Le réseau des syndicats EuroMaghreb a décidé, lors d’une réunion en janvier, au regard de l’évolution de la situation sociale et du témoignage des syndicalistes autonomes, d’organiser une délégation de soutien et d’observation à Alger au mois de mars 2010.
Le but de cette délégation était, outre l’expression d’une solidarité internationale, de collecter le plus de témoignages et d’informations possibles sur l’évolution de la situation sociale et sur l’attitude du pouvoir algérien face aux mouvements syndicaux.
Nous avions notamment été alertés par le refus de visa par le consulat français général d’Annaba au représentant du Snapap, membre du réseau, qui devait participer à cette réunion.
À ce jour, nous n’avons toujours pas reçu de réponses satisfaisantes concernant les raisons de ce refus de la part des autorités consulaires françaises. Le consul général d’Alger, qui a reçu l’un des membres de la délégation, nous a cependant assuré que les autorités françaises n’avaient reçu aucune consigne de « blocage » des visas pour les autonomes algériens.
Des représentants de la CGT espagnole, de la CNT et de l’Union syndicale solidaires ont ainsi pu rencontrer l’ensemble des actrices et acteurs de l’Intersyndicale de la fonction publique autonome, des militants de la défense des droits de l’homme, des journalistes d’El Khabar et d’El Watan ainsi que des employés licenciés pour activités syndicales dans des multinationales présentes au sud du pays, notamment à Hassi-Messaoud.
À noter également, les organisations syndicales présentes sont adhérentes du Comité international de soutien aux syndicats autonomes algériens (CISA).
Le but de ce rapport est de dessiner une image la plus fidèle possible de la situation sociale en Algérie. D’emblée, nos conclusions nous amènent à constater une nette dégradation de celle-ci, liée à la paupérisation croissante de la population et à la répression accrue des mobilisations des principales forces démocratiques, les syndicats autonomes de l’éducation et de la santé principalement.
État des lieux en Algérie une société civile atomisée, la montée des émeutes et de la révolte dans une population paupérisée
Le salaire mensuel moyen algérien correspond à 120 euros environ. Or le coût de la vie à Alger est l’équivalent de celui de Marseille aujourd’hui. Les denrées alimentaires de base deviennent inaccessibles, se loger est très difficile également, en raison du manque de logements suffisants et du prix de ceux encore disponibles. Le salaire mensuel moyen d’un enseignant oscille entre 250 et 350 euros.
Les classes moyennes, si elles peuvent encore être appelées ainsi, ont été très durement touchées par cet effondrement du pouvoir d’achat lié à une inflation galopante. Le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans est de près de 40 % ! Pourtant, l’Algérie a aujourd’hui remboursé sa dette extérieure, le PIB est positif et le pays dispose de près de 150 milliards de dollars de réserves, essentiellement déposés sur des comptes à l’étranger. Les réserves en hydrocarbures (qui assurent 98 % des exportations) sont également importantes.
Comment expliquer cette situation ? Il est évident qu’une partie de ces ressources sont captées depuis des années par une minorité au pouvoir, au sein de laquelle les gradés du DRS (Direction du renseignement et de la sécurité), la police politique omniprésente, sont les premiers à se servir. La prétendue et très médiatisée lutte anticorruption qui est sensée se jouer aujourd’hui en Algérie ne saurait masquer un état de fait : dans le pays, la corruption est « sponsorisée par l’État », à tous les niveaux, comme le remarquait l’un de nos interlocuteurs.
Il n’est donc pas étonnant que des émeutes éclatent de plus en plus fréquemment dans tout le pays, que ce soit à la suite d’une coupure d’électricité ou d’un match de foot perdu, ou encore pour protester contre l’état des routes, le manque de logements, etc. Ces émeutes atteignent aujourd’hui certains quartiers d’Alger.
