Hassan II, notre père
Publié le : 25.03.2010 | 17h09
Il y a onze ans presque jour pour jour, en vertu du calendrier tournant de l'Hégire, Sa Majesté Hassan II décédait. Du Maroc jusqu'aux lointains confins de la terre, les échos de sa disparition se sont multipliés pour exprimer la tristesse et la consternation. Et lors de ses émouvantes funérailles, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, en exercice ou en retraite, les représentants d'institutions internationales, les différentes associations, les grands de ce monde et le petit peuple se sont associés au deuil, ont été présents à la cérémonie des adieux transformée en véritable aréopage diplomatique. Cette présence impressionnante traduisait l'attachement manifeste à l'égard d'un grand Roi, qui a conduit le Maroc avec une ambition et une seule : le hisser au rang d'une nation démocratique, le doter d'institutions, l'enraciner dans le concert des nations. Visionnaire, feu S.M. Hassan II avait immédiatement compris la nécessité de doter le Maroc d'une démocratie pluraliste.
Et, ce faisant, il a vite rejeté le monopartisme et le parti unique en vogue dans plusieurs pays d'Afrique ou du Maghreb. En l'occurrence, et à rebours de ce qui se passait ailleurs, il préconisait la diversité politique et en même temps confortait les institutions, favorisant ainsi, dans une époque où la décolonisation charriait les uns et les autres, l'émergence d'un modèle politique original et adapté à notre culture et à nos exigences. Dans cet entrelacs, il avait aussi compris avant les autres l'impératif d'un développement économique efficient par le moyen d'infrastructures et la mise en valeur de nos richesses propres. Il avait surtout mesuré à quel point l'autosuffisance économique devait être mise à profit, à la fois pour compenser nos handicaps en matière de pétrole et de gaz et pour pallier les besoins fondamentaux.
Le grand dessein des trente barrages, soit un par an, paraissait relever du défi, il sera naturellement réalisé. Ses fruits seront immenses, parce que l'agriculture était devenue la veine jugulaire de l'économie nationale et, bien au-delà, une activité d'exportation même.
Que son auguste successeur, Sa Majesté Mohammed VI, se fût immédiatement inscrit dans la même exigence de continuité et lance en 2008 le «Plan vert» témoigne d'une perspicacité à toute épreuve. La réforme politique au long cours menée par feu S.M. Hassan II balisait en vérité un profond et large champ institutionnel que la nouvelle Constitution, adoptée par référendum en 1996, a redynamisé.
Il a mis en place un gouvernement de transition en 1997 qui a permis aux forces politiques de gauche et du centre non seulement de participer mais de prendre en charge les destinées du pays. Il a institué un Conseil consultatif des droits de l'Homme et jeté les bases de ce qui constituera l'un des grands chantiers institutionnels du Maroc des années quatre-vingt-dix et, plus tard, sous le règne de son illustre fils, le chantier majeur. Sa Majesté Hassan II a engagé la grande et historique bataille de libération du Sahara qui a débouché sur l'une des plus glorieuses épopées de notre histoire : la Marche verte en novembre 1975, suivie immédiatement, dans le souci de verrouiller juridiquement la solution, de la signature le 14 novembre 1975 à Madrid de l'Accord tripartite entre le Maroc, l'Espagne et la Mauritanie.
Cet accord, entériné un mois plus tard de la même année par l'Assemblée générale des Nations unies réalisait ainsi la décolonisation du territoire, conformément à la Charte de l'ONU sur la décolonisation qui, les textes le prouvent, privilégie une solution négociée entre les parties en conflit. Sur le plan diplomatique, feu Hassan II était plus que visionnaire, un pionnier. Au Proche-Orient, son œuvre reste marquante, d'autant plus significative qu'il a réussi, notamment lors du Sommet arabe organisé en 1974 à Rabat à réconcilier Yasser Arafat et le Roi Hussein de Jordanie, jusque-là irréductibles « frères ennemis ».
Il a joué un rôle considérable dans le renforcement de la conscience et de l'unité arabe, abritant plusieurs sommets arabes et islamiques, donnant régulièrement le ton et le style de l'époque, imprimant une sagesse à l'action diplomatique du Royaume et des Etats arabes, allant jusqu'à procéder à de « bons offices » entre les gouvernements arabes et l'Etat d'Israël. La communauté internationale, à l'époque comme aujourd'hui, continue à lui rendre hommage et à exprimer son soutien à ses nombreuses initiatives dans ce sens. Feu Sa Majesté Hassan II a laissé un immense héritage à son digne successeur, fait de grands pas accomplis et de promesses gigantesques qui se sont tout de suite, au lendemain de son décès, transformées en attentes. Sur ces pas, le Royaume du Maroc a fait son chemin certes, il est entré cependant dans une nouvelle phase de son développement et de sa marche. Hassan II le Réunificateur ! De fait, il a réalisé l'unité et l'intégrité territoriale et son règne demeure marqué par une vision diplomatique audacieuse, pertinente et sage.
Nous célébrons aujourd'hui dans une profonde communion le XIe anniversaire de sa disparition, son héritage politique, spirituel et culturel constitue pour nous un motif de fierté. Car il imprégnait notre conscience de cette exigence que l'époque ne sacrifie ni à la facilité ni à la rhétorique, que la défense de nos valeurs ancestrales participe de ce nationalisme et de ce patriotisme qui, même orgueilleux, va au-delà des intérêts de groupes ou d'individualités. Dans son sillage, nous évoluons, sereins et lucides. Fiers aussi. Il était notre père à tous.
