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La mafia politico-judiciaire a détruit ma vie en Algérie

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  • La mafia politico-judiciaire a détruit ma vie en Algérie

    Las mais optimiste. Victime de poursuites judiciaires acharnées depuis dix-huit ans, Benyoucef Mellouk, 68 ans, veut que la lumière soit faite sur le dossier des « magistrats faussaires » l’opposant à deux anciens ministres, Mohamed Djeghaba, ministre des Moudjahidine, et Mohamed-Salah Mohamedi, ministre de l’Intérieur en Algérie. En dépit de la lenteur de la justice algérienne et des intimidations, l’inépuisable sexagénaire continue à dénoncer.

    - Le verdict de votre affaire vient d’être reporté pour la énième fois. Que ressentez-vous, aujourd’hui, après 18 ans de poursuites judiciaires ?

    L’affaire dite des « magistrats faussaires » a touché toutes les institutions de l’Etat. Ce que j’ai révélé par voie de presse en mars 1992, suite à une enquête que j’avais effectuée en tant que chef du service des affaires sociales et du contentieux au ministère de la Justice a ébranlé toutes les sphères du pouvoir. Pour cette raison, mon affaire traîne depuis presque vingt ans sans aboutir à une décision concrète. Je ne suis pas étonné des reports incessants du verdict, c’est une affaire que le régime algérien veut étouffer. Le défunt Mohamed Boudiaf a pris l’initiative de « nettoyer » l’appareil judiciaire. D’ailleurs, ce Président avait un objectif précis, « dire la vérité au peuple et combattre la mafia politico-financière ». C’est là que j’ai pris la décision de dénoncer les « intouchables », les magistrats. Mais Boudiaf n’a rien pu faire car il s’est fait lâchement assassiner.

    - Vous sentez-vous trahi ?

    Bien sûr. Depuis la mort de Mohamed Boudiaf, aucun Président n’a pu prendre une décision concrète qui touche à tout un pays, à l’histoire de tout un peuple et au serment donné aux martyrs. Le seul gouvernement qui m’a protégé est celui de Mohamed Boudiaf. On avait ce courage de patriotisme à l’époque. Tous les gens que j’ai dénoncés sont intouchables. Parmi eux, certains sont devenus de hauts cadres de l’Etat et jusqu’à maintenant, ils continuent à faire subir l’injustice aux Algériens en toute impunité. C’est un régime d’injustice ! Il n’y a que les honorables femmes moudjahidate, quelques amis, la famille et la presse indépendante – à l’instar du défunt le journaliste Abderrahmane Mahmoudi – qui me soutiennent, alors que je n’ai fait que mon devoir. Même le collectif des avocats s’est retiré hormis Me Mokrane Aït Larbi, le seul à avoir eu le courage d’aller vers ce dossier.

    - Avez-vous rendu le rapport de votre enquête aux autorités avant de la publier dans la presse en 1992 ?


    En premier lieu, j’avais avisé la Présidence elle-même au temps du président Chadli Bendjedid. Quand on a constaté que des responsables étaient impliqués dans la corruption qui gangrène l’appareil judiciaire, ainsi que des faux moudjahidine, Ahmed Noui, l’actuel secrétaire général du gouvernement, lui aussi magistrat, s’est dérobé. A l’époque, il était directeur à la Présidence. Malgré ça, j’ai envoyé un rapport confidentiel au bureau d’ordre de la Présidence. Resté lettre morte. Quant à Mohamed-Salah Mohamedi, ministre de l’Intérieur à l’époque, donc très puissant, il était l’homme des services de sécurité et connaissait beaucoup de secrets. Il faisait partie d’un clan de magistrats parents avec des généraux, des ministres, des hommes des services de sécurité, dans les plus hautes institutions du pays.

    - Quels sont les stigmates de cette affaire sur votre santé, sur votre vie ?

