Par le Dr Ahmed ROUADJIA
Pétrole et corruption sont deux mots désignant « deux maux » inespérables. N’était l’abondance du premier, la corruption n’existerait pas ou n’existerait que sous une forme bien plus atténuée. Or, le pétrole est pour l’Algérie, un cadeau du Ciel d’autant plus empoisonné qu’il dispense non seulement les Algériens de l’effort productif,de l’imagination créatrice, de l’esprit d’indépendance et du « compter sur soi », mais il avive aussi les appétits féroces de la minorité tout en exacerbant les frustrations de l’écrasante majorité d’entre eux.
Convoité par la minorité détentrice de rente de situation, ce liquide est devenu, depuis l’indépendance, un facteur générateur de corruption d’autant plus effrénée qu’elle s’affiche sans honte ni pudeur au grand jour. Si ce pétrole fait le « bonheur » d’une minorité d’Algériens, « citoyens et cadres de la nation », il constitue pour la majorité et l’avenir de la nation entière un facteur de régression économique, social, culturel et même politique.
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Un peuple improductif et façonné d’après l’économie rentière
Les raisons en sont évidentes : le pays, les Algériens, du fait des revenus qu’ils tirent du pétrole, se sont détournés depuis belle lurette du travail nourricier de la terre, de celui de l’artisanat, de l’effort productif en général et de l’imagination inventive, qui sont les traits distinctifs des peuples créateurs et industrieux. Nos revenus qui proviennent à hauteur de 98% du pétrole ont fait de nous un peuple de paresseux, de rentiers, et de consommateurs passifs des produits importés de l’Occident pour lequel notre marché interne est devenu un débouché rentable pour ses produits industriels et manufacturés. Et depuis que nous avons adopté pour la prétendue « économie de marché » censée opérer notre transition vers je ne sais quel horizon obscur et incertain, notre pays est devenu une sorte d’immense poubelle dans laquelle se déversent tous les produits plus ou moins avariés de l’Occident intelligent et imaginatif. La Chine elle-même y trouve son compte. Ses produits à bon marché sont en passe de tuer ce qui reste de nos industries textiles, de notre artisanat, et même de notre savoir-faire dans certains domaines, comme les travaux publics où les ouvriers chinois constitués d’ouvriers et de prisonniers ont déjà refoulé leurs pairs algériens à la lisière de la masse grandissante des chômeurs et des désœuvrés.
La captation de nos compétences et de nos richesses par les Étrangers
Les transferts des technologies et des savoir-faire du monde extérieur vers l’Algérie est un leurre que nos dirigeants s’efforcent d’accréditer, mais en vain. C’est l’inverse en fait qui se produit : nos compétences et nos richesses locales profitent aux seuls étrangers qui savent capter à leur profit ce que nous avons de meilleurs et de profitable. Nos compétences, faute d’obtenir la considération qui leur est due et de faire usage de leur savoir-faire dans leur propre pays, le fuient, contraints et forcés, vers les pays qui savent en apprécier la valeur et l’usage hautement bénéfique. Seuls les cadres nationaux, incompétents ou non, qui détiennent des positions de responsabilité importantes dans le secteur économique publique, se refusent à l’exil, tant le système de « commissions » issues de la passation des marchés frauduleux, leur procurent des rentes plus que confortables pour affronter les risques éventuels, les incertitudes, et les aléas de la vie. Ceux-là, ils ne s’exilent que lorsqu’ils auront fait leur « beurre » et placer des dizaines de balluchons, de « Echkarâ », bourrés de billets verts dans les banques suisses, britanniques, nord-américaines ou françaises. Leur exil ne sera pas alors un exil de nécessité, de besoin et de survie urgents, mais un exil « doré » aux bords du Lac de Genève, ou sur la Côte- d’- Azur. Leurs énormes liquidités financières, produits de la corruption, feront leur bonheur comme celui des banques de dépôts des pays hôtes. Certes, tous les cadres ( on dirait aujourd’hui les managers) qui restent cloués au pays ne sont pas tous dans ce cas de figure. Ils ne sont ni corrompus ni corrupteurs. Et Dieu sait, que les cadres compétents et honnêtes sont légion en Algérie, et malgré les pressions exercées sur eux par l’environnement afin qu’ils versent ( comme tout le monde) dans la corruption, ils ne finissent pas par succomber à cette tentation perverse.
Des atouts mal exploités…
Au lieu de constituer un atout formidable pour le développement économique, social et culturel de la nation, le pétrole, et donc les revenus qui en découlent sont devenus une véritable malédiction de l’Algérie. Les appétits féroces qu’il excite, et les tentations d’enrichissement facile qu’il suscite ne dispensent pas seulement de l’effort productif, de la prévoyance et de la rigueur dans la gestion saine du Trésor public, mais dispensent aussi les acteurs politiques et sociaux de faire usage de l’esprit d’imagination, d’anticipation, de création et d’ innovation.
