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Matthieu Ricard prêche pour une économie altruiste

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  • Matthieu Ricard prêche pour une économie altruiste

    Il arrive en avance, d'un pas tranquille, vêtu de la traditionnelle robe vermeil et or. Une apparition lumineuse dans la grisaille parisienne. Installé devant une tasse de thé vert, il goûte par politesse les beignets confectionnés spécialement pour l'occasion.

    Ce matin-là, Matthieu Ricard, 64 ans, docteur en génétique cellulaire, moine tibétain depuis trente ans, vient dialoguer avec Tristan Lecomte, 37 ans, diplômé d'HEC, ex-L'Oréalien converti au commerce équitable (il dirige Alter Eco) et... au bouddhisme. Au programme, débat pour L'Express et mise au point d'un projet de production de nouilles bio en Inde au profit de la cause tibétaine.

    Il croise les patrons d'Apple, de Goldman Sachs...

    Seule concession à la dictature du temps, une montre orne le bras nu de Matthieu Ricard. Car il a l'agenda d'un homme d'affaires. Le matin au Portugal, l'après-midi au Luxembourg, le soir à Paris. En Europe pour une dizaine de jours, il aura visité cinq pays et aligné les rencontres avec des politiques, des patrons, des intellectuels. Mission : collecter des fonds pour son association humanitaire (Karuna-Shechen, qui construit des cliniques et des écoles dans l'Himalaya). Chemin faisant, l'interprète francophone du dalaï-lama, célèbre pour ses ouvrages sur le bonheur et la méditation, s'aventure aussi dans le champ économique.

    Il y a quelques jours, il dissertait avec Richard Layard, professeur à la London School of Economics, avant de dîner avec des dirigeants d'Apple et de Goldman Sachs. Il échange régulièrement avec des profs de la Harvard Business School. Et n'hésite plus, comme cette année, à interrompre une retraite pour rejoindre Davos, rendez-vous obligé du gratin du business mondial. "La première fois que j'ai été invité, je me suis interrogé, raconte-t-il. Mais c'est là qu'il faut aller pour faire avancer ses projets... et ses idées." Il y retrouve des frères en esprit, tels Muhammad Yunus, l'inventeur du microcrédit, et Fazle Abed, le fondateur du Brac, au Bangladesh, l'une des plus grandes ONG mondiales. Ou encore son ami, le banquier suisse Thierry Lombard.

    "L'an dernier, les financiers exprimaient de véritables questionnements personnels. On sentait la nécessité d'un retour aux valeurs, au respect, à la confiance en l'autre. Mais la crise n'a pas été assez sévère", regrette Matthieu Ricard. Moine et révolutionnaire ? Raté : pour cet adepte de la non-violence, changer le système de l'intérieur n'est pas une utopie. "L'économie n'a pas besoin d'être égoïste pour fonctionner, assure-t-il. La preuve avec les entrepreneurs sociaux. C'est simplement le but ultime qui doit changer." En clair, faire le bien autour de soi au lieu d'accumuler des richesses pour soi. Et plutôt que de compter sur la bienveillance d'une poignée de milliardaires devenus philanthropes, encourager tous ceux qui ont un comportement altruiste à s'allier pour définir les règles - ils existent, les travaux du Suisse Ernst Fehr l'ont démontré, rappelle Ricard.

    Le moine ne fait pas l'apologie de la charité ; il croit davantage à la coopération. Pas question non plus de parler de décroissance : "Trop négatif." Il préfère prôner la simplicité. Traduit en termes économiques par son ami Jean-François Rial, le cofondateur de Voyageurs du monde, cela donne la "croissance utile".

    Convaincu que l'altruisme est aujourd'hui une nécessité et non un luxe, Matthieu Ricard y consacre toute son énergie. Avant de s'éclipser, il donne rendez-vous à Zurich, en avril, pour deux jours de débat avec des universitaires de haute volée sur "l'altruisme et la compassion en économie". Puis décroise les jambes, remet ses chaussures et reprend son pas tranquille jusqu'au métro. Pendant que, dans son sillage, on résume le message : "Altruistes de tous les pays, unissez-vous !"

    Par l'Express
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