    Ces gens-là sont très puissants, et beaucoup m’en veulent, car ce que j’ai dénoncé touche à tous les secteurs : l’Education, le ministère de la Défense nationale, le ministère de l’Intérieur, celui de la Justice, des Moudjahidine, etc. Mes enfants ont été tabassés à plusieurs reprises. Moi, j’ai été roué de coups et menacé par des individus dans une voiture banalisée. Ma femme s’est vue mise à la retraite anticipée. J’ai dû vendre ma vieille voiture pour payer des études à mes enfants dans une école privée car les enseignants des écoles publiques les insultaient tout le temps. On les a même mis dehors. On leur disait : « Votre père a vendu les moudjahidine. » Même le secteur de l’éducation ne nous a pas épargnés injustice et humiliation. Les gens du clan d’Oujda, très influents, occupaient des postes-clés dans les différentes administrations. Nous avons beaucoup souffert, ma famille et moi. Mes enfants ont été tentés à plusieurs reprises de quitter le pays mais ils ont eu le courage de ne pas céder à la peur.

    - Recevez-vous toujours des menaces ?

    Lorsque Mohamed-Salah Mohamedi a su que j’avais en ma possession un dossier sensible sur son père, haut magistrat dans la justice ainsi que sur sa sœur, à la Cour suprême, on m’a convoqué à la caserne Ali Khodja à Alger pour m’intimider. Mais quelqu’un est intervenu, assignant les auteurs de mon incarcération à me libérer. Les services de sécurité se sont renducompte que c’était un dossier sensible et qu’un complot se tramait autour de cette affaire. Depuis que j’ai fait éclater ce scandale, j’ai reçu des menaces et subi des agressions physiques de la part des proches des magistrats démasqués. Les premiers temps, j’étais bloqué chez moi, mais j’ai pris mon courage à décidé que la vie allait continuer .

    - Pensez-vous que les deux ministres plaignants sont les seuls à être derrière cette affaire ?

    Il y a beaucoup d’intouchables aujourd’hui dans le régime algérien, c’est un clan qui a pris le pouvoir depuis 1962. Les faux moudjahidine infectent les hautes sphères car il faut le dire, les intellectuels qui étaient dans les maquis étaient rares. J’ai trouvé dans le dossier, avec preuve à l’appui, des magistrats qui ont placé leurs enfants à des postes très importants dans la justice. Quand j’ai été chargé de mener cette enquête, j’ai découvert qu’il y avait des sous-dossiers de la période coloniale restés intacts au ministère de la Justice. Je les ai récupérés car j’avais la clé des archives.
    - Votre situation a-t-elle évolué ou va-t-elle de pire en pire ?

    Depuis la première élection d’Abdelaziz Bouteflika, ma situation a empiré, car les menaces se faisaient de plus en plus lourdes. Depuis 1992, j’ai été emprisonné deux fois et arrêté quatre fois. Aujourd’hui, je ne demande pas qu’on arrête l’affaire mais qu’on dise la vérité au peuple algérien. Je ne demande ni allocation, ni travail. Même mon dossier de retraite a été refusé au ministère de la Justice. Grâce à la réglementation et les lois des moudjahidine, je viens de bénéficier d’une misérable retraite de 30 000 DA. Mais j’ai tout perdu, ma carrière, mes avantages de notaire, d’huissier et de commissaire priseur. Ceux qui sont derrière le dossier ? La mafia politico-judiciaire qui est là jusqu’à maintenant dans le clan de la magistrature. Et ceux qui sont sortis ont placé leurs enfants. Je tiens à la vérité, je n’ai peur ni de la prison ni de la mort. Aujourd’hui, certains publient des livres sur la révolution et l’Armée de libération nationale, et ils se prennent pour des héros, c’est grave car c’est ceux-là même qu’il faut arrêter…

    Bio express :

    Benyoucef Mellouk est né le 29 mai 1942 à Miliana, et vit à Blida depuis plusieurs années. Entre 1959 et 1962, il était chef de cellule de la liaison des documents du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) auprès de la Wilaya IV zone 2. Après l’Indépendance, il a occupé plusieurs postes au ministère des Moudjahidine jusqu’en 1971. Il rejoint alors le ministère de la Justice pour y exercer la fonction de chef du service des affaires sociales et du contentieux jusqu’à l’éclatement de l’affaire des « magistrats faussaires » en 1992. Depuis, il est suspendu et poursuivi en justice.

    Par El Watan
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