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Hippone, l'assassinat d’une mémoire

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  • Hippone, l'assassinat d’une mémoire

    Hippone, ces archives à ciel ouvert, ces ruines ruinées, ces pierres qui parlent et qui racontent, ces pierres qui ont traversé les siècles défiant le déroulement du temps sont la mémoire vive et vivante d’une cité dont le rayonnement et l’influence se sont étendus jusqu’à Rome, la Ville éternelle.

    Une mémoire vivante mais qui, pourtant, est morte, assassinée par l’inconscience, l’ignorance et le mépris.

    L’Histoire, implacable, retiendra qu’en ces temps de «vaches maigres», les descendants de Syphax, de Massinissa, de Micipsa et de Jugurtha ont superbement ignoré leurs origines, leurs racines profondément enfouies dans cette terre rebelle de Numidie pour embrasser des cultures éphémères et se fondre dans un syncrétisme sans repères, emportés qu’ils sont dans un tourbillon qui aboutira à leur vassalisation. Et c’est la pire chose qui puisse arriver à un homme jaloux de sa liberté, un Amazigh de surcroît

    .Les ruines d’Hippo regius la royale, à l’entrée est de la ville d’Annaba, se dressent encore, rappelant à ceux qui daignent les regarder et les admirer pour se plonger dans l’histoire antique et rêver de ces temps immémoriaux, son faste, sa notoriété et sa résistance face aux convoitises et aux multiples invasions.

    Hippo regius, Hippone, Bled El Aneb, Bône, Annaba, chaque dénomination a sa propre histoire et est liée à des événements qui ont pétri et remodelé cette cité. Les origines de cette ville parmi les plus connues dans l’Antiquité remontent au XIIe siècle avant notre ère. «Hippone est assurément la ville de l’Afrique du Nord qui peut revendiquer la plus lointaine origine. On s’accorde généralement pour faire remonter au XIIe siècle avant notre ère sa fondation par les Phéniciens […]

    L’importance des vestiges préhistoriques subsistant dans la région suffirait d’ailleurs à attester la densité remarquable d’un peuplement primitif que viendra confirmer par la suite le nombre inusité des inscriptions libyques retrouvées autour d’Hippone», disait Erwan Marec, directeur des fouilles d’Hippone. Cette cité en passant d’une époque à l’autre n’a jamais perdu son âme, est restée ancrée dans ses origines et a préservé son identité propre influençant par son prestige et sa culture l’envahisseur.

    Tous en exaltèrent les mérites, El Bekri, Ibn Haucal et même Léon l’Africain étaient tombés sous ses charmes et louaient la douceur et la joie de vivre de ses populations. Hippone qui traversa sans encombre l’époque punique avec ses guerres, sous Syphax, Massinissa, et le pillage en règle du Romain Gaius Laelius recouvra son indépendance sous le royaume berbère après la défaite et la destruction de Carthage. «Elle devait même être alors une des résidences préférées de ces vieux souverains berbères, dont les monnaies, timbrées du cheval galopant, se retrouvent encore assez fréquemment dans son sol», affirmait le directeur des fouilles.

    A l’époque romaine, elle était déjà connue comme une ville avec une population homogène et policée et elle acquit le statut de municipe avec le statut de «cives romani» (citoyen romain) pour ses habitants avant de se hisser au rang de colonie, un honneur auquel aspiraient alors tous les Africains. Elle était devenue plus tard le grenier à blé de Rome.

    La crise économique et les troubles de la fin du IIIe siècle allaient précipiter le déclin et la destruction de l’Afrique latine, et avec elle Hippone s’il n’y avait eu cette flamme inextinguible jalousement attisée et conservée par son génial enfant saint Augustin de Taghaste et sa philosophie qui a à jamais marqué la pensée chrétienne occidentale.

    L’évêque d’Hippone était le rempart suprême contre la barbarie et le vandalisme qui allaient effacer et réduire à néant des siècles de civilisation. Les ruines d’Hippone aujourd’hui, dont il reste quelques vestiges que «ceux qui font parler les pierres» ont classées pour situer la ville antique, renseignent sur les monuments qu’elle abritait et les différents espaces publics qu’elle avait : théâtre de style hellénistique rappelant celui de Dionysos à Athènes, le forum considéré comme étant le plus vaste et le plus ancien de l’Afrique du Nord avec ses 76 mètres de longueur et ses 43 mètres de largeur.

    Le quartier de l’Emporium, les villas, les édifices chrétiens et les grands hermes témoignent aujourd’hui de la grandeur d’une cité encore là et s’étalant sous les yeux des centaines de milliers d’habitants qui ne la voient pas.

    Ce qui la tue chaque jour un peu plus, parce que l’oubli est pire que la trahison, c’est la spoliation et le dépouillement d’une vérité, c’est l’assassinat d’une mémoire.

    Par la Tribune
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