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Almere, vitrine de l'extrême droite néerlandaise

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  • Almere, vitrine de l'extrême droite néerlandaise

    Ce jour-là, ils sont quelques dizaines de jeunes habillés en pyjamas bleu ciel à défiler dans les rues de la ville d'Almere. "Pas de place pour le racisme", affirment leurs calicots. Ils se veulent les "commandos à fleurs" de cette étrange cité qui, à peine sortie des cartons des architectes, est devenue la septième municipalité des Pays-Bas. L'initiative de ces manifestants très pacifiques répond à celle, plus menaçante, du Parti de la liberté, le PVV de Geert Wilders, qui entend créer ici des "commandos urbains" chargés d'endiguer la criminalité.

    La droite radicale populiste et anti-islam a choisi de transformer Almere en symbole de sa conquête du pouvoir. Dans cette ville nouvelle, un rêve d'architecte qui n'est, en fait, qu'une froide cité-dortoir construite sur un polder à 25 km d'Amsterdam, M. Wilders a drainé plus d'un quart de l'électorat aux élections européennes de 2009. Son meilleur score national. Il comptait, lors des municipales du mercredi 3 mars, arriver en tête. Objectif atteint. Le PVV a obtenu environ 22 % des suffrages et 9 sièges sur 39. Désormais, il veut surfer sur ce succès pour aborder en favori les législatives du 9 juin, rendues nécessaires par la récente démission de la coalition dirigée par Jan Peter Balkenende. Les sondages, hésitants, font alternativement du PVV, le troisième, le deuxième ou le premier parti du royaume.

    A Almere, la liste populiste était emmenée par Raymond de Roon, député et "spécialiste de la criminalité". Inaccessible pour les journalistes - "raisons de sécurité", affirme son entourage -, le candidat a développé un programme sans ambiguïté : le droit, pour les policiers, de tirer dans les genoux des fauteurs de trouble ou la mise en place de ces "commandos citoyens" censés mettre au pas les perturbateurs. A Almere et ailleurs, il s'agirait de calmer "l'orgie de violence" qui déferle sur les Pays-Bas.

    Une prétendue "avant-garde" de ces commandos se serait mise en place. Le 27 février, elle a obligé deux commerçants à enlever les affiches d'autres partis que le PVV. Cor Valies, l'un de ces commerçants installés dans le quartier d'Almere Buiten, affirme avoir cédé pour ne pas voir sa vitrine détruite.

    Geert Wilders est venu, en personne, galvaniser ses troupes, le 24 février. Il leur a rappelé les mots d'ordre : interdiction du foulard et des minarets, fin des subventions pour "les macramés turcs et les peintures au doigt arabes", arrêt de "l'immigration et de l'islamisation". Le tir était concentré sur le Parti du travail (PDVA, social-démocrate), accusé de "ne pas parler le langage de l'homme de la rue, mais l'arabe". Hilare, l'assemblée s'est aussi vu promettre une réduction de 10 % du nombre de fonctionnaires, une baisse des taxes locales et une réduction de moitié du prix du stationnement.

    Marinus, 54 ans, électeur du PVV, jubile. En train de faire ses emplettes au Kruitvat, le supermarché local, il se réjouit des promesses du PVV de réduire les subventions culturelles. "Plutôt que de donner de l'argent aux élites, il faut l'utiliser pour lutter contre les terroristes des rues", dit-il. Face au rouleau compresseur que le PVV a lancé, les partis traditionnels sont à la peine. Avec son programme "Apprendre, habiter et travailler à Almere", la gauche travailliste ne pouvait songer qu'à l'imiter les dégâts et prôner la raison.

    Alphons Muurlink, chef de file local du PVDA, souligne, par exemple, qu'Almere est devenue une ville de plus en plus sûre. Le rapport officiel d'un bureau d'études indépendant le confirme. Le sentiment d'insécurité est élevé pourtant, le nombre de vols a baissé de 36 % entre 2008 et 2009. La ville ne figure qu'au 35e rang des villes néerlandaises les moins sûres.

    Autre paradoxe, cette cité nouvelle, née en 1976 et dotée d'un nom huit ans plus tard seulement, compte certes 30 % d'étrangers (moins qu'Amsterdam, Rotterdam et La Haye) mais seulement 6 % de Turcs et de Maghrébins. "Que vais-je dire, jeudi matin, à celui d'entre eux qui va me demander ce que j'ai contre lui ?", soupire Caroline. L'étudiante a rangé son pyjama bleu pour venir s'informer, à la mairie, des premiers résultats du PVV. Et elle déprime.

    Défaite des deux principaux partis au pouvoir

    Les deux principaux partis du gouvernement sortant, le PVDA (gauche sociale-démocrate) et l'Appel chrétien démocrate (CDA) de Jan Peter Balkenende sont les deux grands perdants du scrutin municipal du 3 mars. Les vainqueurs sont le parti de la liberté de Geert Wilders (PVV), qui arrive aussi en deuxième position à La Haye, et les réformateurs libéraux de D66.

    Même sanctionné, le PVDA demeure le premier parti à Amsterdam et La Haye et il est aux coudes avec Leefbaar, les populistes héritiers de Pim Fortuyn, à Rotterdam.

    Une projection pour les législatives du mois de juin donne trois partis dans un mouchoir de poche : 29 sièges sur 150 pour les chrétiens démocrates (- 12), 27 pour les travaillistes (- 6) et 24 pour les populistes de M. Wilders (+ 15). - (Corresp.)

    Par Jean-Pierre Stroobants, Le Monde
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