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Maroc: Le nouveau visage de Nador

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  • Maroc: Le nouveau visage de Nador

    Un vent de dynamisme souffle sur la cité du Rif. Chemin de fer, urbanisation, parc industriel, complexe touristique... la ville a entamé sa mue à coups de projets ambitieux. Visite de chantiers.

    Voilà près de neuf mois qu’il est possible de se rendre à Nador en train. Pas de raison de s’en priver, le nouveau tronçon Taourirt-Nador est même gratuit pour les voyageurs qui viennent de plus loin. A l’arrivée, la nouvelle gare est si pimpante que l’on ferme les yeux sur l’eau
    boueuse qui a inondé les rails, après une journée pluvieuse. Cependant il n’y a guère de foule sur les quais. Les Nadoris ne se sont pas précipités sur le chemin de fer. Probablement à cause des horaires fixés par l’ONCF : les voyageurs n’apprécient pas de devoir systématiquement changer de train à Taourirt, comme autrefois avec le bus, moyennant une attente de 15 à 90 minutes, selon les correspondances.

    15 vols pour l’Europe, zéro pour le Maroc
    Le chemin de fer inauguré par le roi en juillet 2009 avait pourtant été accueilli comme un symbole supplémentaire du désenclavement de la ville, par rapport au Maroc “central”, entamé en 2003 sous l’impulsion du Palais. Car Nador, située à un quart d’heure des postes -frontières avec Melilia, est une cité assez curieuse : bien que son aéroport desserve une quinzaine de grandes villes européennes, le seul moyen de s’y rendre en avion depuis le Maroc consiste à atterrir à Oujda… à plus de deux heures de route ! C’est là tout le paradoxe de cette ville, ouverte sur l’étranger après des décennies d’émigration, mais plutôt coupée du reste du pays. Le maire de Nador, Tarik Yahya, a essayé en vain de convaincre les responsables de la RAM de mettre en place une liaison permanente vers les autres villes du royaume. A défaut, “nous envisageons même, avec le président du conseil de la région, de créer une ligne régionale”, déclare-t-il.
    En sortant de la gare, se dresse un McDo fraîchement inauguré. Un véritable événement dans cette ville en manque de distractions… “Le premier jour, il fallait faire la queue pendant deux heures pour être servi”, raconte un habitant avec un soupçon de fierté (de se sentir enfin “mondialisé” ?). Le nouveau Marjane, ouvert l’été 2009, a lui aussi imprimé sa marque sur la région : les commerçants de Melilia sont furieux, dit-on, car les habitants de l’enclave espagnole n’hésitent pas à s’y rendre pour faire leurs courses le week-end.
    En s’éloignant un peu de la gare, la corniche de Nador apparaît, avec ses palmiers fouettés par le vent. Un nouveau panorama dont la ville s’enorgueillit depuis deux ans. Certes, il a fallu sacrifier l’hôtel Rif qui se trouvait dans l’alignement de la promenade (le chantier de sa reconstruction, en retrait, est au point mort). Mais Nador y a gagné un beau point de vue sur sa lagune, protégée de la Méditerranée par un cordon dunaire : la fameuse Mar Chica, ou petite mer. A part ce repère naturel rectiligne, le reste de la ville souffre d’un urbanisme anarchique. “Nous sommes dans une grande agglomération qui regroupe 17 centres urbains, c’est une situation assez unique”, souligne Mustapha El Ouardi, directeur de l’Agence urbaine, qui poursuit : “Notre plus grand problème, c’est l’habitat spontané, d’autant que les habitants de la région sont doués pour la construction !”.
    La priorité de l’Agence urbaine : “stopper le modèle expansionniste” et élaborer les plans d’un “grand Nador”, intégrant les différents quartiers et communes périphériques. Sur le terrain, on voit surtout des chantiers d’aménagement de routes reliant les communes de Beni Nsar ou encore Zghenghen, futurs tronçons d’un “périphérique”. Mais l’idée du grand Nador, c’est aussi, explique le maire, la création prochaine d’un groupement de communes, comme le permet la nouvelle Charte communale. Ce texte prévoit la mise en commun de services, ainsi qu’un vaste parc paysager, une importante gare routière et un grand stade municipal. L’autre stratégie pour limiter l’expansion de Nador s’appelle sobrement “pôle urbain de El Aroui”. Ce projet de ville nouvelle sur 1400 ha, situé du côté de l’aéroport et de la grande usine sidérurgique de la région (Sonasid), vise les 180 000 habitants. Le gigantesque chantier a été confié en 2007 à une joint-venture CGI- Al Omrane. Les 1500 premiers logements devaient être construits à partir de 2009 et livrés en 2010, mais la zone en est encore au stade de la viabilisation.

