Police. Fric Academy
Augmentation des salaires, promotions exceptionnelles, possibilité de s’organiser en associations...le Père Noël est passé chez les policiers, qui bénéficient désormais d’un
nouveau statut.
En ce mardi 24 février, le petit bistrot situé à côté de la wilaya de police de Casablanca connaît une affluence inhabituelle. Réputé pour être le lieu de rencontre des policiers, ce bistrot du boulevard Roudani n’a pas désempli de la soirée. Et pour cause : le roi vient de donner son approbation au nouveau statut du personnel de la Sûreté nationale. A la clé, une augmentation des salaires, des promotions exceptionnelles, des indemnités, une fondation des œuvres sociales… Une bonne nouvelle qui se fête. Bessaha ! Tout le monde lève son verre à la santé du nouveau règlement, tant attendu.
Aussitôt informé, le corps de la police était en ébullition. Certains n’en revenaient pas : “C’est une révolution. Du jamais vu dans l’histoire de la fonction publique”, lance, excité, ce cadre de la Sûreté nationale. Pour lui, ce n’est que justice rendue à un métier difficile et exposé.
Des salaires doublés : du jamais vu !
Aucun corps de fonctionnaires, même défendu par les syndicats les plus acharnés, n’a pu arracher de tels acquis. La nouvelle grille des salaires sera bientôt officialisée. Les fourchettes seront pratiquement doublés (voir tableau). Ainsi, le traitement de base d’un gardien de la paix passera directement de 3000 à 5000 dirhams, soit une augmentation de 66%. De même, celui d’un inspecteur grimpera de 3500 à 5500 DH. S’ajoutent bien évidemment les primes et indemnités de permanence. Une belle promotion pour cette catégorie qui constitue l’écrasante majorité du corps. “Franchement, en comparaison avec l’ampleur des tâches qui nous sont dévolues, notre rémunération était à la limite de l’insulte”, lâche ce gardien de la paix. La nouvelle grille des salaires n’a pas fait de jaloux. Tout le monde est servi. Les officiers, commissaires et commissaires divisionnaires verront leurs salaires réévalués de 64%. Tandis que celui des préfets est revalorisé dans la limite de 54%.
Les acquis ne s’arrêtent pas là. Des promotions exceptionnelles seront liées aux prises de risque. Il faut dire que les attentes et les défis à relever gagnent en importance, notamment avec le spectre des attentats terroristes qui a plané sur le royaume ces dernières années, et qui ont fait des victimes au sein du corps de la police. La nouvelle mouture du statut a donc prévu des promotions spéciales pour les victimes d’actes de violence grave ou mortelle. En cas de décès survenu pendant le service, “les conjoints ou descendants peuvent intégrer directement la police s’ils le désirent”. Le décès de policiers lors des attentats terroristes de Hay El Farah en avril 2007 a accéléré l’adoption de cette mesure. Néanmoins, cette option sera appliquée dans la limite de 5% des postes budgétaires. Autre mesure phare, les agents arrivés à l’âge de retraite (60 ans) peuvent bénéficier à titre exceptionnel d’une prorogation de deux ans, renouvelable deux fois. Cela suppose néanmoins l’approbation royale pour les fonctionnaires nommés par dahir et la décision du directeur général de la Sûreté nationale pour les autres catégories.
Policiers et citoyens
Last but not least, les policiers ont désormais le droit de se constituer en association, conformément au dahir des libertés publiques de 1958. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils pourront créer leur propre syndicat, comme c’est le cas dans plusieurs autres pays. Le nouveau statut précise en effet qu’“il est interdit aux fonctionnaires de la DGSN d’adhérer à un parti politique ou un syndicat”. Il n’empêche, la nouveauté est de taille. Jusque-là, les agents de police ne disposaient d’aucun moyen pour faire entendre leurs revendications. “Les protestations ont toujours existé dans le corps de la police. Mais il n’y avait pas de cadre légal pour les canaliser. L’association pourra jouer ce rôle”, explique le politologue Mohamed Darif. En fait, c’est une façon de contenir les colères épisodiques de certains membres. Des cas de protestation émergent de temps à autres, levant le voile sur le sentiment d’injustice qui taraude le personnel de la police. Certains faisaient parvenir, sous couvert d’anonymat, des lettres aux journaux pour dénoncer certaines pratiques. D’autres refusaient tout simplement d’obtempérer aux ordres de leurs chefs.
Zoom. Protection rapprochée
L’humiliation dont certains membres du corps policier ont été l’objet a poussé le ras-le-bol à son extrême. On se rappelle de cet incident survenu à Rabat fin 2003, lorsque la fille d’un ancien ministre de Hassan II a écrasé sciemment un agent de circulation. La fille du ministre n’a pas digéré que cette policière la verbalise pour une infraction au Code de la route. Humiliée, la victime a sollicité la justice : la fille du ministre écopera de 8 mois de prison ferme, avant de quitter le royaume dans des conditions obscures. Une nouvelle affaire a éclaté quelques années plus tard, en septembre 2008. Sur la corniche de Casablanca, l’agent Tarik Mouhib a essuyé un coup de feu tiré par une personnalité influente, mécontente, elle aussi, d’être verbalisée. Le coup sera arrangé. Motif : le coupable est atteint de la maladie de…Korsakoff. C’est pour parer à ce genre d’injustice que les agents de la Sûreté nationale bénéficieront désormais de la protection rapprochée de l’Etat. “La puissance publique se substituera aux policiers qui ont fait l’objet d’actes de violence, d’outrage ou même d’insulte lors de l’exercice de leur fonction”, stipule le nouveau statut. Reste à savoir si cette protection sera opposable à tous les Marocains, sans distinction…
tel-quel
Augmentation des salaires, promotions exceptionnelles, possibilité de s’organiser en associations...le Père Noël est passé chez les policiers, qui bénéficient désormais d’un
nouveau statut.