Lors de nos entretiens, les membres de la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l’homme) ont insisté quant à eux sur l’atomisation de la société civile algérienne, due en partie à des raisons historiques et en partie à la volonté du pouvoir de restreindre les espaces de dialogue et de revendications entre les citoyens.
Pendant la colonisation, le tissu de la société algérienne se composait essentiellement de différentes minorités (ethniques, politiques et religieuses). Ce morcellement s’est reproduit après l’indépendance. Ainsi, selon l’un des membres de la LADDH, l’Algérie est encore aujourd’hui une « société de minorités dans un régime néocolonialiste ».
Une élite dominante a livré le pays, notamment, aux multinationales étrangères en se servant grassement au passage.
Les seuls espaces d’expression et de débat restent les salles des professeurs ou les salles de repos dans les lycées et hôpitaux, par exemple. Il y a encore la solidarité familiale, nécessaire tout simplement à la survie de certains travailleurs dans ce contexte économique, mais plus de solidarité civile.
La grande majorité des associations sont sous contrôle et ne servent que de façade sociale au régime. De même, l’information est contrôlée, la désinformation une règle dans beaucoup de journaux aux ordres. Les deux principaux quotidiens indépendants, qui ont leurs propres infrastructures d’édition, sont El Watan (en français) et El Khabar (en arabe).
Ils témoignent régulièrement de la répression qui frappe les syndicats autonomes. La plus grande difficulté que rencontrent les journalistes, selon le témoignage de ceux d’El Khabar, est la collecte d’informations vérifiables de façon rigoureuse.
Il n’y a pas de fluidité et de transparence dans la circulation des informations dans le pays. Il faut aussi se méfier des rumeurs, des fausses informations destinées à intoxiquer l’opinion publique ou à brouiller une réalité gênante dans les sphères du pouvoir. Faire circuler de fausses informations permet ainsi de discréditer les organes de presse.
Les journalistes évoquent ensuite une importante pression sociale aujourd’hui dans le pays. Après une longue période dominée par une grande léthargie, les revendications se multiplient.
L’embellie financière, comme nous le remarquions, n’a pas été suivie d’une évolution palpable dans le domaine social. Ainsi, l’écart entre la situation sociale et la situation économique réelle s’est accentué. Les droits civiques élémentaires (droit au logement, accès aux soins, niveau de vie…) sont toujours moins garantis et ce malgré les promesses de changement. La société civile ne reconnaît plus ses représentants : partis, centrale syndicale historiquement aux ordres (l’UGTA), syndicats prétendument autonomes qui font un travail de sape systématique en brouillant les repères et les distinctions dans l’espace public, associations vendues…
Sur quoi cela va-t-il aboutir ? Le pouvoir a créé un vide, le système est arrivé à une impasse. Dans un pays en pleine tourmente sociale, les forces de résistance démocratique risquent bien de subir les premières un resserrement par des tentatives de plus en plus violentes de mise au pas.
Grèves et mouvements sociaux initiés par les syndicats autonomes Stratégies du pouvoir et montée en puissance de la répression
La délégation a pu rencontrer durant son séjour les représentant-e-s des syndicats autonomes de l’Intersyndicale de la fonction publique : le SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique, dont le président est Rachid Malaoui), la coordination des sections CNES (Conseil national de l’enseignement supérieur, CNES authentique, à ne pas confondre avec son clone gouvernemental), le SATEF (Syndicat autonome des travailleurs de l’enseignement et de la formation, lui aussi doublé d’un clone), le CLA (Conseil des lycées d’Alger), le Conseil des enseignants contractuels (SNAPAP), le SPEPM (Syndicats des professeurs de l’enseignement paramédical) et le Comité des femmes (SNAPAP).
Nous avons également pu rencontrer le CNAPEST (Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique, à ne pas confondre avec le SNAPEST), alors en pleine grève (voir communiqué du CISA ci-après) ainsi que le SNPSP (Syndicat national des praticiens de la santé publique) et le SNPSSP (Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique), eux aussi en grève lors de notre visite.
