M. Ahmed Reda Chami, ministre de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies
Mercredi 7 avril à Casablanca se tenaient les 1ère assises de l’industrie dans le cadre du plan stratégique gouvernemental Emergence qui couvre la période 2009-2013. Cette manifestation a réuni plus de 1000 personnalités, dont le roi Mohammed VI qui a assisté –petit évènement- durant plus d’une heure aux débats et a même –entre autres- décoré Thierry Breton, patron d’Atos Origin groupe qui emploie plus de 800 personnes au Maroc.
A l’occasion de ces assises, L’Usine Nouvelle a interviewé en exclusivité Ahmed Reda Chami, ministre de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies. En poste depuis septembre 2007, ce dynamique quadra est un ardent défenseur de la modernisation de l’économie et l’industrie marocaine. Ingénieur de Centrale Paris et titulaire d’un MBA de l’UCLA aux Etats-Unis, il a, avant d’entrer en politique, exercé de nombreux postes de direction dans le privé, notamment celui de patron de Microsoft Asie du Sud est.
L’Usine Nouvelle : M. le Ministre, ces assises et plus généralement le programme Emergence, c’est un plan deplus ?
Ahmed RedaChami : Non ils’agit de tracer une stratégie industrielle à partir de l'analyse de nos atouts et faiblesses. L'Etat doit avoir cette vision et impulser une politique industrielle en mettant des moyens, réformant la fiscalité ou notre cadre juridique. Nous nous y engageons. Au-delà, il est parfaitement clair pour moi que ce sont les entreprises qui sont à la manœuvre, qu’elles soient marocaines ou étrangères. Je le leur ai clairement dit aujourd’hui, je crois que le message est reçu et la vision partagé.
Quel diagnostic portez-vous sur l’industrie du Maroc dans la globalisation?
Nous avons toute notre place. Je crois fermement à lapotentialité de croissance de notre industrie, notamment sur les 6 métiers mondiaux que nous avons choisi (automobile, aéronautique, agro-alimentaire,textile, électronique et services informatique offshoring). Il faut aussi saisir des opportunités. Ainsi par exemple l’alliance de Daimler avec Renault-Nissan qui construit une usine à Tanger (6 000 emplois directs prévus) ouvre des pistes nouvelles pour le Maroc !
On a le sentiment que toute ffectivement se met à bouger ici, quel a été le déclic ?
Il y a d'abord la vision de Sa Majesté le roi, son souci de moderniser notre pays et de lui donner toute sa place dans la mondialisation.Ce travail mené depuis plus de 10 ans commence à payer. C’est la modernisation de nos infrastructures, le projet portuaire Tanger Med, nos premiers succès dans l'offshoring avec 50 000 emplois, l'aérien, le TGV, l'usine Renault Nissan à Tanger… Il y a un effet cumulatif. Mais il faut une direction, d’où l'idée du plan Emergence qui se traduit par des choix : plus de 500 millions d’euros d’aides diverses à l’industrie, une modernisation de notre arsenal juridique, le lancement à court terme d’un programme de 16 plates formes industrielle intégrées venant soutenir nos 6 métiers mondiaux… Le résultat de tout cela, c’est que le Maroc peut jouer dans une nouvelle ligue!
Lors de ces assises à Casablanca, il n’a guère été question de « green business » pourtant très en vogue en Europe. Pourquoi ?
Détrompez-vous ! Bien sûr que les technologies vertes nous intéressent, mais elles l’objet d’un plan de développement séparé. C’est par exemple le programme « Maroc solaire » qui prévoit 2000 MW solaire d'ici à 2020. Nous sommes en train de choisir la technologie prioritaire soit le photovoltaïque soit le thermodynamique. L’idée ensuite c’est de bâtir une filière intégrée.
Avec quel pays le Maroc fera-t-il des affaires demain ?
