Il est un fait étrange et mystérieux, à la limite du surnaturel: chaque fois que le pays se trouve confronté à une crise menaçant d’emporter ce qui subsiste de sa culture, il se trouve deux de ses enfants, deux hommes d’une égale valeur, deux exceptions, pour protéger et défendre ce qui nous dépeint le mieux, la langue, la tradition, nos comportements, nos façons d’être.
Bref, deux hommes pour guider un peuple vers sa survie. Ces deux hommes ont le même prénom et des tempéraments presque à l’opposé, l’un est plus attiré par la sédentarité tandis que les déambulations de l’autre en font un nomade.
Quand l’un se fait timide, l’autre nargue.
Comme dans les grandes tragédies, les rôles sont distribués avec authenticité à des acteurs justes.
Ainsi, les deux Mohand, les deux Mouloud, les deux Lounis ou Lounas.
C’est de l’un de ses titans, puisque alliés de la montagne comme nous l’apprend Ovide, que nous parlerons: Mouloud Feraoun. Un maître qui a fait le serment d’écrire pour barder la pérennité d’une façon d’être en tenant à témoigner pour les siens et pour soi-même.
Le témoignage est là, disponible, dans des rééditions couramment vagues et approximatives, mais qui ont le mérite d’offrir aux improbables lecteurs les récits d’une vie. Le Fils du pauvre est, aujourd’hui, un classique, on parle de chef-d’oeuvre de la littérature, on le conseille aux enfants en vouant sa «simplicité». On oublie qu’il a été publié à compte d’auteur et lorsqu’on mesure ce que coûtait ce procédé en ces temps de disette pour le jeune instituteur, unique pourvoyeur d’une famille nombreuse, nous aurons une estimation de l’effort et une appréciation du sacrifice.
La vérité sans fard
On ne peut pas être simple devant l’abysse de la misère humaine. Cette grande âme consciente et reconnaissante, n’oubliera pas le dévouement des siens, pas une page sans évoquer la générosité du père, l’inconditionnel amour de la soeur, l’auspice de l’oncle ou la protection de la grand-mère, sans négliger l’hommage aux maîtres, véritables éveilleurs.
Le Fils du pauvre ou la vérité sans fard sur une existence rude, nous replonge dans cette époque d’entre-deux-guerres qui n’était pas la paix. Une oeuvre humaine qui, par sa mesure et sa décence même, se hisse vers l’universel, une oeuvre qu’il faut relire pour rattraper quelques humilités et faire découvrir à la jeune génération en insistant sur notre commune filiation.
Feraoun parle de nous avec un tel accent de vérité que, tous, nous nous reconnaissons. Sur un ton pédagogique, il laisse continuellement fuser un humour malicieux, spirituel et toujours bienveillant.
Ainsi, ce qu’il dit de la djemaâ, avec Baba Ahmed, se dit encore de nos jours et les meules rustiques de grès rouge servent encore. Ce qu’il nous décrit du marché ou du dépotoir (l’Agudu), est d’une actualité déconcertante.
Ses bergères à la touchante naïveté, ont presque disparu (que Dieu garde les dernières) mais leur souvenir et l’amour de leurs chèvres qu’elles vénéraient tant, resteront pouf l’éternité, consignés dans des pages d’une poésie incomparable.
«Chaque école a un dieu, nous le sentons qui veille avec nous, qui nous encourage, nous épie et se fâche quelquefois». Imaginons un instant que cette vérité soit dans le coeur de tout un chacun, de tous nos enseignants! Et si chaque école a un dieu, la sienne, qu’il a presque bâtie, peut s’enorgueillir de son divin concepteur.
II partage avec Louis XIV, le Roi Soleil, la passion des figues, qu’il décrit avec une gourmandise contagieuse, il nous explique la meilleure façon de les manger. Surtout ne pas l’éplucher, la découper en deux serait un peu trop maniéré, il ne faut jeter que le petit pédoncule et avaler la friandise de préférence d’une seule bouchée!
La variété de ses sujets n’est comparable qu’à la modernité insoupçonnable des thèmes qu’il a traités.
Il pourrait même surprendre beaucoup de contemporains pudibonds. Habiter en haut de la colline où hurlent les vents, la colline antique (ighil n zman) se mérite, l’eau, paresseuse, préfère descendre et, la quérir, devient un labeur éreintant, réservé aux femmes qui en feront une source de liberté.