En ce mardi 24 février, le petit bistrot situé à côté de la wilaya de police de Casablanca connaît une affluence inhabituelle. Réputé pour être le lieu de rencontre des policiers, ce bistrot du boulevard Roudani n’a pas désempli de la soirée. Et pour cause : le roi vient de donner son approbation au nouveau statut du personnel de la Sûreté nationale. A la clé, une augmentation des salaires, des promotions exceptionnelles, des indemnités, une fondation des œuvres sociales… Une bonne nouvelle qui se fête. Bessaha ! Tout le monde lève son verre à la santé du nouveau règlement, tant attendu.
Aussitôt informé, le corps de la police était en ébullition. Certains n’en revenaient pas : “C’est une révolution. Du jamais vu dans l’histoire de la fonction publique”, lance, excité, ce cadre de la Sûreté nationale. Pour lui, ce n’est que justice rendue à un métier difficile et exposé.
Des salaires doublés : du jamais vu !
Aucun corps de fonctionnaires, même défendu par les syndicats les plus acharnés, n’a pu arracher de tels acquis. La nouvelle grille des salaires sera bientôt officialisée. Les fourchettes seront pratiquement doublés (voir tableau). Ainsi, le traitement de base d’un gardien de la paix passera directement de 3000 à 5000 dirhams, soit une augmentation de 66%. De même, celui d’un inspecteur grimpera de 3500 à 5500 DH. S’ajoutent bien évidemment les primes et indemnités de permanence. Une belle promotion pour cette catégorie qui constitue l’écrasante majorité du corps. “Franchement, en comparaison avec l’ampleur des tâches qui nous sont dévolues, notre rémunération était à la limite de l’insulte”, lâche ce gardien de la paix. La nouvelle grille des salaires n’a pas fait de jaloux. Tout le monde est servi. Les officiers, commissaires et commissaires divisionnaires verront leurs salaires réévalués de 64%. Tandis que celui des préfets est revalorisé dans la limite de 54%.
Les acquis ne s’arrêtent pas là. Des promotions exceptionnelles seront liées aux prises de risque. Il faut dire que les attentes et les défis à relever gagnent en importance, notamment avec le spectre des attentats terroristes qui a plané sur le royaume ces dernières années, et qui ont fait des victimes au sein du corps de la police. La nouvelle mouture du statut a donc prévu des promotions spéciales pour les victimes d’actes de violence grave ou mortelle. En cas de décès survenu pendant le service, “les conjoints ou descendants peuvent intégrer directement la police s’ils le désirent”. Le décès de policiers lors des attentats terroristes de Hay El Farah en avril 2007 a accéléré l’adoption de cette mesure. Néanmoins, cette option sera appliquée dans la limite de 5% des postes budgétaires. Autre mesure phare, les agents arrivés à l’âge de retraite (60 ans) peuvent bénéficier à titre exceptionnel d’une prorogation de deux ans, renouvelable deux fois. Cela suppose néanmoins l’approbation royale pour les fonctionnaires nommés par dahir et la décision du directeur général de la Sûreté nationale pour les autres catégories.
Policiers et citoyens
Last but not least, les policiers ont désormais le droit de se constituer en association, conformément au dahir des libertés publiques de 1958. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils pourront créer leur propre syndicat, comme c’est le cas dans plusieurs autres pays. Le nouveau statut précise en effet qu’“il est interdit aux fonctionnaires de la DGSN d’adhérer à un parti politique ou un syndicat”. Il n’empêche, la nouveauté est de taille. Jusque-là, les agents de police ne disposaient d’aucun moyen pour faire entendre leurs revendications. “Les protestations ont toujours existé dans le corps de la police. Mais il n’y avait pas de cadre légal pour les canaliser. L’association pourra jouer ce rôle”, explique le politologue Mohamed Darif. En fait, c’est une façon de contenir les colères épisodiques de certains membres. Des cas de protestation émergent de temps à autres, levant le voile sur le sentiment d’injustice qui taraude le personnel de la police. Certains faisaient parvenir, sous couvert d’anonymat, des lettres aux journaux pour dénoncer certaines pratiques. D’autres refusaient tout simplement d’obtempérer aux ordres de leurs chefs.
Zoom. Protection rapprochée
L’humiliation dont certains membres du corps policier ont été l’objet a poussé le ras-le-bol à son extrême. On se rappelle de cet incident survenu à Rabat fin 2003, lorsque la fille d’un ancien ministre de Hassan II a écrasé sciemment un agent de circulation. La fille du ministre n’a pas digéré que cette policière la verbalise pour une infraction au Code de la route. Humiliée, la victime a sollicité la justice : la fille du ministre écopera de 8 mois de prison ferme, avant de quitter le royaume dans des conditions obscures. Une nouvelle affaire a éclaté quelques années plus tard, en septembre 2008. Sur la corniche de Casablanca, l’agent Tarik Mouhib a essuyé un coup de feu tiré par une personnalité influente, mécontente, elle aussi, d’être verbalisée. Le coup sera arrangé. Motif : le coupable est atteint de la maladie de…Korsakoff. C’est pour parer à ce genre d’injustice que les agents de la Sûreté nationale bénéficieront désormais de la protection rapprochée de l’Etat. “La puissance publique se substituera aux policiers qui ont fait l’objet d’actes de violence, d’outrage ou même d’insulte lors de l’exercice de leur fonction”, stipule le nouveau statut. Reste à savoir si cette protection sera opposable à tous les Marocains, sans distinction…
tel-quel
Commentaire