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Timechret N'Ath- Yevrahim

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  • Timechret N'Ath- Yevrahim

    A l’instar des autres villages de Kabylie, celui des Ath-Yevrahim, dans la commune de M’chedallah, a renoué ce week-end avec une tradition bien ancrée chez les Kabyles : Timechret.

    Pour le village des Ath-Yevrahim, Timechret revêt un cachet assez particulier. Au contraire des autres villages en Kabylie qui l’organisent pendant les fêtes de l’Achoura, à Ath- Yevrahim, elle a un autre objectif tout aussi noble.En plus de permettre aux enfants du village de manger de la viande à satiété en ce jour faste où le riche est généreux, cette fête, organisée par les sages du village, qui constituent la Tajmaât, cette organisation ancestrale qui a défié les siècles, constitue l’occasion de rencontres et de rassemblement de tous les enfants du village.

    Timechret pour la fraternité

    Ce week-end, ils étaient des milliers à venir avec leur progéniture assister à cette fête. Ils étaient des centaines à venir des wilayas les plus lointaines, notamment Oran, Annaba, Constantine, pour assister et marquer leur présence plus qu'indispensable en pareille occasion.

    Ils étaient tous là, les natifs du village, depuis le député Ali Brahimi, en passant par le docteur d’Etat Khaled Hamoudi, enseignant à l’Université de Boumerdès, et Boukrif Moussa, docteur d’Etat et enseignant à l’Université de Béjaïa, Mustapha Moussi, qui est venu spécialement de Paris avec sa légendaire caméra de BRTV, pour ne citer que ceux-là, jusqu’au plus humble citoyen du village, à se rassembler et causer pendant toute la journée sous l’ère de tbel d’une troupe du village et le barrah avec son hautparleur qui, depuis les premières heures de la matinée, ne cessait avec un groupe de hadjis et d’imams à louer les donateurs qui affluaient devant le Agraw (espace où est posée une natte sur laquelle on pose les billets d'argent) pour ramasser les dons. Pendant ce temps, des dizaines d’autres jeunes du village s’affairaient à immoler d’autres bêtes alors que la veille et l’avant-veille déjà, 34 veaux ont été déjà sacrifiés, découpés en morceaux et soigneusement mis dans une chambre froide appartenant à El-Hadj Hamadache Aoudia, cet autre sage du village qui fait partie du comité d’organisation, en attendant leur distribution prévue pour le lendemain. Un samedi mémorable où des personnes qui n’ont pas mis les pieds dans le village depuis 1962 se sont déplacées pour la circonstance. Une occasion qui comme l’affirme le président de Tajmaât, Omar Hamichi, qui ne se présente pas tous les jours.

    En effet, selon les M’chedalli, Timechret des Ath- Yevrahim n’est pas organisée annuellement mais une fois tous les 10 voire 15 ans ; la dernière remonte à 1993 et celle d'avant à 1982. C’est pour cela qu'à chaque fois que les Ath-Yevrahim organisent Timechret, elle devient un événement majeur dans toute la vallée. Pour preuve, ce samedi matin, quiconque s’est rendu à M’chedallah a trouvé une ville morte tant la majorité des commerces étaient fermés, car appartenant aux enfants du village des Ath-Yevrahim qui étaient accaparés par l’événement, organisé au niveau de la placette face à l’école et à la mosquée de Thamourth-Ouzemmour, où se sont rassemblées des milliers de personnes.

    37 veaux immolés

    Il y a quelques jours, Tajmaât du village s’est réunie et a décidé d’organiser Timechret afin de rassembler les enfants du village éparpillés à travers le pays et même à l’étranger. Pour ce faire, les représentants des adroum (groupe de familles ayant un même ancêtre) ont été conviés à informer les membres de leurs familles où qu’ils soient pour être présents le jour J, arrêté au 10 avril. Entre-temps, et puisque Timechret se fait grâce aux dons des villageois, Tajmaât entame ses contacts avec les riches du village.

    En l’espace de quelques jours, nous dira El-Hadj Ahcène Ahmanache, un sage du village, 15 veaux ont été acquis. Ce qui était plus que prometteur et à partir de là, la machine s’est mise en marche et chaque jour, d’autres personnes généreuses faisaient des dons qui de veau qui d’argent. C’est ainsi que 37 veaux ont été immolés.

