Jacqueline Chabbi
Professeur à l’université Paris VIII-Saint-Denis
Il est peu de villes, en dehors de Jérusalem, dont le destin paraisse aussi étroitement lié à une religion que La Mecque. Le lien paraît d'autant plus fort et exclusif que La Mecque, ses alentours, ainsi que la ville de Médine où Mahomet aurait été mis en terre, quelque quatre cents kilomètres plus loin au nord, demeurent, jusqu'à aujourd'hui, des territoires strictement interdits aux non-musulmans, notamment aux juifs et aux chrétiens et cela en dépit de l'abrahamisme revendiqué par le Coran et l'islam. Curieux archaïsme !
À moins de se convertir ou de se déguiser comme le firent quelques voyageurs des deux siècles passés dans une Arabie occidentale qui n'était pas encore séoudite – mais ce n'est plus guère possible car la vigilance des autorités est particulièrement sévère –, visiter La Mecque, pour un non musulman, c'est donc faire le voyage en restant à distance.
Ce voyage imaginaire peut être entrepris par l'intermédiaire des gravures du XIXe siècle ou encore par les albums photographiques ou les films du XXe. Curieusement en effet, la cité musulmane est interdite de visite mais pas de représentation. De multiples reportages et albums en témoignent.
Un autre type de voyage peut également être entrepris, celui de l'étude qui mobilise le savoir de l'anthropologue ou de l'historien. C'est à ce voyage dans le temps, sur les chemins d'un passé dont l'islam d'aujourd'hui ne cherche guère à se ressouvenir, que nous invite Jacqueline Chabbi, auteur du Seigneur des Tribus, l'islam de Mahomet (Noêsis, 1997).
La Mecque, cité interdite
L'interdiction d'entrée sur le territoire de la cité mecquoise, sise à quelque distance de la mer Rouge, sur la façade occidentale de la désertique et immense péninsule d'Arabie, est censée remonter à un passage du Coran tardif qui aurait été applicable en l'an 10 de l'hégire, soit à peine une année avant la mort de Mahomet (Cor. IX, 28). Il ne s'agissait nullement comme aujourd'hui d'interdire de visite ou de séjour les sectateurs des deux autres grandes religions d'origine proche-orientale, judaïsme et christianisme, sans parler des autres, moins présentes dans ce contexte. Il est vrai que la question du tourisme culturel ou celle des voyages d'affaire ne se posait guère au début du VIIe siècle apr. J.-C. ! Le seul enjeu était local. Il concernait la rivalité toujours persistante sur la maîtrise du sacré entre les musulmans déjà « ralliés à l'alliance » du dieu de Mahomet – le terme de « converti » n'étant pas très approprié dans ce milieu sociologique – et les païens locaux qui résidaient sur place ou qui, venus d'alentour, se rendaient dans la ville pour leur pèlerinage annuel.
On présume souvent aujourd'hui en milieu musulman que cette période avait été un exemple de pureté et de perfection et appartenait à l'âge fondateur par excellence de l'islam ; néanmoins, il faut savoir que les sectateurs des divinités tribales masculines ou féminines du cru continuaient à accomplir leurs rites propres au cœur de La Mecque, parallèlement au rituel musulman qui commençait à se mettre en place. Le pèlerinage mecquois de l'époque est demeuré multiconfessionnel presque jusqu'à la fin de la période dite prophétique, c'est-à-dire durant la presque totalité de la vie de Mahomet.
De plus, en dehors de la période du pèlerinage, la coexistence entre musulmans et non musulmans demeurait la règle sur le territoire mecquois aussi bien qu'à Médine. Personne ne se trouvait interdit d'entrée, du moins pour des raisons de croyance et de religion ! Quant à Médine, elle n'est devenue territoire interdit et ville sainte que dans un contexte musulman largement postcoranique. Cela ne fut jamais le cas à l'époque de Mahomet. D'ailleurs, contrairement à La Mecque avec la Ka‘ba, l'oasis de Médine n'avait jamais auparavant constitué une enclave sacrée, comme il en existait un certain nombre en Arabie. L'espace sacré mecquois n'était qu'un espace sacré parmi d'autres et ne constituait pas une exception. Il ne s'agissait en aucun cas du point focal religieux vers lequel auraient convergé toutes les tribus de l'immense péninsule. C'est l'islam, dans sa réussite terrestre ultérieure, qui a assuré la promotion de La Mecque comme lieu sacré par excellence, dans son cadre arabique puis à l'échelle de l'empire musulman.