Aubaine sortie des entrailles de notre Désert brûlant, le pétrole est en même temps source de tous les maux qui affligent depuis l’indépendance la nation algérienne. L’esprit rentier que ce liquide magique- conséquence d’une lente décomposition d’éléments bactériologique d’organismes aquatiques végétaux et animaux, il y a plusieurs centaines de millions d’années-, a fait naître chez nos concitoyens, constitue, en somme, une source de corruption contagieuse et une cause fondamentale de toutes les perversions que l’on constate dans tous les domaines de la vie politique et sociale. Les scandales de la SONATRACH et de l’autoroute Est- Ouest où des milliards ont été détournés par le biais des commissions et des marchés frauduleux, sans parler de l’affaire El Khalifa, de la BADR et d’autres banques impliquées dans de gigantesques pillages des deniers publics, ne sont que la partie visible des prévarications et des agiotages derrière lesquels se dissimule l’immense iceberg de la corruption tentaculaire, démesurée et sans bornes.
L’incroyable insouciance de nos dirigeants face aux ampleurs du désastre
A entendre et à lire les déclarations de nos dirigeants politiques tendant à dédramatiser, voire nier les désastres causés par la corruption, on est complètement renversés. Pour beaucoup d’entre eux, la corruption est un phénomène universel et que notre pays, en la matière, n’a rien à envier aux autres. L’Algérie serait, selon eux, bien moins touchée par ce fléaux que les pays les plus démocratiques du monde. On ne sait si ces hommes politiques prennent vraiment au sérieux leurs propos et en évaluent avec conscience la portée, ou s’ils sont au contraire déconnectés de la réalité au point de manifester tous les signes caractéristique de l’autisme.. Pour illustrer cet état d’esprit calamiteux, il suffit de reprendre tour à tour les déclarations de trois ministres seulement sur la trentaine environ que compte le gouvernement actuel . Pour ces trois personnages de l’Etat, la corruption économique qui s’est enracinée dans les pratiques, les habitudes, les réflexes et les mœurs politiques, n’est pas l’apanage de l’Algérie, mais le fait de tous les pays et les civilisations passés et actuels. L’Algérie ne ferait donc pas exception à la règle générale, et de ce fait, il n’ y aurait aucune raison de s’alarmer devant cette pratique, en somme, toute « banale ». D’où les références aux Autres et au passé dont ils recourent pour relativiser la corruption qui gangrène nos institutions économiques et sociales.
Les références aux Autres et à l’histoire comme alibi
Les scandales révélés par la presse privée, bientôt confirmés par les enquêteurs du DRS, auraient été exploités, exagérés et amplifiés par les médias « partisans » pour porter atteinte à l’image du pays et à ses dirigeants dont la compétence et l’intégrité seraient indéniables. Ainsi pour relativiser cette corruption massive, débridée et contagieuse, et en atténuer les conséquences néfastes sur l’économie et la société, ces dirigeants qui semblent être en perte de conscience et de responsabilité civique invoquent l’histoire : depuis l’aube des Temps, disent-ils, la corruption a existé et toutes les nations et civilisations de la terre, passées et présentes, ont été et le sont encore affectées par ce phénomène « naturel » et inévitable. Comment voulez-vous, ajoutent-ils, que l’Algérie qui est une nation jeune et fraîchement indépendante puisse déroger à cette règle universelle ?
Ainsi notre ministre de la justice, Tayeb Belaiz , en sa qualité de gardien présumé du sanctuaire sacré du droit et, qui devrait être le premier à s’alarmer de l’ampleur de ces dégâts incommensurables causés par ces scandales, n’a-t-il pas trouvé d’autres réponses que celles de les justifier par des pratiques similaires sous d’autres latitudes. Aussi déclare-t-il, avec un cynisme et une inconscience qui frisent l’absurde et qui choquent profondément l’entendement civilisé, que la corruption « est née avec l’humanité et restera jusqu’à la fin du temps », puisque, ajouta-t-il, avec une sorte d’assurance à la fois tranquille et présomptueuse que ce fléaux « a existé dans les anciennes sociétés, et l’est aussi toujours, même dans les pays se disant des plus développés et disposant des systèmes de gestion les plus transparents (…)Nous voyons ce qui se passe à travers le monde. »
La chute en est jolie ! Il est navrant en effet qu’un ministre de la justice puisse faire siennes de telles balivernes qui sont les aliments des conversations ordinaires de l’homme de la rue, encore que celui-ci puisse-t-il avoir une vue moins réductrice…
Pétrole et corruption sont deux mots désignant « deux maux » inespérables. N’était l’abondance du premier, la corruption n’existerait pas ou n’existerait que sous une forme bien plus atténuée. Or, le pétrole est pour l’Algérie, un cadeau du Ciel d’autant plus empoisonné qu’il dispense non seulement les Algériens de l’effort productif,de l’imagination créatrice, de l’esprit d’indépendance et du « compter sur soi », mais il avive aussi les appétits féroces de la minorité tout en exacerbant les frustrations de l’écrasante majorité d’entre eux.