Par LE MATIN
Publié le : 25.03.2010 | 17h09
Il y a onze ans presque jour pour jour, en vertu du calendrier tournant de l'Hégire, Sa Majesté Hassan II décédait. Du Maroc jusqu'aux lointains confins de la terre, les échos de sa disparition se sont multipliés pour exprimer la tristesse et la consternation. Et lors de ses émouvantes funérailles, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement, en exercice ou en retraite, les représentants d'institutions internationales, les différentes associations, les grands de ce monde et le petit peuple se sont associés au deuil, ont été présents à la cérémonie des adieux transformée en véritable aréopage diplomatique. Cette présence impressionnante traduisait l'attachement manifeste à l'égard d'un grand Roi, qui a conduit le Maroc avec une ambition et une seule : le hisser au rang d'une nation démocratique, le doter d'institutions, l'enraciner dans le concert des nations. Visionnaire, feu S.M. Hassan II avait immédiatement compris la nécessité de doter le Maroc d'une démocratie pluraliste.
Et, ce faisant, il a vite rejeté le monopartisme et le parti unique en vogue dans plusieurs pays d'Afrique ou du Maghreb. En l'occurrence, et à rebours de ce qui se passait ailleurs, il préconisait la diversité politique et en même temps confortait les institutions, favorisant ainsi, dans une époque où la décolonisation charriait les uns et les autres, l'émergence d'un modèle politique original et adapté à notre culture et à nos exigences. Dans cet entrelacs, il avait aussi compris avant les autres l'impératif d'un développement économique efficient par le moyen d'infrastructures et la mise en valeur de nos richesses propres. Il avait surtout mesuré à quel point l'autosuffisance économique devait être mise à profit, à la fois pour compenser nos handicaps en matière de pétrole et de gaz et pour pallier les besoins fondamentaux.
Le grand dessein des trente barrages, soit un par an, paraissait relever du défi, il sera naturellement réalisé. Ses fruits seront immenses, parce que l'agriculture était devenue la veine jugulaire de l'économie nationale et, bien au-delà, une activité d'exportation même.
Que son auguste successeur, Sa Majesté Mohammed VI, se fût immédiatement inscrit dans la même exigence de continuité et lance en 2008 le «Plan vert» témoigne d'une perspicacité à toute épreuve. La réforme politique au long cours menée par feu S.M. Hassan II balisait en vérité un profond et large champ institutionnel que la nouvelle Constitution, adoptée par référendum en 1996, a redynamisé.
Il a mis en place un gouvernement de transition en 1997 qui a permis aux forces politiques de gauche et du centre non seulement de participer mais de prendre en charge les destinées du pays. Il a institué un Conseil consultatif des droits de l'Homme et jeté les bases de ce qui constituera l'un des grands chantiers institutionnels du Maroc des années quatre-vingt-dix et, plus tard, sous le règne de son illustre fils, le chantier majeur. Sa Majesté Hassan II a engagé la grande et historique bataille de libération du Sahara qui a débouché sur l'une des plus glorieuses épopées de notre histoire : la Marche verte en novembre 1975, suivie immédiatement, dans le souci de verrouiller juridiquement la solution, de la signature le 14 novembre 1975 à Madrid de l'Accord tripartite entre le Maroc, l'Espagne et la Mauritanie.
Cet accord, entériné un mois plus tard de la même année par l'Assemblée générale des Nations unies réalisait ainsi la décolonisation du territoire, conformément à la Charte de l'ONU sur la décolonisation qui, les textes le prouvent, privilégie une solution négociée entre les parties en conflit. Sur le plan diplomatique, feu Hassan II était plus que visionnaire, un pionnier. Au Proche-Orient, son œuvre reste marquante, d'autant plus significative qu'il a réussi, notamment lors du Sommet arabe organisé en 1974 à Rabat à réconcilier Yasser Arafat et le Roi Hussein de Jordanie, jusque-là irréductibles « frères ennemis ».
Il a joué un rôle considérable dans le renforcement de la conscience et de l'unité arabe, abritant plusieurs sommets arabes et islamiques, donnant régulièrement le ton et le style de l'époque, imprimant une sagesse à l'action diplomatique du Royaume et des Etats arabes, allant jusqu'à procéder à de « bons offices » entre les gouvernements arabes et l'Etat d'Israël. La communauté internationale, à l'époque comme aujourd'hui, continue à lui rendre hommage et à exprimer son soutien à ses nombreuses initiatives dans ce sens. Feu Sa Majesté Hassan II a laissé un immense héritage à son digne successeur, fait de grands pas accomplis et de promesses gigantesques qui se sont tout de suite, au lendemain de son décès, transformées en attentes. Sur ces pas, le Royaume du Maroc a fait son chemin certes, il est entré cependant dans une nouvelle phase de son développement et de sa marche. Hassan II le Réunificateur ! De fait, il a réalisé l'unité et l'intégrité territoriale et son règne demeure marqué par une vision diplomatique audacieuse, pertinente et sage.
Nous célébrons aujourd'hui dans une profonde communion le XIe anniversaire de sa disparition, son héritage politique, spirituel et culturel constitue pour nous un motif de fierté. Car il imprégnait notre conscience de cette exigence que l'époque ne sacrifie ni à la facilité ni à la rhétorique, que la défense de nos valeurs ancestrales participe de ce nationalisme et de ce patriotisme qui, même orgueilleux, va au-delà des intérêts de groupes ou d'individualités. Dans son sillage, nous évoluons, sereins et lucides. Fiers aussi. Il était notre père à tous.
Par LE MATIN
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