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Le sort du monastère de Tibéhirine en question

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  • Le sort du monastère de Tibéhirine en question

    Quatre fois par semaine, le Père Jean-Marie Lassausse emprunte le même parcours. Quittant Alger et ses faubourgs, il passe à travers les gorges de la Chiffa, poursuit en direction de la ville de Médéa, puis atteint enfin son but, le Mont-Tibéhirine, à près de 100 kilomètres de la capitale. Ce trajet, le Père Lassausse l'accomplit toujours en convoi, sous bonne escorte : trois équipes de gendarmes se relaient à chaque changement de wilaya (préfecture), sur la route.

    La mesure est plus symbolique qu'autre chose, car aujourd'hui, tout danger paraît écarté. Mais il en va toujours ainsi, quatorze ans après le massacre des sept moines cisterciens enlevés par un groupe islamique armé dans la nuit du 26 au 27 mars 1996. Un mois plus tard, on retrouva leurs têtes sur le bord d'une route, jamais les corps.

    Accroché à flanc de colline, le monastère, qui domine quelques modestes maisons et une école toute proche, paraît, en cette froide journée de février, figé. Il n'est plus habité, et seuls des policiers communaux, depuis leur poste de garde qui surplombe le bâtiment, s'agitent à l'approche d'inconnus. Mais ça et là, des signes témoignent d'un regain d'activité.

    Le domaine, planté de quelque 2 500 arbres fruitiers, est entretenu - c'est la tâche du Père Lassausse, assisté de deux ouvriers agricoles du village voisin. Une partie de la toiture a été refaite. Et à l'angle droit, les cadres des fenêtres sont flambant neufs. Mais pour qui ? Quatorze années après la disparition brutale des derniers moines résidents, sur laquelle continue d'enquêter le juge d'instruction français Marc Trévidic, l'installation de religieux sur place n'est pas réglée. Le site semble hésiter entre la reprise d'une activité ouverte sur le monde extérieur et le repli sur soi.

    Car depuis trois ans, des moniales de Bethléem effectuent elles aussi plusieurs fois par semaine le trajet depuis Alger jusqu'au monastère, sans toutefois y vivre à demeure. Les soeurs, au nombre de quatre, ont réalisé des travaux et des aménagements, changé les serrures, interdisant de fait l'accès au prieuré. Mais leur installation définitive n'est pas acquise.

    La présence de ces religieuses contemplatives, "à vocation de chartreuses", souligne un prêtre, ne fait pas l'unanimité dans les rangs de l'Eglise catholique d'Algérie. Les plus réticents font valoir que les moines cisterciens entretenaient des liens avec les villageois et maintenaient une tradition d'hospitalité. Or la vocation des soeurs de Bethléem, une communauté créée dans les années 1950 en France, est fondée sur le travail manuel et la prière dans la solitude.

    Une sorte de cohabitation s'est donc instaurée, qui embarrasse les autorités religieuses. "On continue à marcher de cette manière, avance Mgr Ghaleb Moussa Abdallah Bader, ordonné archevêque d'Alger en mai 2008. Il y a assez de place pour tout le monde."

    Au Père Lassausse, il revient de maintenir le lien avec les habitants de Tibéhirine. Une autre soeur, dépendant de Caritas, une ONG du Secours catholique, s'y emploie également, qui confie des travaux de couture aux femmes de Tibéhirine. Elle aussi est du voyage, plusieurs fois par semaine. "C'est un aspect important de maintenir le contact et de rendre service à la population", souligne Mgr Bader.

    Pas un lieu de pèlerinage

    Les moniales de Bethléem, dit-il, "ont assez à faire avec le monastère lui-même". Mais leur bon d'installation reste incertain. "Elles ne sont pas installées définitivement, mais elles vont le faire", nuance l'archevêque, qui met en avant "la situation particulière de Tibéhirine, sur place et au niveau international" pour expliquer les difficultés auxquelles est confrontée l'Eglise catholique d'Alger. Cette dernière cherche à maintenir le site dans l'esprit de Tibéhirine tout en évitant qu'il ne devienne, après le drame de 1996, un lieu de pèlerinage.

    Maintenir le contact avec la population apparaît d'autant plus un enjeu, en Algérie, que la communauté chrétienne dénonce une multiplication d'incidents à son égard. Le 11 février s'est d'ailleurs tenu un colloque interreligieux à Alger pour, selon les mots du ministre des affaires religieuses, "dissiper tout malentendu" autour de "prétendues restrictions à l'exercice des cultes". "Une première", relève Mgr Bader.

    A Tibéhirine, l'Eglise catholique ne perd pas de vue, non plus, que la construction, depuis 2004, de la mosquée Saladin, située juste en face du monastère, est aujourd'hui en voie d'achèvement.

    Source : Le Monde
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