Le but de cette délégation était, outre l’expression d’une solidarité internationale, de collecter le plus de témoignages et d’informations possibles sur l’évolution de la situation sociale et sur l’attitude du pouvoir algérien face aux mouvements syndicaux.
Nous avions notamment été alertés par le refus de visa par le consulat français général d’Annaba au représentant du Snapap, membre du réseau, qui devait participer à cette réunion.
À ce jour, nous n’avons toujours pas reçu de réponses satisfaisantes concernant les raisons de ce refus de la part des autorités consulaires françaises. Le consul général d’Alger, qui a reçu l’un des membres de la délégation, nous a cependant assuré que les autorités françaises n’avaient reçu aucune consigne de « blocage » des visas pour les autonomes algériens.
Des représentants de la CGT espagnole, de la CNT et de l’Union syndicale solidaires ont ainsi pu rencontrer l’ensemble des actrices et acteurs de l’Intersyndicale de la fonction publique autonome, des militants de la défense des droits de l’homme, des journalistes d’El Khabar et d’El Watan ainsi que des employés licenciés pour activités syndicales dans des multinationales présentes au sud du pays, notamment à Hassi-Messaoud.
À noter également, les organisations syndicales présentes sont adhérentes du Comité international de soutien aux syndicats autonomes algériens (CISA).
Le but de ce rapport est de dessiner une image la plus fidèle possible de la situation sociale en Algérie. D’emblée, nos conclusions nous amènent à constater une nette dégradation de celle-ci, liée à la paupérisation croissante de la population et à la répression accrue des mobilisations des principales forces démocratiques, les syndicats autonomes de l’éducation et de la santé principalement.
État des lieux en Algérie une société civile atomisée, la montée des émeutes et de la révolte dans une population paupérisée
Le salaire mensuel moyen algérien correspond à 120 euros environ. Or le coût de la vie à Alger est l’équivalent de celui de Marseille aujourd’hui. Les denrées alimentaires de base deviennent inaccessibles, se loger est très difficile également, en raison du manque de logements suffisants et du prix de ceux encore disponibles. Le salaire mensuel moyen d’un enseignant oscille entre 250 et 350 euros.
Les classes moyennes, si elles peuvent encore être appelées ainsi, ont été très durement touchées par cet effondrement du pouvoir d’achat lié à une inflation galopante. Le taux de chômage chez les jeunes de moins de 25 ans est de près de 40 % ! Pourtant, l’Algérie a aujourd’hui remboursé sa dette extérieure, le PIB est positif et le pays dispose de près de 150 milliards de dollars de réserves, essentiellement déposés sur des comptes à l’étranger. Les réserves en hydrocarbures (qui assurent 98 % des exportations) sont également importantes.
Comment expliquer cette situation ? Il est évident qu’une partie de ces ressources sont captées depuis des années par une minorité au pouvoir, au sein de laquelle les gradés du DRS (Direction du renseignement et de la sécurité), la police politique omniprésente, sont les premiers à se servir. La prétendue et très médiatisée lutte anticorruption qui est sensée se jouer aujourd’hui en Algérie ne saurait masquer un état de fait : dans le pays, la corruption est « sponsorisée par l’État », à tous les niveaux, comme le remarquait l’un de nos interlocuteurs.
Il n’est donc pas étonnant que des émeutes éclatent de plus en plus fréquemment dans tout le pays, que ce soit à la suite d’une coupure d’électricité ou d’un match de foot perdu, ou encore pour protester contre l’état des routes, le manque de logements, etc. Ces émeutes atteignent aujourd’hui certains quartiers d’Alger.
Lors de nos entretiens, les membres de la LADDH (Ligue algérienne de défense des droits de l’homme) ont insisté quant à eux sur l’atomisation de la société civile algérienne, due en partie à des raisons historiques et en partie à la volonté du pouvoir de restreindre les espaces de dialogue et de revendications entre les citoyens.