Par un curieux paradoxe, pour le moins anachronique, l'islam contemporain a non seulement conservé mais considérablement étendu ces dispositions de clôture inventées à un moment indéterminé mais pas, en tout cas, durant la période prophétique.
Le recours à Abraham, fiction et idéologie
À l'origine fut Abraham, qui, sur ordre de Dieu, érigea la « demeure inviolable », c'est-à-dire la fameuse Ka‘ba. Ainsi parle le Coran dont la révélation présumée remonterait à la période dite de Médine, alors que Mahomet se serait trouvé exilé dans cette oasis, hors de La Mecque, sa ville d'origine (Coran III, 96). Le point de vue historique n'est pourtant pas vraiment celui-là. Il ne se réfère nullement à cette origine biblique. Celle-ci est invoquée, d'une façon que l'on pourrait dire conjoncturelle, dans un contexte coranique qui aurait été celui des vicissitudes du combat politique de Mahomet à Médine, entre 622 et 632 apr. J.-C., soit entre 1 et 11 de l'hégire. Ce combat, précédé d'une période de vive polémique que reflète encore le Coran, aurait été mené contre les groupes juifs qui résidaient dans la cité. Ceux-ci paraissent s'être absolument refusés à reconnaître la véracité de la révélation dont se réclamait Mahomet, bien qu'il invoquât des figures partagées comme Moïse ou Abraham.
Il est vrai qu'on ne voit pas comment les rabbins médinois auraient pu adhérer à des récits coraniques orientés qui étaient bien trop différents de ce que leur disaient leurs propres rouleaux sacrés. Il n'est que de comparer les textes actuels du Pentateuque et du Coran pour s'en rendre compte. Ce fut pourtant l'illusion de Mahomet que de croire la chose possible. On sait que l'affaire tourna au drame. Certains groupes juifs locaux durent quitter la ville de force, tandis que d'autres étaient massacrés, sous l'inculpation incertaine de trahison. Les règles tribales qui prévalaient dans la cité avaient été cependant sauvegardées, du moins en apparence. Les condamnés auraient été exécutés par leurs propres alliés locaux et non par Mahomet lui-même qui n'appartenait pas à leur groupe.
Le point de vue historique n'a rien à voir avec ce biblisme médinois de circonstance qui fait voyager la figure abrahamique à plus de mille kilomètres des territoires qu'on le voit parcourir dans les récits bibliques. Le point de vue historique doit, tout au contraire, inscrire l'origine de La Mecque et de la sacralité mecquoise dans un substrat purement local, dans les rites et les croyances présentes sur place et antérieures à l'islam et sans aucun lien avec lui. L'histoire, en effet, n'est pas réversible.
L'islam peut s'expliquer par ce qui le précède et par ce qui l'entoure. Mais ce qui le précède ne saurait – en aucun cas – être expliqué par lui. Autrement dit, aucun biblisme subreptice ne saurait se mêler à l'histoire pré-musulmane de la cité. Concernant l'abrahamisme originel que prête le Coran à La Mecque, il s'agit d'une pure innovation de période médinoise. D'ailleurs, la période mecquoise de la révélation ne connaît encore rien de ce développement narratif, résultante directe d'un conflit politique et idéologique qui opposa Mahomet aux juifs médinois.
Aux origines d'une religion naissent les mythes. L'islam ne présente en cela aucune originalité. Ainsi en va-t-il de la généalogie fictive qui, dans certains milieux musulmans – malheureusement relayés par un certain nombre d'études de vulgarisation en langues occidentales –, fait de Mahomet un descendant direct du patriarche biblique, à supposer d'ailleurs que celui-ci ait existé, ce qui est devenu très douteux. Abraham est certainement un héros de récit mythique. Mais cela n'en fait pas pour autant un personnage historique, même si l'on croit pouvoir visiter son tombeau à Hébron.