    Le mercredi, une première partie des 15 veaux a été immolée, la viande découpée et mise dans les chambres froides, puis le lendemain, une deuxième partie des 17 veaux a été sacrifiée, alors que 4 veaux ont été laissés pour être immolés sur place le samedi. Par ailleurs et pendant qu'une commission se chargeait de cette opération d’abattage confiée aux deux bouchers du village, Ladj Hamid et Mechnène Ahmed, d’autres réunions ayant trait à la préparation du couscous pour les invités ainsi que l’organisation de l’évènement le jour J se poursuivaient avec l’ultime rencontre qui a eu lieu le vendredi tard dans la soirée et à laquelle nous avons assisté. Là, ce fut les dernières retouches et le président de la séance a énuméré devant des dizaines de présents, les noms des adroum, le nombre des habitants du village Ath-Yevrahim (9 500 âmes) puis les familles étrangères vivant parmi les Ath-Yevrahim et qui s’élèvent à 1 500 personnes. En outre, parmi les 9 500 autochtones du village, 1 079 personnes vivent à l’étranger dans différents pays.

    A ce titre, puisque la communauté la plus importante est celle qui vit en France, son représentant, Abdallah Méziani, était présent à la réunion. Il avait débarqué la veille avec l’argent collecté parmi cette communauté (près de 600 000 DA) ; une somme qu’il devait remettre en public le lendemain devant les imams pour recevoir les bénédictions pour tous les donateurs. En outre, dernier détail, la communauté établie à l’étranger a envoyé un message invitant leurs compatriotes à partager leur part de viande.

    De la viande pour tous les villageois et pour tous les pauvres de l’arch

    Ainsi, après ces déclarations, il a été décidé de partager la viande aux 8 414 autochtones ainsi qu’aux 1 500 étrangers, ce qui a fait au total quelque 10 000 personnes. Et puisque dans la tradition, la viande est fractionnée en des lots pour 10 personnes, appelés tuna, il y aurait donc 10 000 lots à constituer le lendemain.

    A cela, il fallait ajouter une centaine de lots à remettre aux invités d’honneur. Ainsi, au total, il fut décidé lors de cette réunion de constituer le lendemain 1 120 tuna ou lots, et chaque lot pesait entre 8 et 10 kg. Pour la distribution du lendemain, chaque chef d’adroum, regroupant plusieurs familles, unies par le sang ou par alliance, rassemble les siens et fait l'appel par chef de famille. Si la famille compte 10 membres, celui-ci aura droit directement à un lot de viande représentant 10 personnes ; mais si la famille compte par exemple 14 personnes, celui-ci aura droit à un lot, et le chef de l’adroum prend un autre lot, le divise en deux, puis une partie la divise en cinq parties. Une fois ce partage effectué, il prend quatre portions de la deuxième partie et les remet au chef de famille qui possède 14 membres, et ainsi de suite.

    Si le chef de famille possède 7 personnes ; il prend la deuxième partie du lot précédent qui a été divisé et qui compte cinq personnes, puis lui remet l’autre portion qui provient du précédent lot, ce qui fait six portions. Ensuite, il prend un autre lot, le divise de la même manière que le précédent afin de lui remettre une autre portion pour atteindre 7 personnes et ainsi de suite. La même opération est effectuée par tous les chefs des adroum ; chacun s’occupe de son groupe de familles et personne n’est oublié ni lésé. Cela dit, avant de passer à cette opération qui se fait vers la fin, à midi, des invités comme les chefs du arch des Imcheddalen, le chef de daïra, le P/APC ainsi que tous les membres de l’APC, les directeurs d’exécutif, ont eu droit, après un couscous aux fèves et au petit-lait, des crêpes préparées dans la cantine de l’école par les femmes du village ou chez elles, chacun a sa part de viande. La même opération a eu lieu à la fin en faveur des pauvres du arch des Imcheddalen ; des gens étaient invités à donner la liste de tous les pauvres du arch afin qu’il leur soit envoyé leurs parts de viande.

    A la fin, le président de la Tajmaât a déclaré publiquement la somme de 180 millions centimes collectées pendant la journée ; une somme qui sera versée dans la caisse du village et dont l’utilisation, d’utilité publique, sera décidée au cours d’une réunion qui aura lieu la semaine prochaine.

    Ainsi, l’espace d’une journée, Timechret, cette tradition séculaire, a réussi à rassembler des gens et laisser des souvenirs indélébiles chez les milliers de présents. Son objectif est de purifier les cœurs des gens et de semer les germes de la fraternité et de l’amour. De l’avis de tous les présents, cette Timechret aura atteint largement son objectif.

    Par Le Soir
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