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Netanyahou a les moyens de tenir tête à Washington

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  • Netanyahou a les moyens de tenir tête à Washington

    Netanyahou a les moyens de tenir tête à Washington

    Jérusalem peut se passer aujourd'hui facilement de l'aide économique et militaire américaine.


    Le clash entre Américains et Israéliens pose la question de la dépendance économique et militaire de l'Etat d'Israël vis-à-vis des Etats-Unis. Le risque de représailles laisse de marbre les dirigeants israéliens. Or, il faut se rendre à l'évidence: Benjamin Netanyahou, doté d'une longue expérience politique, n'a pas pu agir à la légère. Il a été trois fois Premier ministre, mais il a surtout excellé au poste de ministre des Finances, de 2002 à 2005, sous le gouvernement Sharon. Tous les experts internationaux ont reconnu que le pays lui doit sa réussite. Il a transformé une économie où le rôle de l'Etat était alors considérable en une économie libérale qui a donné au pays l'essor que l'on sait et qui lui a permis de résister à la récente crise mondiale, contrairement aux autres pays occidentaux. Pour accompagner son programme, il avait pris l'initiative de proposer à l'ancien directeur général du FMI, Stanley Fisher, les clés de la Banque d'Israël.
    Ces états de service expliquent que le Premier ministre israélien ait accepté le risque d'une rupture avec les Américains pour s'affranchir de leur tutelle politique. L'annonce de la construction des 1.600 logements à Jérusalem-Est ne semble pas fortuite. Il veut dessiner sa carte du Proche-Orient et contraindre les Palestiniens à négocier à ses conditions. Jusqu'alors la diplomatie israélienne n'avait aucune autonomie puisqu'elle était sujette aux aides financières américaines. L'épisode de 1990 est encore présent dans les mémoires lorsque le Premier ministre Yitzhak Shamir avait réclamé, auprès de George Bush père, une garantie pour un prêt de dix milliards de dollars pour aider à l'installation des juifs qui arrivaient en masse d'URSS. Le président américain avait exigé, en contrepartie, qu'aucun juif russe ne puisse s'installer en Cisjordanie. Shamir refusa ce diktat en espérant que le lobby ferait son travail habituel auprès du Congrès. Mais à la surprise générale, les lobbyistes n'ont pas réussi à convaincre la majorité de l'opinion américaine qui avait appuyé Bush à 85%. Le prêt ne fut pas consenti, mais les conséquences ont été payées plus tard puisque George Bush manqua sa réélection en 1992 et que Shamir perdit les élections durant la même année.
    L'histoire peut-elle bégayer ainsi au point que Benjamin Netanyahou s'en serve comme soutien à sa nouvelle politique? Nous avons consulté les experts économiques et militaires pour savoir si l'Etat d'Israël était en mesure de s'affranchir de l'aide et du soutien américain. L'envoyé spécial George Mitchell pourrait en effet suggérer des représailles économiques si aucun progrès n'était obtenu dans le processus de paix et si les constructions dans les territoires n'étaient pas stoppées. Les chiffres officiels qui nous ont été communiqués parlent d'eux-mêmes.
    Réussite économique

    Le gouverneur de la Banque d'Israël surveille l'économie israélienne sans indulgence. Le budget était équilibré en 2007, et en raison de la crise, il a subi un léger déficit de 1,6% en 2008 et de 6% en 2009. L'américain Stanley Fisher favorise la stabilité du dollar face à la devise israélienne. Il achète 100 millions de dollars par jour pour gonfler les réserves de devises de l'Etat d'Israël et pour éviter une baisse plus rapide du billet vert dont le change est passé de 4,2 Shekel à 3,71 malgré ce soutien. Le FMI (Fonds monétaire international) table sur une croissance du PIB israélien de 3,5% pour l'année 2010. Ces résultats encourageants poussent à Israël à demander son adhésion parmi les pays riches de l'OCDE et Israël est considéré comme un bon risque sur les marchés financiers. Le pays est en mesure d'obtenir à des taux faibles des prêts pour couvrir son déficit budgétaire, sans avoir à demander de caution américaine.
    Le ministre des Finances israélien a annoncé en octobre, lors de la réunion du FMI à Istanbul, que l'Etat juif est devenu créancier du FMI en mettant à sa disposition une ligne de crédit de 1,7 milliard de dollars puisque les réserves de la Banque d'Israël ne cessent de grandir avec des liquidités de l'ordre de 60 milliards de dollars. C'est pourquoi l'aide américaine ne revêt plus l'urgence des années de crise économique et elle ne peut plus servir de moyen de pression politique contre le gouvernement israélien. Benjamin Netanyahou en a parfaitement conscience.
    «Aumône»