Convoité par la minorité détentrice de rente de situation, ce liquide est devenu, depuis l’indépendance, un facteur générateur de corruption d’autant plus effrénée qu’elle s’affiche sans honte ni pudeur au grand jour. Si ce pétrole fait le « bonheur » d’une minorité d’Algériens, « citoyens et cadres de la nation », il constitue pour la majorité et l’avenir de la nation entière un facteur de régression économique, social, culturel et même politique.
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Un peuple improductif et façonné d’après l’économie rentière
Les raisons en sont évidentes : le pays, les Algériens, du fait des revenus qu’ils tirent du pétrole, se sont détournés depuis belle lurette du travail nourricier de la terre, de celui de l’artisanat, de l’effort productif en général et de l’imagination inventive, qui sont les traits distinctifs des peuples créateurs et industrieux. Nos revenus qui proviennent à hauteur de 98% du pétrole ont fait de nous un peuple de paresseux, de rentiers, et de consommateurs passifs des produits importés de l’Occident pour lequel notre marché interne est devenu un débouché rentable pour ses produits industriels et manufacturés. Et depuis que nous avons adopté pour la prétendue « économie de marché » censée opérer notre transition vers je ne sais quel horizon obscur et incertain, notre pays est devenu une sorte d’immense poubelle dans laquelle se déversent tous les produits plus ou moins avariés de l’Occident intelligent et imaginatif. La Chine elle-même y trouve son compte. Ses produits à bon marché sont en passe de tuer ce qui reste de nos industries textiles, de notre artisanat, et même de notre savoir-faire dans certains domaines, comme les travaux publics où les ouvriers chinois constitués d’ouvriers et de prisonniers ont déjà refoulé leurs pairs algériens à la lisière de la masse grandissante des chômeurs et des désœuvrés.
La captation de nos compétences et de nos richesses par les Étrangers
Les transferts des technologies et des savoir-faire du monde extérieur vers l’Algérie est un leurre que nos dirigeants s’efforcent d’accréditer, mais en vain. C’est l’inverse en fait qui se produit : nos compétences et nos richesses locales profitent aux seuls étrangers qui savent capter à leur profit ce que nous avons de meilleurs et de profitable. Nos compétences, faute d’obtenir la considération qui leur est due et de faire usage de leur savoir-faire dans leur propre pays, le fuient, contraints et forcés, vers les pays qui savent en apprécier la valeur et l’usage hautement bénéfique. Seuls les cadres nationaux, incompétents ou non, qui détiennent des positions de responsabilité importantes dans le secteur économique publique, se refusent à l’exil, tant le système de « commissions » issues de la passation des marchés frauduleux, leur procurent des rentes plus que confortables pour affronter les risques éventuels, les incertitudes, et les aléas de la vie. Ceux-là, ils ne s’exilent que lorsqu’ils auront fait leur « beurre » et placer des dizaines de balluchons, de « Echkarâ », bourrés de billets verts dans les banques suisses, britanniques, nord-américaines ou françaises. Leur exil ne sera pas alors un exil de nécessité, de besoin et de survie urgents, mais un exil « doré » aux bords du Lac de Genève, ou sur la Côte- d’- Azur. Leurs énormes liquidités financières, produits de la corruption, feront leur bonheur comme celui des banques de dépôts des pays hôtes. Certes, tous les cadres ( on dirait aujourd’hui les managers) qui restent cloués au pays ne sont pas tous dans ce cas de figure. Ils ne sont ni corrompus ni corrupteurs. Et Dieu sait, que les cadres compétents et honnêtes sont légion en Algérie, et malgré les pressions exercées sur eux par l’environnement afin qu’ils versent ( comme tout le monde) dans la corruption, ils ne finissent pas par succomber à cette tentation perverse.
Des atouts mal exploités…
Au lieu de constituer un atout formidable pour le développement économique, social et culturel de la nation, le pétrole, et donc les revenus qui en découlent sont devenus une véritable malédiction de l’Algérie. Les appétits féroces qu’il excite, et les tentations d’enrichissement facile qu’il suscite ne dispensent pas seulement de l’effort productif, de la prévoyance et de la rigueur dans la gestion saine du Trésor public, mais dispensent aussi les acteurs politiques et sociaux de faire usage de l’esprit d’imagination, d’anticipation, de création et d’ innovation.