Les allégations abrahamiques concernant le site mecquois et la personne de Mahomet lui-même sont donc de l'ordre de la croyance ou de ces sortes d'histoires fictives et merveilleuses que l'on aime à se raconter, pour fonder une origine dans un temps absolu qui échappe à toute perception raisonnée. De telles allégations – fussent-elles coraniques – n'ont évidemment rien à voir avec une analyse historique. Elles ne sauraient, en tout cas, contraindre en quoi que ce soit la démarche de l'historien.
La Ka'ba, un point d'eau pérenne, un enclos sacré
La Ka'ba mecquoise fut édifiée à une époque indéterminée, peut-être vers la fin de la période romaine. Ptolémée, géographe grec alexandrin du IIe siècle apr. J.-C., connaît la ville sous le nom de Macoraba. Ce nom, d'origine sémitique certaine, signifie probablement le « lieu du sanctuaire » pour indiquer que s'y trouve – comme ailleurs en Arabie – un espace sacré, porteur de divers « interdits », autrement dit un haram. Du fait de son étymologie qui ramène par inversion au mot baraka, le nom ptoléméen de Macoraba suggère que ce lieu sacré ait été relié à la présence d'une eau pérenne, qui se serait conservée durant les périodes de pire sécheresse, dans un ou dans plusieurs puits. La baraka combine en effet la notion de bénédiction avec celle de la présence d'une eau d'origine pluviale, condition essentielle de survie pour les populations de ces zones arides.
Quant à son apparence primitive, la Ka‘ba apparaissait probablement au départ comme un simple enclos de pierres sans toit, édifié à proximité immédiate du point d'eau salvateur au fond d'une vallée sèche et non arborée. Sa construction dans ce lieu insolite signalait manifestement déjà une intention cultuelle et confirmait son caractère d'espace sacré.
Pointant par ses angles vers les points cardinaux, l'enclos sacré primitif, ébauche du cube actuel, aurait eu pour fonction de servir de support fixe à des roches sacrées.
A suivre...
Professeur à l’université Paris VIII-Saint-Denis
Il est peu de villes, en dehors de Jérusalem, dont le destin paraisse aussi étroitement lié à une religion que La Mecque. Le lien paraît d'autant plus fort et exclusif que La Mecque, ses alentours, ainsi que la ville de Médine où Mahomet aurait été mis en terre, quelque quatre cents kilomètres plus loin au nord, demeurent, jusqu'à aujourd'hui, des territoires strictement interdits aux non-musulmans, notamment aux juifs et aux chrétiens et cela en dépit de l'abrahamisme revendiqué par le Coran et l'islam. Curieux archaïsme !
À moins de se convertir ou de se déguiser comme le firent quelques voyageurs des deux siècles passés dans une Arabie occidentale qui n'était pas encore séoudite – mais ce n'est plus guère possible car la vigilance des autorités est particulièrement sévère –, visiter La Mecque, pour un non musulman, c'est donc faire le voyage en restant à distance.
Ce voyage imaginaire peut être entrepris par l'intermédiaire des gravures du XIXe siècle ou encore par les albums photographiques ou les films du XXe. Curieusement en effet, la cité musulmane est interdite de visite mais pas de représentation. De multiples reportages et albums en témoignent.
Un autre type de voyage peut également être entrepris, celui de l'étude qui mobilise le savoir de l'anthropologue ou de l'historien. C'est à ce voyage dans le temps, sur les chemins d'un passé dont l'islam d'aujourd'hui ne cherche guère à se ressouvenir, que nous invite Jacqueline Chabbi, auteur du Seigneur des Tribus, l'islam de Mahomet (Noêsis, 1997).