    Nador way of life
    Pour l’heure, le centre reste le point névralgique de la ville. Direction le Café Victoria, histoire d’y retrouver l’intelligentsia de Nador. Ce soir, c’est salle comble, la télévision branchée sur les ondes espagnoles diffuse un match de la Liga. Que peut-on faire d’autre le soir à Nador ? Pas grand-chose, répond Sheherazade Amhajer, vice-présidente de la plus importante association de la région, le Cecodel (Centre d’études coopératives pour le développement local). “Jusqu’à ce que le roi ordonne la construction du centre culturel qui a ouvert en 2007, les gens n’avaient même pas de local pour projeter un film ou monter une pièce de théâtre”, précise-t-elle.
    Tarik Chami arrive à son tour au Café Victoria. Le cyber-journaliste de la page d’informations nador24 trouve l’actualité locale plutôt calme cette année. La “routine” de Nador paraîtrait pourtant bien exotique aux yeux d’autres régions. Tarik annonce ainsi régulièrement l’arrestation d’un trafiquant de drogue, le démantèlement d’un réseau de revente de passeports marocains destinés à l’émigration clandestine (les Algériens s’en servent pour entrer à Melilia) ou encore la découverte d’un migrant dans un camion (technique privilégiée par ceux qui viennent du sud du continent). Cependant, les étrangers venus de loin pour passer la frontière européenne se sont faits très discrets depuis que les forces armées marocaines ont pris leurs quartiers dans la célèbre montagne Gourougou. Pas de tensions majeures à la frontière non plus en ce moment. Juste le dur quotidien des milliers de porteurs de marchandises soumis aux humiliations et à la corruption des autorités…

    Argent facile
    Une activité de “contrebande” qui perdra une bonne partie de son intérêt en 2012, date de suppression des taxes douanières sur un grand nombre de produits. Mais la région n’offre guère d’alternative en matière d’emploi. “Le chômage apparent est plutôt faible car la plupart se livrent à de petits trafics, explique Tarik Chami. Pourtant il y a beaucoup de frustration, les jeunes parlent sans cesse d’émigrer et s’en vont dès qu’ils le peuvent”. Selon Houcine Hamouti, le directeur de la Chambre de commerce de Nador, le malaise est plus global : la région souffre d’un “manque d’esprit d’entreprise” et d’une mentalité “mercantiliste”, encouragés par l’argent facile. “Ces 20 dernières années, Nador a surtout profité du trafic de drogue”, assène-t-il. Si l’on ajoute à cela les transferts des MRE, cela représente beaucoup d’argent : pas moins de 30,5 milliards de dirhams dorment dans les banques de la province (fin 2009) ! Ce qui en fait la deuxième place bancaire après Casablanca… Or “ceux qui détiennent l’argent à Nador sont d’un niveau culturel très bas, ils ne savent pas quoi en faire”, poursuit Hamouti. Autrement dit, les investissements sont très faibles. Preuve en est du montant des crédits accordés par les banques, qui n’ont pas dépassé 4,3 milliards de dirhams en 2009. Le manque d’infrastructures des terrains et le prix au mètre carré freinent également les investisseurs : la spéculation immobilière, idéale pour blanchir l’argent de la drogue, s’est en effet intensifiée depuis la loi anti-blanchiment de 2006.
    D’où l’idée de créer un parc industriel, hébergé sur un terrain de 72 ha appartenant à la Chambre de commerce (et financé par Med-Z, une filiale de la CDG, à hauteur de 200 millions). Il s’agit d’offrir aux petites et moyennes entreprises, sur le mode de la location, des terrains déjà viabilisés et des services communs. A chaque entreprise de construire ses locaux par la suite. Le chantier est localisé à Selouane, sur la route d’Oujda, non loin de la nouvelle (et seule) université. Pour l’instant, le parc ressemble davantage à une sorte de grand lotissement sans bâtiments, mais le directeur de la Chambre de commerce assure qu’il existe déjà une forte demande de la part des PME marocaines et étrangères. Ce dernier espère que le parc ouvrira courant 2010, même si la construction des bâtiments de services ne sera entamée qu’en mars. Pour assurer le développement industriel, la Chambre de commerce compte beaucoup sur son projet de pépinière d’entreprises intégrée au parc, et promet un “vrai accompagnement” pour stimuler la “culture d’entreprendre” dans la région. Le parc bénéficie déjà du port et de la voie ferrée. A terme, il pourra aussi s’appuyer sur le grand port industriel prévu sur le modèle de Tanger Med. Mais aux dernières nouvelles, le projet “Nador Med-Est” est toujours à l’étude.