L’existence serait inconcevable chez nous, s’il n’y avait pas les fontaines et pas seulement pour l’eau. Cet espace exclusivement féminin avait pour vocation de réunir les jeunes filles et de leur offrir le prétexte, journalier, de découvrir et de se montrer au soleil.
Bref, deux hommes pour guider un peuple vers sa survie. Ces deux hommes ont le même prénom et des tempéraments presque à l’opposé, l’un est plus attiré par la sédentarité tandis que les déambulations de l’autre en font un nomade.
Quand l’un se fait timide, l’autre nargue.
Comme dans les grandes tragédies, les rôles sont distribués avec authenticité à des acteurs justes.
Ainsi, les deux Mohand, les deux Mouloud, les deux Lounis ou Lounas.
C’est de l’un de ses titans, puisque alliés de la montagne comme nous l’apprend Ovide, que nous parlerons: Mouloud Feraoun. Un maître qui a fait le serment d’écrire pour barder la pérennité d’une façon d’être en tenant à témoigner pour les siens et pour soi-même.
Le témoignage est là, disponible, dans des rééditions couramment vagues et approximatives, mais qui ont le mérite d’offrir aux improbables lecteurs les récits d’une vie. Le Fils du pauvre est, aujourd’hui, un classique, on parle de chef-d’oeuvre de la littérature, on le conseille aux enfants en vouant sa «simplicité». On oublie qu’il a été publié à compte d’auteur et lorsqu’on mesure ce que coûtait ce procédé en ces temps de disette pour le jeune instituteur, unique pourvoyeur d’une famille nombreuse, nous aurons une estimation de l’effort et une appréciation du sacrifice.
La vérité sans fard
On ne peut pas être simple devant l’abysse de la misère humaine. Cette grande âme consciente et reconnaissante, n’oubliera pas le dévouement des siens, pas une page sans évoquer la générosité du père, l’inconditionnel amour de la soeur, l’auspice de l’oncle ou la protection de la grand-mère, sans négliger l’hommage aux maîtres, véritables éveilleurs.
Le Fils du pauvre ou la vérité sans fard sur une existence rude, nous replonge dans cette époque d’entre-deux-guerres qui n’était pas la paix. Une oeuvre humaine qui, par sa mesure et sa décence même, se hisse vers l’universel, une oeuvre qu’il faut relire pour rattraper quelques humilités et faire découvrir à la jeune génération en insistant sur notre commune filiation.
Feraoun parle de nous avec un tel accent de vérité que, tous, nous nous reconnaissons. Sur un ton pédagogique, il laisse continuellement fuser un humour malicieux, spirituel et toujours bienveillant.
Ainsi, ce qu’il dit de la djemaâ, avec Baba Ahmed, se dit encore de nos jours et les meules rustiques de grès rouge servent encore. Ce qu’il nous décrit du marché ou du dépotoir (l’Agudu), est d’une actualité déconcertante.
Ses bergères à la touchante naïveté, ont presque disparu (que Dieu garde les dernières) mais leur souvenir et l’amour de leurs chèvres qu’elles vénéraient tant, resteront pouf l’éternité, consignés dans des pages d’une poésie incomparable.
«Chaque école a un dieu, nous le sentons qui veille avec nous, qui nous encourage, nous épie et se fâche quelquefois». Imaginons un instant que cette vérité soit dans le coeur de tout un chacun, de tous nos enseignants! Et si chaque école a un dieu, la sienne, qu’il a presque bâtie, peut s’enorgueillir de son divin concepteur.
II partage avec Louis XIV, le Roi Soleil, la passion des figues, qu’il décrit avec une gourmandise contagieuse, il nous explique la meilleure façon de les manger. Surtout ne pas l’éplucher, la découper en deux serait un peu trop maniéré, il ne faut jeter que le petit pédoncule et avaler la friandise de préférence d’une seule bouchée!
La variété de ses sujets n’est comparable qu’à la modernité insoupçonnable des thèmes qu’il a traités.
Il pourrait même surprendre beaucoup de contemporains pudibonds. Habiter en haut de la colline où hurlent les vents, la colline antique (ighil n zman) se mérite, l’eau, paresseuse, préfère descendre et, la quérir, devient un labeur éreintant, réservé aux femmes qui en feront une source de liberté.
L’existence serait inconcevable chez nous, s’il n’y avait pas les fontaines et pas seulement pour l’eau. Cet espace exclusivement féminin avait pour vocation de réunir les jeunes filles et de leur offrir le prétexte, journalier, de découvrir et de se montrer au soleil.
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