La Mecque, cité interdite
L'interdiction d'entrée sur le territoire de la cité mecquoise, sise à quelque distance de la mer Rouge, sur la façade occidentale de la désertique et immense péninsule d'Arabie, est censée remonter à un passage du Coran tardif qui aurait été applicable en l'an 10 de l'hégire, soit à peine une année avant la mort de Mahomet (Cor. IX, 28). Il ne s'agissait nullement comme aujourd'hui d'interdire de visite ou de séjour les sectateurs des deux autres grandes religions d'origine proche-orientale, judaïsme et christianisme, sans parler des autres, moins présentes dans ce contexte. Il est vrai que la question du tourisme culturel ou celle des voyages d'affaire ne se posait guère au début du VIIe siècle apr. J.-C. ! Le seul enjeu était local. Il concernait la rivalité toujours persistante sur la maîtrise du sacré entre les musulmans déjà « ralliés à l'alliance » du dieu de Mahomet – le terme de « converti » n'étant pas très approprié dans ce milieu sociologique – et les païens locaux qui résidaient sur place ou qui, venus d'alentour, se rendaient dans la ville pour leur pèlerinage annuel.
On présume souvent aujourd'hui en milieu musulman que cette période avait été un exemple de pureté et de perfection et appartenait à l'âge fondateur par excellence de l'islam ; néanmoins, il faut savoir que les sectateurs des divinités tribales masculines ou féminines du cru continuaient à accomplir leurs rites propres au cœur de La Mecque, parallèlement au rituel musulman qui commençait à se mettre en place. Le pèlerinage mecquois de l'époque est demeuré multiconfessionnel presque jusqu'à la fin de la période dite prophétique, c'est-à-dire durant la presque totalité de la vie de Mahomet.
De plus, en dehors de la période du pèlerinage, la coexistence entre musulmans et non musulmans demeurait la règle sur le territoire mecquois aussi bien qu'à Médine. Personne ne se trouvait interdit d'entrée, du moins pour des raisons de croyance et de religion ! Quant à Médine, elle n'est devenue territoire interdit et ville sainte que dans un contexte musulman largement postcoranique. Cela ne fut jamais le cas à l'époque de Mahomet. D'ailleurs, contrairement à La Mecque avec la Ka‘ba, l'oasis de Médine n'avait jamais auparavant constitué une enclave sacrée, comme il en existait un certain nombre en Arabie. L'espace sacré mecquois n'était qu'un espace sacré parmi d'autres et ne constituait pas une exception. Il ne s'agissait en aucun cas du point focal religieux vers lequel auraient convergé toutes les tribus de l'immense péninsule. C'est l'islam, dans sa réussite terrestre ultérieure, qui a assuré la promotion de La Mecque comme lieu sacré par excellence, dans son cadre arabique puis à l'échelle de l'empire musulman.
Par un curieux paradoxe, pour le moins anachronique, l'islam contemporain a non seulement conservé mais considérablement étendu ces dispositions de clôture inventées à un moment indéterminé mais pas, en tout cas, durant la période prophétique.
Le recours à Abraham, fiction et idéologie
À l'origine fut Abraham, qui, sur ordre de Dieu, érigea la « demeure inviolable », c'est-à-dire la fameuse Ka‘ba. Ainsi parle le Coran dont la révélation présumée remonterait à la période dite de Médine, alors que Mahomet se serait trouvé exilé dans cette oasis, hors de La Mecque, sa ville d'origine (Coran III, 96). Le point de vue historique n'est pourtant pas vraiment celui-là. Il ne se réfère nullement à cette origine biblique. Celle-ci est invoquée, d'une façon que l'on pourrait dire conjoncturelle, dans un contexte coranique qui aurait été celui des vicissitudes du combat politique de Mahomet à Médine, entre 622 et 632 apr. J.-C., soit entre 1 et 11 de l'hégire. Ce combat, précédé d'une période de vive polémique que reflète encore le Coran, aurait été mené contre les groupes juifs qui résidaient dans la cité. Ceux-ci paraissent s'être absolument refusés à reconnaître la véracité de la révélation dont se réclamait Mahomet, bien qu'il invoquât des figures partagées comme Moïse ou Abraham.
