On pourrait en faire un film, l'histoire d'une métamorphose d'un grand commis de l'Etat en opposant farouche. Celle d'un homme dont la prudence était, pour ses détracteurs, synonyme de faiblesse, transfiguré en "sauveur de la nation". Le scénario, en cours d'écriture, s'annonce plein de rebondissements. Le "happy end" n'est pas garanti. Mais quatre mois après avoir quitté la direction de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El-Baradei vient de décrocher, à 67 ans, le rôle de sa vie. Peut-être le plus difficile.
Après avoir croisé le fer avec l'administration de George W. Bush au sujet des armes de destruction massives introuvables en Irak, ce diplomate de carrière s'est lancé dans un nouveau combat: instaurer "la démocratie et la justice sociale" en Egypte. Fort de son prestige international - qui lui vaut du respect dans son pays, à défaut d'une vraie popularité - Mohamed El-Baradei entend peser de tout son poids en faveur des réformes politiques. Sans trop savoir, semble-t-il, jusqu'où cette quête va le mener. Peut-être à la présidentielle de 2011, où il n'exclut pas d'être candidat si la constitution est modifiée. Celle-ci interdit de facto à des personnalités indépendantes de se présenter, sans l'aval du parti au pouvoir.
"Un homme intègre" au service de son pays
"El-Baradei est un homme intègre. Il aurait pu prendre une retraite tranquille, ou accepter un poste honorifique, mais il revient se battre pour son pays et pour son peuple en sachant qu'il devra en payer le prix", s'enthousiasme Alaa el-Aswany, auteur du best-seller L'Immeuble Yacoubian(Actes Sud), radiographie acide d'une Egypte gangrenée par les inégalités sociales, la violence policière et la corruption.
Encore hésitant il y a un mois, lorsqu'il a reçu un accueil triomphal à son retour en Egypte, où il ne vit plus depuis une trentaine d'années, El-Baradei se glisse peu à peu dans son nouveau costume. Rentré discrètement en début de semaine d'un voyage à l'étranger, il prévoit, selon son entourage, de rencontrer des représentants de toutes les mouvances de l'opposition pour étudier une éventuelle plate-forme commune.
Atavisme familial: son père, Mustafa El-Baradei, célèbre militant pro-démocratie, s'est souvent heurté au président Gamal Abdel Nasser, dans les années 1960, à l'époque où il dirigeait le barreau du Caire. Après avoir fait ses classes dans la diplomatie égyptienne, puis aux Nations unies et à l'AIEA, qu'il a dirigée pendant douze ans, Mohamed El-Baradei n'a pas attendu ces dernières semaines pour démontrer qu'il avait de qui tenir.
En mars 2003, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, il met en cause l'authenticité de documents qui prouvaient, selon Washington, que Saddam Hussein avait tenté de se procurer de l'uranium au Niger. Cette capacité à résister aux pressions des Etats-Unis, prêts à tout pour légitimer la guerre contre l'Irak, le révèle aux yeux du grand public... et aux siens. "C'est dans des moments pareils que l'on prend conscience de son destin", explique l'un de ses proches.
Hostile à toute action militaire contre Téhéran
Récompensé par le prix Nobel de la Paix, le deuxième pour un Egyptien (le premier ayant été décerné à Anouar el-Sadate, en 1978), El-Baradei voit son troisième mandat à la tête de l'AIEA empoisonné par le dossier iranien. Son hostilité à toute action militaire contre Téhéran ne lui vaut pas que des amis, notamment en Israël. Lorsqu'il annonce son départ, en 2008, il semble donc prêt à s'effacer de la scène pour profiter, dit-il, de sa maison dans le sud-ouest de la France. On le dit usé, désabusé. Erreur.
Invité d'une émission télévisée populaire en Egypte, au début de 2009, il fustige à la stupeur générale le bilan politique et social de Hosni Moubarak. La mèche est allumée. Rien ne pourra l'éteindre. Et sûrement pas la presse officielle, qui se déchaîne contre ce "président importé". "Le problème d'El-Baradei, c'est qu'il est nostalgique de la monarchie", grince un proche du pouvoir. "Il passe son temps à dire que tout allait mieux avant la révolution nassérienne de 1952, mais il oublie d'où il vient et il ne propose rien pour l'avenir."