Notre plus gros partenaire et investisseur restera l’Europe, la France et l’Espagne au premier chef. Mais nous devons nous tourner aussi vers l'Asie. Par exemple, le plus gros employeur étranger dans l'industrie est un japonais, Sumitomo, qui emploie plus de 12 000 personnes dans 5 usines. Il y a aussi les Etats-Unis avec qui nous avons désormais un accord de libre échange : le Maroc peut être une porte d'entrée pour le marché américain! Je fais ainsi une tournée en mai aux Etats-Unis pour promouvoir notre pays auprèsdes investisseurs et client potentiel. Il y a enfin le monde arabe et notamment les pays du Golfe avec qui nos relations économiques pourraient être plus étroites.
Qu'est ce qui vous manque le plus aujourd'hui?
Le temps! L'industrie n'est pas un domaine où les choses se font en quelques mois. Pour monter une zone industrielle il faut 18 à 24 mois minimum. Pendant ce temps le monde avance ! On pose des jalons, il faut accélérer. C'est vraiment le moment. Y compris pour la France, l’Espagne et nos autres partenaires européens. Je crois que le Maroc peut devenir pour l'Europe ce que le Mexique est pour les Etat Unis. Bref, pour vous Européen, l'industrie marocaine avec sa base de coût raisonnable (mais pas « low cost » au sens péjoratif) est une solution pour mieux affronter l'Asie.
Quid des ressources humaines ?
C'est notre enjeu majeur. Il y a d'abord une réforme structurelle de l'enseignement, la mise en place de filières d'excellence par exemple au niveau ingénieur, la formation continue des enseignants, cela va jusqu'à des plans d'urgence de formation professionnelle ou de réorientation pour répondre aux besoins importants des call-centers par exemple. En fait, nos besoins en terme de formation sont énormes.Dans l'industrie, où nous comptons aujourd'hui 500 000 emplois formels nous prévoyons 220 000 emplois supplémentaires d'ici à fin 2013. Nous pouvons nous tromper à 10 ou 15% près, mais l'important n'est pas là, c'est la dynamique qui compte. Avec tous les syndicats professionnels, nous avons fait des évaluations secteurs par secteur ainsi par exemple dans les métiers liés àautomobile nous aurons besoin de 70 000 salariés formés supplémentaires, dont 7000 ingénieurs
Quel a été effet de la crise financière sur le Royaume?
Nos banques et notre système financier sont solides, ils n'ont absolument pas souffert de la crise. Nos banques n'étaient pas exposées sur les produits à risque. Notre économie tient la route, nous venons de connaître deux années de croissance en pleine crise. La dette est de moins de 55% du PIB , notre déficit budgétaire est de 2,1%, nous avons 7 mois de réserves de changes. Notre principal souci reste celui du déficit extérieur.
Vous ne manquez donc pas de capitaux ?
Non, c’est clair. Nous n'avons aujourd'hui guère de souci pour lever des capitaux que ce soit au Maroc ou à l'étranger. Mais demain il nous en faudra beaucoup plus. Le Maroc est passé en « investment grade » par Standard & Poor's et l'Etat prévoit d'ailleurs bientôt de réaliser une émission obligataire sur les marchés internationaux. En terme de financement,nous sommes soutenus aussi par tous les grands bailleurs de fonds (Banquemondiale, BEI, BAD, AFD…).
Au-delà des capitaux nous avons surtout besoin d'investissements étrangers directs car cela nous amène du savoir faire et des technologies. En matière de technologies nouvelles, nous devons encore beaucoup progresser. Par exemple, il n'est pas question pour le Maroc de pouvoir prétendre construire des moteurs d'avions, mais l'implantation réussie de Safran (ce qu’ont confirmé aujourd’hui les représentants de ce groupe) nous permet d'acquérir des compétences clés en matière aéronautique, notamment autour de la zone Aéropôle de Nouasseur.
Pour l'instant le Maroc est consommateur de technologies mais par effet d'entrainement, celles-ci se diffusent peu à peu dans notre industrie qui monte en gamme. Dans une phase suivante nous pouvons même imaginer que notre pays devienne générateur de R&D. Aujourd'hui, nous sommes à 0,8% du PIB pourquoi pas le double à 10, 15 ou 20 ans ?