Pendant la colonisation, le tissu de la société algérienne se composait essentiellement de différentes minorités (ethniques, politiques et religieuses). Ce morcellement s’est reproduit après l’indépendance. Ainsi, selon l’un des membres de la LADDH, l’Algérie est encore aujourd’hui une « société de minorités dans un régime néocolonialiste ».
Une élite dominante a livré le pays, notamment, aux multinationales étrangères en se servant grassement au passage.
Les seuls espaces d’expression et de débat restent les salles des professeurs ou les salles de repos dans les lycées et hôpitaux, par exemple. Il y a encore la solidarité familiale, nécessaire tout simplement à la survie de certains travailleurs dans ce contexte économique, mais plus de solidarité civile.
La grande majorité des associations sont sous contrôle et ne servent que de façade sociale au régime. De même, l’information est contrôlée, la désinformation une règle dans beaucoup de journaux aux ordres. Les deux principaux quotidiens indépendants, qui ont leurs propres infrastructures d’édition, sont El Watan (en français) et El Khabar (en arabe).
Ils témoignent régulièrement de la répression qui frappe les syndicats autonomes. La plus grande difficulté que rencontrent les journalistes, selon le témoignage de ceux d’El Khabar, est la collecte d’informations vérifiables de façon rigoureuse.
Il n’y a pas de fluidité et de transparence dans la circulation des informations dans le pays. Il faut aussi se méfier des rumeurs, des fausses informations destinées à intoxiquer l’opinion publique ou à brouiller une réalité gênante dans les sphères du pouvoir. Faire circuler de fausses informations permet ainsi de discréditer les organes de presse.
Les journalistes évoquent ensuite une importante pression sociale aujourd’hui dans le pays. Après une longue période dominée par une grande léthargie, les revendications se multiplient.
L’embellie financière, comme nous le remarquions, n’a pas été suivie d’une évolution palpable dans le domaine social. Ainsi, l’écart entre la situation sociale et la situation économique réelle s’est accentué. Les droits civiques élémentaires (droit au logement, accès aux soins, niveau de vie…) sont toujours moins garantis et ce malgré les promesses de changement. La société civile ne reconnaît plus ses représentants : partis, centrale syndicale historiquement aux ordres (l’UGTA), syndicats prétendument autonomes qui font un travail de sape systématique en brouillant les repères et les distinctions dans l’espace public, associations vendues…
Sur quoi cela va-t-il aboutir ? Le pouvoir a créé un vide, le système est arrivé à une impasse. Dans un pays en pleine tourmente sociale, les forces de résistance démocratique risquent bien de subir les premières un resserrement par des tentatives de plus en plus violentes de mise au pas.
Grèves et mouvements sociaux initiés par les syndicats autonomes Stratégies du pouvoir et montée en puissance de la répression
La délégation a pu rencontrer durant son séjour les représentant-e-s des syndicats autonomes de l’Intersyndicale de la fonction publique : le SNAPAP (Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique, dont le président est Rachid Malaoui), la coordination des sections CNES (Conseil national de l’enseignement supérieur, CNES authentique, à ne pas confondre avec son clone gouvernemental), le SATEF (Syndicat autonome des travailleurs de l’enseignement et de la formation, lui aussi doublé d’un clone), le CLA (Conseil des lycées d’Alger), le Conseil des enseignants contractuels (SNAPAP), le SPEPM (Syndicats des professeurs de l’enseignement paramédical) et le Comité des femmes (SNAPAP).
Nous avons également pu rencontrer le CNAPEST (Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique, à ne pas confondre avec le SNAPEST), alors en pleine grève (voir communiqué du CISA ci-après) ainsi que le SNPSP (Syndicat national des praticiens de la santé publique) et le SNPSSP (Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique), eux aussi en grève lors de notre visite.
Commentaire