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Chronique judiciaire d’Oran : La fausse donne d’une cartomancienne.

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  • Chronique judiciaire d’Oran : La fausse donne d’une cartomancienne.

    Le visage de la prévenue exprime l’incrédulité et son regard la concupiscence. Agée de 38 ans, elle a ce petit air gamin qui fait tourner la tête des hommes.

    Une djellaba de bonne qualité marque les rondeurs de sa silhouette et un foulard dissimule à moitié sa chevelure noire opulente, qui lui tombe en cascade sur les épaules. Même en prison, elle prenait bien soin de sa personne et, manifestement, elle est passée maître dans l’art de réparer les outrages du temps. Cette prévenue, qui semble jouir d’un vernis d’une solidité à toute épreuve, a décidé un jour de se reconvertir en cartomancienne. Vraisemblablement, son égo chancelant lui a dicté de monnayer ce pouvoir au maximum, sans faire dans le social. Elle a mis tant d’adresse dans ses arnaques que nul ne la soupçonna pendant plusieurs années.
    Selon les faits relatés à travers la lecture de l’arrêt de renvoi, uniquement durant la période allant du début de l’année 2007 à fin 2008, l’accusée a dépouillé cinq de ses victimes de plus de deux milliards de centimes et presque l’équivalent en euros. L’une d’elle, une mère célibataire, lui a offert un véhicule de tourisme de marque récente, d’une valeur de près de 200 millions et lui a remis une somme de 150 millions de centimes. Un maquignon s’est fait arnaquer de cinq béliers. Un boucher lui a fait un don de sept moutons. Une quinquagénaire lui a signé huit chèques dont les valeurs oscillent entre 30 et 50 millions de centimes. Elle l’a également soulagé d’une importante liasse de billets d’euros. A l’époque, les gens se bousculaient au portillon de sa somptueuse villa, située dans la commune balnéaire de Bouiseville, sur le littoral ouest de la wilaya d’Oran. Il fallait se lever tôt pour prétendre aux bienfaits des supposés pouvoirs divins de cette cartomancienne hors pair. Nourrir d’illusions ses clients était un jeu dont elle se délectait. Ses complices, son époux et son fils, condamnés chacun par contumace à une peine d’une année de prison ferme par le tribunal correctionnel d’Aïn El Turck, trouvaient des difficultés à contenir l’affluence et étaient souvent obligés de repousser des rendez-vous. Grâce à ses fausses donnes, l’inculpée s’est sournoisement hissée à la tête d’une fortune qu’elle a investie dans l’immobilier à Oran, à Remchi près de Tlemcen, sa ville natale, et à Tamanrasset.
    Seules cinq de ses victimes, parmi lesquelles figurent deux femmes, étaient présentes à son procès devant la cour d’appel d’Oran, le 13 mars dernier. Elles ont brisé les tabous et ont reconnu leur crédulité. Une lueur narquoise dans le regard, l’accusée ergote sans ambages avec un accent prononcé de la région de Tlemcen. « Ce sont eux qui ont insisté pour solliciter mes services. Je leur venais en aide et ils m’offraient des cadeaux en contrepartie. Je ne refusais pas leurs offrandes, Monsieur le juge ». « Savez-vous que vous avez transgressé la loi ? », interroge le président d’un ton sec. « Non, pour moi, j’aidais mon prochain à surmonter les aléas de la vie », rétorque-t-elle d’une voix enrouée. Le représentant du ministère public requiert le maintien de la peine initiale prononcée en première instance par le tribunal correctionnel d’Aïn El Turck. Notons qu’à l’issue de son premier procès, l’accusée a été condamnée à trois ans de prison ferme. La défense a plaidé l’acquittement. Au terme des délibérations, la cour d’appel a confirmé la peine requise par l’avocat général.

    Par Rachid Boutlélis. (El Watan).
    Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay
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