoup de ses repères culturels.

    Les témoins tangibles, comme le patrimoine architectural et monumental, résistent tant bien que mal aux vicissitudes du temps qui passe, mais les us et les coutumes disparaissent généralement à tout jamais.

    Les savoirs séculaires, les fêtes coutumières et les pratiques ancestrales tendent continuellement à céder, pour de bon, le pas à un nouveau mode de vie dit moderne. Beaucoup de nos concitoyens d’aujourd’hui ignorent, en partie ou complètement, ce volumineux héritage qui constitue le substrat de la mémoire collective.

    Les festivités rituelles des sociétés berbères comme Timechret, Dhiafa, Anzar, Amenzou n’yennayer ou Ass n’temghart font partie de ce patrimoine immatériel qui tend à disparaître du quotidien.

    Dahbia Abrous, éminente spécialiste de la langue et de la culture amazighes, relève l’ancienneté et l’essence méditerranéennes de ces pratiques empiriques. «Ces cérémonies populaires sont étroitement liées au calendrier agraire qui est commun à tout le Bassin méditerranéen.

    On les retrouve également dans une bonne partie de l’Europe orientale qui comprend la Grèce et la Turquie et elles s’étendent même jusqu’en Iran», note-t-elle.

    On aimerait rappeler à ce sujet le souvenir d’une fête bucolique qui accueillait jadis le printemps à Béjaïa et sa région.

    A chaque début de la saison des fleurs, les paysans de la vallée de la Soummam et les populations du plateau du Sahel marquent cette transition par un joyeux rituel appelé aderyis ou amezouar n’tefsut.

    Cette liesse populaire, marquant l’avènement de la plus belle saison de l’année, tire son nom d’une plante très utilisée dans la phytothérapie locale. Aderyis, appelée Eutacia Garganica, possède en effet plusieurs vertus thérapeutiques. Cette plante de la famille des ombellifères est traditionnellement utilisée dans le traitement de plusieurs maladies, dont les bronchites, les rhumatismes, la goutte (excès d’urée dans le sang), la rage, les blessures profondes et diverses autres irritations. Aderyis, dont l’importance médicinale est aujourd’hui scientifiquement établie, est aussi employé pour les masques de beauté et pour les soins du bétail.

    Ces festivités, qui marquent le passage d’une saison à une autre, prennent généralement la forme de rituels dédiés à la fécondité et à la préservation des récoltes. «Le fait de consommer pour la circonstance de la nourriture bouillie est une manière, dans le raisonnement paysan, de solliciter la terre nourricière à donner davantage de richesses», explique encore la doctoresse Abrous en soulignant, plus loin, que le monde méditerranéen avait connu la révolution néolithique relative à la découverte de l’agriculture qui a depuis caractérisé son mode de pensée.

    S’agissant de l’harmonie existant autrefois entre la religion et ces pratiques coutumières, comme par exemple dans le cas du rite d’anzar (rogaton à la pluie) et de la prière collective dans laquelle les musulmans sollicitent cette même pluie, les académiciens sont unanimes à souligner l’esprit de tolérance et d’ouverture qui distingue depuis la nuit des temps les sociétés maghrébines.

    «Il n’y a pas de culture qui soit un isolat. L’objectivité et la finesse du raisonnement laissent savoir que les cultures s’interpénètrent. C’est une règle.
    Les Nord-Africains ont toujours réalisé ce qu’on appelle en anthropologie des cas de syncrétisme entre la culture ancienne et les nouveaux apports, dont justement l’Islam. Beaucoup de travaux prouvent, de manière irréfutable, que l’Islam s’est merveilleusement bien adapté à notre culture comme il l’a si bien fait ailleurs, notamment aux Balkans, en Iran, en Turquie ou en Extrême-Orient.

    Il y a une interdépendance entre l’usage musulman et le substrat amazigh qui lui est antérieur», conclut D. Abrous. Une manière de dire que le prétexte religieux ne justifie en aucun cas l’abandon de ces réjouissances traditionnelles qui constituent notre carte d’identité culturelle.

    Par Kamel Amghar, La Tribune
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