  • #2
    Paradis touristique
    Après ce morne week-end hivernal, le soleil fait une brève apparition. Les badauds arpentent la promenade de la corniche. La presqu’île d’Atalayoune, une petite montagne qui avance sur la lagune, domine la scène. Quelques bateaux proposent un tour sur la lagune, il est même possible de louer un pédalo. Personne ne s’y risque pourtant. Face à cet embryon de tourisme local, on se prend à imaginer ce que Nador pourrait devenir dans quelques années, avec le méga-projet “Mar Chica Med”, un plan d’aménagement touristique de 46 milliards de dirhams échelonné jusqu’en 2025. Sept sites sont prévus tout autour de la lagune, y compris sur le cordon dunaire, avec la “Cité des deux mers” et le “Village des pêcheurs”. Le projet nécessite l’aménagement d’un nouveau tunnel pour la communication des eaux lagunaires et maritimes. Une visite sur le chantier permet de constater qu’elle sera ouverte dans l’année. Concernant les aménagements eux-mêmes, seul le site d’Atalayoune a connu le premier coup de pioche. Il est encore difficile de se représenter un golf, trois hôtels, deux marinas et 45 hectares de résidences touristiques. Ce projet qui devrait bouleverser durablement la vie des Nadoris…
    Mais avant de pouvoir attirer des milliers de touristes, Nador devra régler l’un de ses principaux problèmes, celui de l’eau, plus précisément la pollution et le ruissellement incontrôlé. Tous les oueds des monts alentour convergent vers la ville, provoquant des inondations en cas d’averse et charriant une grande quantité de déchets solides. Ces rivières font en effet office de décharge dans la plupart des quartiers périphériques : à la moindre crue, toutes les bouteilles en plastique se retrouvent dans la lagune. Mais il y a pire, dénonce la société civile : voilà des années que les trois petites stations d’épuration de Nador sont au point mort. Résultat, tous les égouts de l’agglomération se déversent dans la lagune…et ça se voit. Plusieurs zones sont impropres à la baignade, et les pêcheurs artisanaux se plaignent d’une baisse de la qualité et de la quantité du poisson depuis les années 1980.
    Les pouvoirs publics promettent des solutions. L’agence du bassin hydraulique annonce un projet imminent de 400 millions de DH pour l’aménagement des oueds, mais rappelle que l’assainissement pluvial est à la charge des communes. Quant à l’Office national de l’eau potable, il a déjà entrepris la construction d’une grande station d’épuration moderne pour toute la région. L’originalité de cette station, située dans une zone agricole, est que l’eau produite sera réutilisée pour le fameux golf d’Atalayoune.
    Ces louables plans pour l’avenir de Nador devraient créer, selon Mar Chica Med, 80 000 emplois en 15 ans. Selon un bureau d’études, il faut plutôt tabler sur 27 000 emplois directs et indirects, le reste “découlant éventuellement du développement de la région”. Mais la population craint de ne pas en profiter. “Nador n’a même pas d’école hôtelière, rappelle Benaissa Bouanani, président de l’Association pour le développement de la société civile. On risque de revivre ce qui s’est passé avec la Sonasid : la plupart des travailleurs sont venus d’autres régions”. Les responsables affirment réfléchir au problème : Mar Chica Med pourrait par exemple participer à la création de filières d’études adaptées. Autrefois simple “zone de transit”, Nador deviendra peut-être le phare du tourisme méditerranéen. Rendez-vous dans vingt ans…

    Ecologie. Mar Chica Med, projet vert ?
    Bien que le respect de l’environnement soit résolument mis en avant par les responsables de la communication de Mar Chica Med, la société civile s’interroge. “Les contours sont encore très flous, c’est seulement très récemment que les responsables ont commencé à consulter les différents acteurs associatifs”, remarque El Hadi El Ouarti, secrétaire général du Forum urbanisme, environnement et développement. Il est vrai que le concept de certains sites, comme le “Village des pêcheurs”, tient seulement en quelques lignes. Or, justement, les pêcheurs s’inquiètent, craignant que le poisson ne soit perturbé par les nouveaux courants ou qu’on ne les prive de leurs embarcadères. “Les pêcheurs seront intégrés au projet”, répond-on à Mar Chica Med. Concernant la dépollution de la lagune, deux bateaux spéciaux, les “pélicans”, ramassent les déchets solides depuis quelques mois. “Du maquillage, assène Benaissa Bouanani, acteur associatif, tant qu’on ne s’attaquera pas à la source des déchets”. Justement, la Fondation Mohammed VI pour l’Environnement, chargée de piloter le projet de dépollution et de créer un observatoire pour la lagune, promet un plan d’élimination des décharges sauvages des oueds, y compris par la sensibilisation de la population. A suivre…


    TELQUEL

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