Propos recueillis par Pierre-Olivier Rouaud (envoyé spécial à Casablanca)
Mercredi 7 avril à Casablanca se tenaient les 1ère assises de l’industrie dans le cadre du plan stratégique gouvernemental Emergence qui couvre la période 2009-2013. Cette manifestation a réuni plus de 1000 personnalités, dont le roi Mohammed VI qui a assisté –petit évènement- durant plus d’une heure aux débats et a même –entre autres- décoré Thierry Breton, patron d’Atos Origin groupe qui emploie plus de 800 personnes au Maroc.
A l’occasion de ces assises, L’Usine Nouvelle a interviewé en exclusivité Ahmed Reda Chami, ministre de l’Industrie, du commerce et des nouvelles technologies. En poste depuis septembre 2007, ce dynamique quadra est un ardent défenseur de la modernisation de l’économie et l’industrie marocaine. Ingénieur de Centrale Paris et titulaire d’un MBA de l’UCLA aux Etats-Unis, il a, avant d’entrer en politique, exercé de nombreux postes de direction dans le privé, notamment celui de patron de Microsoft Asie du Sud est.
L’Usine Nouvelle : M. le Ministre, ces assises et plus généralement le programme Emergence, c’est un plan deplus ?
Ahmed RedaChami : Non ils’agit de tracer une stratégie industrielle à partir de l'analyse de nos atouts et faiblesses. L'Etat doit avoir cette vision et impulser une politique industrielle en mettant des moyens, réformant la fiscalité ou notre cadre juridique. Nous nous y engageons. Au-delà, il est parfaitement clair pour moi que ce sont les entreprises qui sont à la manœuvre, qu’elles soient marocaines ou étrangères. Je le leur ai clairement dit aujourd’hui, je crois que le message est reçu et la vision partagé.
Quel diagnostic portez-vous sur l’industrie du Maroc dans la globalisation?
Nous avons toute notre place. Je crois fermement à lapotentialité de croissance de notre industrie, notamment sur les 6 métiers mondiaux que nous avons choisi (automobile, aéronautique, agro-alimentaire,textile, électronique et services informatique offshoring). Il faut aussi saisir des opportunités. Ainsi par exemple l’alliance de Daimler avec Renault-Nissan qui construit une usine à Tanger (6 000 emplois directs prévus) ouvre des pistes nouvelles pour le Maroc !
On a le sentiment que toute ffectivement se met à bouger ici, quel a été le déclic ?
Il y a d'abord la vision de Sa Majesté le roi, son souci de moderniser notre pays et de lui donner toute sa place dans la mondialisation.Ce travail mené depuis plus de 10 ans commence à payer. C’est la modernisation de nos infrastructures, le projet portuaire Tanger Med, nos premiers succès dans l'offshoring avec 50 000 emplois, l'aérien, le TGV, l'usine Renault Nissan à Tanger… Il y a un effet cumulatif. Mais il faut une direction, d’où l'idée du plan Emergence qui se traduit par des choix : plus de 500 millions d’euros d’aides diverses à l’industrie, une modernisation de notre arsenal juridique, le lancement à court terme d’un programme de 16 plates formes industrielle intégrées venant soutenir nos 6 métiers mondiaux… Le résultat de tout cela, c’est que le Maroc peut jouer dans une nouvelle ligue!
Lors de ces assises à Casablanca, il n’a guère été question de « green business » pourtant très en vogue en Europe. Pourquoi ?
Détrompez-vous ! Bien sûr que les technologies vertes nous intéressent, mais elles l’objet d’un plan de développement séparé. C’est par exemple le programme « Maroc solaire » qui prévoit 2000 MW solaire d'ici à 2020. Nous sommes en train de choisir la technologie prioritaire soit le photovoltaïque soit le thermodynamique. L’idée ensuite c’est de bâtir une filière intégrée.
Avec quel pays le Maroc fera-t-il des affaires demain ?