Il est vrai qu'on ne voit pas comment les rabbins médinois auraient pu adhérer à des récits coraniques orientés qui étaient bien trop différents de ce que leur disaient leurs propres rouleaux sacrés. Il n'est que de comparer les textes actuels du Pentateuque et du Coran pour s'en rendre compte. Ce fut pourtant l'illusion de Mahomet que de croire la chose possible. On sait que l'affaire tourna au drame. Certains groupes juifs locaux durent quitter la ville de force, tandis que d'autres étaient massacrés, sous l'inculpation incertaine de trahison. Les règles tribales qui prévalaient dans la cité avaient été cependant sauvegardées, du moins en apparence. Les condamnés auraient été exécutés par leurs propres alliés locaux et non par Mahomet lui-même qui n'appartenait pas à leur groupe.
Le point de vue historique n'a rien à voir avec ce biblisme médinois de circonstance qui fait voyager la figure abrahamique à plus de mille kilomètres des territoires qu'on le voit parcourir dans les récits bibliques. Le point de vue historique doit, tout au contraire, inscrire l'origine de La Mecque et de la sacralité mecquoise dans un substrat purement local, dans les rites et les croyances présentes sur place et antérieures à l'islam et sans aucun lien avec lui. L'histoire, en effet, n'est pas réversible.
L'islam peut s'expliquer par ce qui le précède et par ce qui l'entoure. Mais ce qui le précède ne saurait – en aucun cas – être expliqué par lui. Autrement dit, aucun biblisme subreptice ne saurait se mêler à l'histoire pré-musulmane de la cité. Concernant l'abrahamisme originel que prête le Coran à La Mecque, il s'agit d'une pure innovation de période médinoise. D'ailleurs, la période mecquoise de la révélation ne connaît encore rien de ce développement narratif, résultante directe d'un conflit politique et idéologique qui opposa Mahomet aux juifs médinois.
Aux origines d'une religion naissent les mythes. L'islam ne présente en cela aucune originalité. Ainsi en va-t-il de la généalogie fictive qui, dans certains milieux musulmans – malheureusement relayés par un certain nombre d'études de vulgarisation en langues occidentales –, fait de Mahomet un descendant direct du patriarche biblique, à supposer d'ailleurs que celui-ci ait existé, ce qui est devenu très douteux. Abraham est certainement un héros de récit mythique. Mais cela n'en fait pas pour autant un personnage historique, même si l'on croit pouvoir visiter son tombeau à Hébron.
Les allégations abrahamiques concernant le site mecquois et la personne de Mahomet lui-même sont donc de l'ordre de la croyance ou de ces sortes d'histoires fictives et merveilleuses que l'on aime à se raconter, pour fonder une origine dans un temps absolu qui échappe à toute perception raisonnée. De telles allégations – fussent-elles coraniques – n'ont évidemment rien à voir avec une analyse historique. Elles ne sauraient, en tout cas, contraindre en quoi que ce soit la démarche de l'historien.
La Ka'ba, un point d'eau pérenne, un enclos sacré
La Ka'ba mecquoise fut édifiée à une époque indéterminée, peut-être vers la fin de la période romaine. Ptolémée, géographe grec alexandrin du IIe siècle apr. J.-C., connaît la ville sous le nom de Macoraba. Ce nom, d'origine sémitique certaine, signifie probablement le « lieu du sanctuaire » pour indiquer que s'y trouve – comme ailleurs en Arabie – un espace sacré, porteur de divers « interdits », autrement dit un haram. Du fait de son étymologie qui ramène par inversion au mot baraka, le nom ptoléméen de Macoraba suggère que ce lieu sacré ait été relié à la présence d'une eau pérenne, qui se serait conservée durant les périodes de pire sécheresse, dans un ou dans plusieurs puits. La baraka combine en effet la notion de bénédiction avec celle de la présence d'une eau d'origine pluviale, condition essentielle de survie pour les populations de ces zones arides.
Quant à son apparence primitive, la Ka‘ba apparaissait probablement au départ comme un simple enclos de pierres sans toit, édifié à proximité immédiate du point d'eau salvateur au fond d'une vallée sèche et non arborée. Sa construction dans ce lieu insolite signalait manifestement déjà une intention cultuelle et confirmait son caractère d'espace sacré.
Pointant par ses angles vers les points cardinaux, l'enclos sacré primitif, ébauche du cube actuel, aurait eu pour fonction de servir de support fixe à des roches sacrées.
A suivre...
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