Etranger
La descente aux enfers des mineurs du Maroc
vendredi 26 mars 2010
Dans les galeries clandestines, creusées artisanelement, l'accident menace à tout moment.
Photo : Jacopo Granci
);Les charbonnages de Jerada, dans l'Est du royaume, ont fermé en 2001. Pourtant, près de 2 000 ouvriers continuent de risquer leur vie dans des boyaux clandestins.
Jerada. De notre correspondant
Tous les jours, Mohamed Halal répète les mêmes gestes. Se glisser à la force des bras dans des galeries noires et sinueuses, se caler dans ces goulots instables de 50 cm de large et gratter la paroi mécaniquement, sans penser au danger. « On a tous des amis qui ont fini étouffés sous des tonnes de terre et de charbon après un effondrement. Alors quand on descend, on sait qu'on ne reverra peut-être jamais la lumière du jour », souffle, dépité, ce trentenaire aux yeux fatigués et à la peau noircie par le charbon.
Comme près de deux mille autres habitants de Jerada, dans l'extrême Est du Maroc, Mohamed risque sa vie pour une bouchée de pain dans des mines clandestines de charbon creusées artisanalement partout sur la colline. On les appelle les descenderies.
Salaires de misère
Tout le monde travaille ici : les hommes, les femmes et même parfois leurs enfants. Le salaire est pourtant misérable. Cinq euros la journée pour les trieurs qui se cassent le dos et s'empoisonnent les poumons au dépôt de charbon. De dix à quinze euros pour les plus téméraires, qui descendent sous terre avec pour seule sécurité une corde élimée, accrochée à un treuil de fortune.
Des milliers d'anciens mineurs souffrent de la silicose, une maladie qui grignote la capacité pulmonaire. Mais pas le choix. « Il n'y a aucun autre travail ici depuis la fermeture de Charbonnage du Maroc, en 2001. Rien n'a été prévu pour la reconversion des mineurs et ils sont obligés de redescendre sous terre dans des conditions indignes », dénonce Jamal Allai, le responsable local de l'Association marocaine des droits de l'Homme.
Seuls à véritablement profiter de ce labeur quotidien, quelques notables du coin. Ceux qu'on appelle ici les « barons » ont dégoté un permis d'exploitation et sont des intermédiaires incontournables. Ils paient 6 € le sac de 100 kg. On le retrouve sur le marché à 50 €. Mohamed Amlaalou, homme de main d'un de ces grands patrons, ne voit pas le problème : « Si on ne prenait pas aux mineurs leur charbon, ils n'auraient pas de débouché, alors de quoi se plaignent-ils ? ».
Les forçats de Jerada ont essayé de dénoncer leur exploitation. En décembre dernier, ils ont organisé une série de manifestations pour « demander un meilleur prix de rachat et une protection sociale », raconte Jamal Allai. Sans résultat. Les autorités locales ont réprimé ces protestations et rien n'a changé. Et comme ses amis mineurs, Mohamed Halal est fataliste : « On sait tous qu'on finira notre vie, ici, au fond du trou. »
Amélie AMILHAU
Ouest- France
La descente aux enfers des mineurs du Maroc
vendredi 26 mars 2010
Dans les galeries clandestines, creusées artisanelement, l'accident menace à tout moment.
Photo : Jacopo Granci
);Les charbonnages de Jerada, dans l'Est du royaume, ont fermé en 2001. Pourtant, près de 2 000 ouvriers continuent de risquer leur vie dans des boyaux clandestins.
Jerada. De notre correspondant
Tous les jours, Mohamed Halal répète les mêmes gestes. Se glisser à la force des bras dans des galeries noires et sinueuses, se caler dans ces goulots instables de 50 cm de large et gratter la paroi mécaniquement, sans penser au danger. « On a tous des amis qui ont fini étouffés sous des tonnes de terre et de charbon après un effondrement. Alors quand on descend, on sait qu'on ne reverra peut-être jamais la lumière du jour », souffle, dépité, ce trentenaire aux yeux fatigués et à la peau noircie par le charbon.
Comme près de deux mille autres habitants de Jerada, dans l'extrême Est du Maroc, Mohamed risque sa vie pour une bouchée de pain dans des mines clandestines de charbon creusées artisanalement partout sur la colline. On les appelle les descenderies.
Salaires de misère
Tout le monde travaille ici : les hommes, les femmes et même parfois leurs enfants. Le salaire est pourtant misérable. Cinq euros la journée pour les trieurs qui se cassent le dos et s'empoisonnent les poumons au dépôt de charbon. De dix à quinze euros pour les plus téméraires, qui descendent sous terre avec pour seule sécurité une corde élimée, accrochée à un treuil de fortune.
Des milliers d'anciens mineurs souffrent de la silicose, une maladie qui grignote la capacité pulmonaire. Mais pas le choix. « Il n'y a aucun autre travail ici depuis la fermeture de Charbonnage du Maroc, en 2001. Rien n'a été prévu pour la reconversion des mineurs et ils sont obligés de redescendre sous terre dans des conditions indignes », dénonce Jamal Allai, le responsable local de l'Association marocaine des droits de l'Homme.
Seuls à véritablement profiter de ce labeur quotidien, quelques notables du coin. Ceux qu'on appelle ici les « barons » ont dégoté un permis d'exploitation et sont des intermédiaires incontournables. Ils paient 6 € le sac de 100 kg. On le retrouve sur le marché à 50 €. Mohamed Amlaalou, homme de main d'un de ces grands patrons, ne voit pas le problème : « Si on ne prenait pas aux mineurs leur charbon, ils n'auraient pas de débouché, alors de quoi se plaignent-ils ? ».
Les forçats de Jerada ont essayé de dénoncer leur exploitation. En décembre dernier, ils ont organisé une série de manifestations pour « demander un meilleur prix de rachat et une protection sociale », raconte Jamal Allai. Sans résultat. Les autorités locales ont réprimé ces protestations et rien n'a changé. Et comme ses amis mineurs, Mohamed Halal est fataliste : « On sait tous qu'on finira notre vie, ici, au fond du trou. »
Amélie AMILHAU
Ouest- France
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