Notre plus gros partenaire et investisseur restera l’Europe, la France et l’Espagne au premier chef. Mais nous devons nous tourner aussi vers l'Asie. Par exemple, le plus gros employeur étranger dans l'industrie est un japonais, Sumitomo, qui emploie plus de 12 000 personnes dans 5 usines. Il y a aussi les Etats-Unis avec qui nous avons désormais un accord de libre échange : le Maroc peut être une porte d'entrée pour le marché américain! Je fais ainsi une tournée en mai aux Etats-Unis pour promouvoir notre pays auprèsdes investisseurs et client potentiel. Il y a enfin le monde arabe et notamment les pays du Golfe avec qui nos relations économiques pourraient être plus étroites.
Qu'est ce qui vous manque le plus aujourd'hui?
Le temps! L'industrie n'est pas un domaine où les choses se font en quelques mois. Pour monter une zone industrielle il faut 18 à 24 mois minimum. Pendant ce temps le monde avance ! On pose des jalons, il faut accélérer. C'est vraiment le moment. Y compris pour la France, l’Espagne et nos autres partenaires européens. Je crois que le Maroc peut devenir pour l'Europe ce que le Mexique est pour les Etat Unis. Bref, pour vous Européen, l'industrie marocaine avec sa base de coût raisonnable (mais pas « low cost » au sens péjoratif) est une solution pour mieux affronter l'Asie.
Quid des ressources humaines ?
C'est notre enjeu majeur. Il y a d'abord une réforme structurelle de l'enseignement, la mise en place de filières d'excellence par exemple au niveau ingénieur, la formation continue des enseignants, cela va jusqu'à des plans d'urgence de formation professionnelle ou de réorientation pour répondre aux besoins importants des call-centers par exemple. En fait, nos besoins en terme de formation sont énormes.Dans l'industrie, où nous comptons aujourd'hui 500 000 emplois formels nous prévoyons 220 000 emplois supplémentaires d'ici à fin 2013. Nous pouvons nous tromper à 10 ou 15% près, mais l'important n'est pas là, c'est la dynamique qui compte. Avec tous les syndicats professionnels, nous avons fait des évaluations secteurs par secteur ainsi par exemple dans les métiers liés àautomobile nous aurons besoin de 70 000 salariés formés supplémentaires, dont 7000 ingénieurs
Quel a été effet de la crise financière sur le Royaume?
Nos banques et notre système financier sont solides, ils n'ont absolument pas souffert de la crise. Nos banques n'étaient pas exposées sur les produits à risque. Notre économie tient la route, nous venons de connaître deux années de croissance en pleine crise. La dette est de moins de 55% du PIB , notre déficit budgétaire est de 2,1%, nous avons 7 mois de réserves de changes. Notre principal souci reste celui du déficit extérieur.
Vous ne manquez donc pas de capitaux ?
Non, c’est clair. Nous n'avons aujourd'hui guère de souci pour lever des capitaux que ce soit au Maroc ou à l'étranger. Mais demain il nous en faudra beaucoup plus. Le Maroc est passé en « investment grade » par Standard & Poor's et l'Etat prévoit d'ailleurs bientôt de réaliser une émission obligataire sur les marchés internationaux. En terme de financement,nous sommes soutenus aussi par tous les grands bailleurs de fonds (Banquemondiale, BEI, BAD, AFD…).
Au-delà des capitaux nous avons surtout besoin d'investissements étrangers directs car cela nous amène du savoir faire et des technologies. En matière de technologies nouvelles, nous devons encore beaucoup progresser. Par exemple, il n'est pas question pour le Maroc de pouvoir prétendre construire des moteurs d'avions, mais l'implantation réussie de Safran (ce qu’ont confirmé aujourd’hui les représentants de ce groupe) nous permet d'acquérir des compétences clés en matière aéronautique, notamment autour de la zone Aéropôle de Nouasseur.
Pour l'instant le Maroc est consommateur de technologies mais par effet d'entrainement, celles-ci se diffusent peu à peu dans notre industrie qui monte en gamme. Dans une phase suivante nous pouvons même imaginer que notre pays devienne générateur de R&D. Aujourd'hui, nous sommes à 0,8% du PIB pourquoi pas le double à 10, 15 ou 20 ans ?
Propos recueillis par Pierre-Olivier Rouaud (envoyé spécial à Casablanca)
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