Un "président importé"
Ingrat, El-Baradei ? "Je ne dois rien au régime actuel", rétorque au journal Al-Chorouqel-Gedid celui qui a reçu en 2006 la plus haute distinction égyptienne, la médaille du Nil. "Quand le groupe africain a posé ma candidature à l'AIEA, l'Egypte a fait campagne contre moi", rappelle-t-il.
Après avoir croisé le fer avec l'administration de George W. Bush au sujet des armes de destruction massives introuvables en Irak, ce diplomate de carrière s'est lancé dans un nouveau combat: instaurer "la démocratie et la justice sociale" en Egypte. Fort de son prestige international - qui lui vaut du respect dans son pays, à défaut d'une vraie popularité - Mohamed El-Baradei entend peser de tout son poids en faveur des réformes politiques. Sans trop savoir, semble-t-il, jusqu'où cette quête va le mener. Peut-être à la présidentielle de 2011, où il n'exclut pas d'être candidat si la constitution est modifiée. Celle-ci interdit de facto à des personnalités indépendantes de se présenter, sans l'aval du parti au pouvoir.
"Un homme intègre" au service de son pays
"El-Baradei est un homme intègre. Il aurait pu prendre une retraite tranquille, ou accepter un poste honorifique, mais il revient se battre pour son pays et pour son peuple en sachant qu'il devra en payer le prix", s'enthousiasme Alaa el-Aswany, auteur du best-seller L'Immeuble Yacoubian(Actes Sud), radiographie acide d'une Egypte gangrenée par les inégalités sociales, la violence policière et la corruption.
Encore hésitant il y a un mois, lorsqu'il a reçu un accueil triomphal à son retour en Egypte, où il ne vit plus depuis une trentaine d'années, El-Baradei se glisse peu à peu dans son nouveau costume. Rentré discrètement en début de semaine d'un voyage à l'étranger, il prévoit, selon son entourage, de rencontrer des représentants de toutes les mouvances de l'opposition pour étudier une éventuelle plate-forme commune.
Atavisme familial: son père, Mustafa El-Baradei, célèbre militant pro-démocratie, s'est souvent heurté au président Gamal Abdel Nasser, dans les années 1960, à l'époque où il dirigeait le barreau du Caire. Après avoir fait ses classes dans la diplomatie égyptienne, puis aux Nations unies et à l'AIEA, qu'il a dirigée pendant douze ans, Mohamed El-Baradei n'a pas attendu ces dernières semaines pour démontrer qu'il avait de qui tenir.
En mars 2003, devant le Conseil de sécurité de l'ONU, il met en cause l'authenticité de documents qui prouvaient, selon Washington, que Saddam Hussein avait tenté de se procurer de l'uranium au Niger. Cette capacité à résister aux pressions des Etats-Unis, prêts à tout pour légitimer la guerre contre l'Irak, le révèle aux yeux du grand public... et aux siens. "C'est dans des moments pareils que l'on prend conscience de son destin", explique l'un de ses proches.
Hostile à toute action militaire contre Téhéran
Récompensé par le prix Nobel de la Paix, le deuxième pour un Egyptien (le premier ayant été décerné à Anouar el-Sadate, en 1978), El-Baradei voit son troisième mandat à la tête de l'AIEA empoisonné par le dossier iranien. Son hostilité à toute action militaire contre Téhéran ne lui vaut pas que des amis, notamment en Israël. Lorsqu'il annonce son départ, en 2008, il semble donc prêt à s'effacer de la scène pour profiter, dit-il, de sa maison dans le sud-ouest de la France. On le dit usé, désabusé. Erreur.
Invité d'une émission télévisée populaire en Egypte, au début de 2009, il fustige à la stupeur générale le bilan politique et social de Hosni Moubarak. La mèche est allumée. Rien ne pourra l'éteindre. Et sûrement pas la presse officielle, qui se déchaîne contre ce "président importé". "Le problème d'El-Baradei, c'est qu'il est nostalgique de la monarchie", grince un proche du pouvoir. "Il passe son temps à dire que tout allait mieux avant la révolution nassérienne de 1952, mais il oublie d'où il vient et il ne propose rien pour l'avenir."
Un "président importé"
Ingrat, El-Baradei ? "Je ne dois rien au régime actuel", rétorque au journal Al-Chorouqel-Gedid celui qui a reçu en 2006 la plus haute distinction égyptienne, la médaille du Nil. "Quand le groupe africain a posé ma candidature à l'AIEA, l'Egypte a fait campagne contre moi", rappelle-t-il.
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