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Désavoué par Sarkozy, Kouchner est en plein désert

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  • Désavoué par Sarkozy, Kouchner est en plein désert

    Par Anne Laffeter | LesInrocks.com | 04/03/2010 |

    Court-circuité par l'Elysée, embourbé dans les dossiers palestiniens ou algériens, Bernard Kouchner est de plus en plus à l'étroit dans son costume de ministre des Affaires étrangères.

    A quoi sert Bernard Kouchner ? Plus que discret pendant ces derniers mois, le ministre des Affaires étrangères a fait son retour avec Haïti. L'humanitaire, il sait faire. Pour le reste, tout passe par l'Elysée. L'homme ne semble plus aussi proche de Sarkozy : il est loin le temps où Bernard Kouchner joggait à ses côtés dans les rues de New York, arborant un T-shirt « Gare au gorille ».

    Lorsque l'hôte du Quai d'Orsay fait entendre sa voix sur des dossiers tels que l'Algérie et le conflit israélo-palestinien, il est désavoué. Jusqu'à quel point va-t-il devoir incarner un ministre prétexte, comme c'est le cas pour Rama Yade ?

    Kouchner, un simple rôle d'apparat


    Bernard Kouchner n'a jamais caché son attachement au prestigieux poste de ministre des Affaires étrangères. Va-t-on lui demander de partir ? C'est ce que pense Jean-Christophe Cambadélis, secrétaire national PS chargé des questions internationales :
    « Il n'a pas échappé à Kouchner qu'il y aura un remaniement ministériel après les régionales. Il essaie de revenir au French doctor qu'il fut. »
    Mais l'homme sert Sarkozy. Plus grosse prise de la première vague d'ouverture, la marque Kouchner reste encore très populaire dans l'opinion. C'est sa popularité qui l'a fait préférer en 2007 au sérieux Hubert Védrine. Mais sa cote s'étiole lentement depuis 2009, tout comme ses marges de manœuvre. Kouchner est cantonné dans un rôle d'apparat.
    « Il a énervé Sarkozy au cours des derniers mois, leur grand amour a périclité », commente Didier Billion, chargé de mission à l'Institut de relations internationales et stratégiques, spécialiste du Moyen-Orient.


    Sur le plan international, c'est Sarko la star, pas Kouchner. C'est le chef de l'Etat qui pose aux côtés de l'otage Pierre Camatte après sa libération au Mali. Cambadélis ironise :
    « Il restait à Bernard Kouchner le magistère du verbe, mais comme celui-ci est monopolisé par Sarkozy, il ne lui reste pas grand-chose. »
    Porteur d'un « slogan désincarné opportuniste »


    Le 21 février dernier, le Président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est reçu en France par Sarkozy. La veille, Bernard Kouchner appelle dans la presse à la création d'un Etat palestinien avant la fin du processus de négociation. Le chef de l'Etat ignore sa proposition et François Fillon le désavoue depuis la Jordanie. Didier Billion :
    « Kouchner a voulu exister mais il est porteur d'un slogan désincarné opportuniste, lui qui n'a jamais été d'une grande activité sur ce dossier. Tout le monde dit qu'il faut un Etat palestinien. Mais avant sa proclamation, il y a deux ou trois choses à régler. »
    Comme la question des frontières, des réfugiés et des colonies.
    Autre dossier chaud : la tension entre Paris et Alger. Près d'un demi-siècle après les accords d'Evian, la période coloniale continue d'empoisonner les relations entre les deux pays. En 2005, la proposition de loi pour reconnaître le rôle positif de la colonisation déposée par l'UMP -finalement abandonnée- n'avait rien amélioré. Aujourd'hui, comme un retour de flamme, des députés algériens du parti au pouvoir veulent faire voter un texte pour criminaliser la colonisation française, avec la création de juridictions spéciales.


    Dans ce contexte, une déclaration de Bernard Kouchner au JDD le 19 février a fait monter la tension :
    « La génération de l'indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple. »


    Alger a vivement réagi. Didier Billion critique :
    « Alors que les relations sont tendues, on fait difficilement pire. Cela va à l'encontre de la pratique diplomatique et du bon sens politique. »
    Un membre du ministère des Affaires étrangères commente :
    « Il y a une sorte de contradiction entre le personnage de l'humanitaire et les responsabilités d'un ministre des Affaires étrangères. »
    Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, et Jean-David Levitte, le conseiller diplomatique, noyau dur de la cellule diplomatique de l'Elysée, se sont rendus en Algérie pour tenter de déminer la situation.

    Une « réformette » pour lutter contre le déclin français

    Autre camouflet pour le ministre : la réforme de la diplomatie culturelle. Kouchner l'avait présentée comme sa grande réforme. Les quelque 150 instituts français et centres culturels devaient échapper au giron pesant des ambassades, se rassembler dans une grande agence et gagner en indépendance.

    Face à la résistance des ambassadeurs et diplomates, et sans soutien du Président, la réforme s'est transformée en réformette. Kouchner voulait un Institut Albert Camus dirigé par l'écrivain et ambassadeur au Sénégal Jean-Christophe Rufin ; il n'en sera rien. Ce sera l'Institut français -même pas Victor-Hugo, le deuxième choix- à la remorque de ses prestigieux voisins : le British Council, l'Institut Goethe en Allemagne ou Cervantès en Espagne.

    Imaginée comme un outil d'influence et de reconquête d'image, la réforme de la diplomatie culturelle devait répondre « au déclin français » et redorer l'image de la France ternie par le retour dans l'Otan et le débat sur l'identité nationale. Mais face à la pression du corps diplomatique et de Bercy, Bernard Kouchner a dû reculer.


    Didier Billion raconte :
    « L'administration du Quai d'Orsay est lourde, accrochée à ses prérogatives. Les diplomates n'apprécient pas le style Kouchner, ses déclarations à l'emporte-pièce. Ils préfèrent travailler dans la discrétion. »
    La réforme se fera en deux temps : d'abord changer le nom avec une mise en réseau des acteurs et, dans trois ans, on coupera peut-être le cordon.

    Rue89
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