Aubaine sortie des entrailles de notre Désert brûlant, le pétrole est en même temps source de tous les maux qui affligent depuis l’indépendance la nation algérienne. L’esprit rentier que ce liquide magique- conséquence d’une lente décomposition d’éléments bactériologique d’organismes aquatiques végétaux et animaux, il y a plusieurs centaines de millions d’années-, a fait naître chez nos concitoyens, constitue, en somme, une source de corruption contagieuse et une cause fondamentale de toutes les perversions que l’on constate dans tous les domaines de la vie politique et sociale. Les scandales de la SONATRACH et de l’autoroute Est- Ouest où des milliards ont été détournés par le biais des commissions et des marchés frauduleux, sans parler de l’affaire El Khalifa, de la BADR et d’autres banques impliquées dans de gigantesques pillages des deniers publics, ne sont que la partie visible des prévarications et des agiotages derrière lesquels se dissimule l’immense iceberg de la corruption tentaculaire, démesurée et sans bornes.
L’incroyable insouciance de nos dirigeants face aux ampleurs du désastre
A entendre et à lire les déclarations de nos dirigeants politiques tendant à dédramatiser, voire nier les désastres causés par la corruption, on est complètement renversés. Pour beaucoup d’entre eux, la corruption est un phénomène universel et que notre pays, en la matière, n’a rien à envier aux autres. L’Algérie serait, selon eux, bien moins touchée par ce fléaux que les pays les plus démocratiques du monde. On ne sait si ces hommes politiques prennent vraiment au sérieux leurs propos et en évaluent avec conscience la portée, ou s’ils sont au contraire déconnectés de la réalité au point de manifester tous les signes caractéristique de l’autisme.. Pour illustrer cet état d’esprit calamiteux, il suffit de reprendre tour à tour les déclarations de trois ministres seulement sur la trentaine environ que compte le gouvernement actuel . Pour ces trois personnages de l’Etat, la corruption économique qui s’est enracinée dans les pratiques, les habitudes, les réflexes et les mœurs politiques, n’est pas l’apanage de l’Algérie, mais le fait de tous les pays et les civilisations passés et actuels. L’Algérie ne ferait donc pas exception à la règle générale, et de ce fait, il n’ y aurait aucune raison de s’alarmer devant cette pratique, en somme, toute « banale ». D’où les références aux Autres et au passé dont ils recourent pour relativiser la corruption qui gangrène nos institutions économiques et sociales.
Les références aux Autres et à l’histoire comme alibi
Les scandales révélés par la presse privée, bientôt confirmés par les enquêteurs du DRS, auraient été exploités, exagérés et amplifiés par les médias « partisans » pour porter atteinte à l’image du pays et à ses dirigeants dont la compétence et l’intégrité seraient indéniables. Ainsi pour relativiser cette corruption massive, débridée et contagieuse, et en atténuer les conséquences néfastes sur l’économie et la société, ces dirigeants qui semblent être en perte de conscience et de responsabilité civique invoquent l’histoire : depuis l’aube des Temps, disent-ils, la corruption a existé et toutes les nations et civilisations de la terre, passées et présentes, ont été et le sont encore affectées par ce phénomène « naturel » et inévitable. Comment voulez-vous, ajoutent-ils, que l’Algérie qui est une nation jeune et fraîchement indépendante puisse déroger à cette règle universelle ?
Ainsi notre ministre de la justice, Tayeb Belaiz , en sa qualité de gardien présumé du sanctuaire sacré du droit et, qui devrait être le premier à s’alarmer de l’ampleur de ces dégâts incommensurables causés par ces scandales, n’a-t-il pas trouvé d’autres réponses que celles de les justifier par des pratiques similaires sous d’autres latitudes. Aussi déclare-t-il, avec un cynisme et une inconscience qui frisent l’absurde et qui choquent profondément l’entendement civilisé, que la corruption « est née avec l’humanité et restera jusqu’à la fin du temps », puisque, ajouta-t-il, avec une sorte d’assurance à la fois tranquille et présomptueuse que ce fléaux « a existé dans les anciennes sociétés, et l’est aussi toujours, même dans les pays se disant des plus développés et disposant des systèmes de gestion les plus transparents (…)Nous voyons ce qui se passe à travers le monde. »
La chute en est jolie ! Il est navrant en effet qu’un ministre de la justice puisse faire siennes de telles balivernes qui sont les aliments des conversations ordinaires de l’homme de la rue, encore que celui-ci puisse-t-il avoir une vue moins réductrice…
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