    En 1985, l'aide américaine civile et militaire s'élevait à 3,4 milliards de dollars, soit 14% du PIB israélien évalué alors à 24,1 milliards de dollars. En 1996, l'aide avait été ramenée à 3,1 milliards de dollars et représentait alors 3% du PIB qui se montait à 105 milliards. En 2008 et en 2009, le PIB a atteint 199 milliards de dollars pour des subventions américaines réduites à 2,4 milliards soit 1,2% du PIB. L'aide américaine n'est certes pas négligeable, mais ces chiffres démontrent qu'elle n'est plus d'une importance vitale pour Israël d'autant plus que sa composition a varié. L'aide économique civile est tombée à seulement 120 millions de dollars, qualifiée «d'aumône» par les économistes.
    Le reste de l'aide, militaire, est selon les experts intégralement reversé aux industries américaines qui bénéficient ainsi de subventions indirectes de leur propre gouvernement. La loi américaine exige que 74% du financement militaire à Israël (FMF foreign military financing) soit dépensé en produits militaires américains. Cette aide prend ainsi la forme d'assistance au développement de systèmes de missiles anti-missiles Arrow qui intéressent en premier lieu l'armée américaine. Ce FMF génère par ailleurs des bénéfices et des emplois aux Etats-Unis. Pas moins de 1.000 entreprises dans 47 Etats américains en profitent pour signer des contrats de plusieurs milliards de dollars.Enfin, ces subventions sont utilisées par le gouvernement américain pour masquer la réalité de ses dépenses militaires qui devaient baisser selon le programme du candidat Obama.
    Armement

    Autre évolution majeure, les Etats-Unis ne sont plus les principaux pourvoyeurs d'armement de Tsahal car la situation a évolué depuis qu'Israël a décidé de gagner son autonomie. Les navires de guerre, les tanks, les armes légères et les armes lourdes, les radars, les missiles et les appareils de surveillance sont maintenant de fabrication israélienne. Tous les secteurs de l'armement sont occupés par les industries militaires israéliennes à l'exception d'un seul: l'aviation. Israël détient pourtant la technologie en ce domaine puisqu'il avait développé son prototype, le Lavi, qui avait pris l'air et qui devait être construit à 300 exemplaires. Mais le veto américain de l'époque a interrompu sa fabrication en 1987, Washington refusant que l'aide américaine serve à financer un concurrent du F-16. Il semble que les recherches n'ont jamais cessé sur ce type de matériel et que le Lavi, aux performances améliorées, renait sous d'autres noms comme avion de reconnaissance déjà vendu à Singapour. Israël ne craint pas un éventuel embargo. Il est le 5e exportateur d'armement mondial... juste derrière la France.
    Enfin, pour contourner le veto américain sur la fabrication de ces propres avions de chasse, l'armée israélienne a aussi changé de stratégie dans le domaine aéronautique en développant les drones et en devenant un des leaders dans ce domaine. Israël vient ainsi de développer l'Eitan, drone à long rayon d'action et le plus grand de tout l'arsenal israélien. Son envergure de 26m lui donne la taille d'un Boeing 737, embarquant une tonne de fret à une altitude de plus 12 kilomètres et pouvant voler durant vingt heures consécutives en mettant l'Iran à sa portée.
    Enfin, Tsahal n'a pas apprécié les difficultés faites pour l'obtention des nouveaux avions F22-Raptor, uniquement réservés à l'armée américaine, ou des F-35 dont le contrat d'achat n'est pas encore signé et qui ne pourront pas être disponibles avant 2014.
    Moyens consolidés

    Netanyahou considère aujourd'hui qu'il n'est pas contraint de ménager un président américain faisant preuve, selon lui, de faiblesse vis-à-vis de l'Iran tandis que ses généraux piaffent d'impatience pour attaquer les installations nucléaires du régime des mollahs. La situation n'est plus celle des années antérieures. Contrairement à 1990, il est appuyé par l'AIPAC (American Israel Public Affairs), le lobby pro-israélien, qui vient de conseiller à Barack Obama de «prendre des mesures immédiates pour apaiser la tension avec l'Etat hébreu» et de mettre fin à «l'escalade rhétorique de ces derniers jours qui détourne des problèmes urgents que sont la volonté de l'Iran de se doter d'armes nucléaires».
    Il détient à présent les outils économiques et militaires pour garantir son autonomie de décision et il espère que les électeurs américains réagiront, comme en 1992, en refusant la réélection d'un président qui a montré ses limites et en choisissant un candidat plus volontaire. Il sait que, malgré la crise et le blocage diplomatique, Israël risque peu car il restera malgré tout un partenaire stratégique incontournable dans la région des puissances occidentales. Le porte-parole du Département d'Etat américain, Philip Caroli, vient de confirmer qu'Israël est «un partenaire stratégique des Etats-Unis et le restera». Netanyahou profite de l'opportunité qui lui est offerte pour bien démontrer sa nouvelle puissance face à Obama. Il ne craint aucune répercussion économique et militaire et il semble persuadé que sa stratégie n'affectera pas les liens historiques entre Israël et le peuple américain.

    Jacques Benillouche


    Espérons que le journaliste ait tort.
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