Annonce

Réduire
Aucune annonce.

NOTRE CHEMISE RAPEE de Samih Al-Qassim

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • NOTRE CHEMISE RAPEE de Samih Al-Qassim

    SAMIH AL-QASSIM
    né en 1939
    Ce Palestinien d'origine druze étudia en Galilée, fit carrière dans l'enseignement et s'engagea de bonne heure dans la lutte politique.
    Parmi les recueils qui l'ont révélé: Dammi`ala kaffi (Mon sang sur ma paurne, 1967)
    et Rhlat a'-saràdîb al-mûhichat (Voyage au fond des caveaux déserts, 1969).
    Ses images familières ne sont jamais convenues : en elles parlent les voix jumelles de la solidarité et de la sincérité.

    NOTRE CHEMISE RAPEE de Samih Al-Qassim

    Son absence sera longue,
    livrée au froid dont la morsure, là-bas, en Oécident,
    est de celles que nul ne supporte.
    O toi, la mère, rassemble donc toutes les couvertures de selle
    que tu pourras trouver
    et fais-lui tes adieux, ce gage déposé
    entre des bras amis :
    offre-lui, oui, ce châle par tes mains tissé
    le soir, entre l'attente du retour
    du cher petit et le conseil murrnuré
    par le chaudron sur le foyer.
    Oui, son absence sera longue, et la morsure du froid,
    là-bas, est de celles que nul ne supporte...
    O toi' la mère, ne sais-tu pas qu'il est pour lui
    temps de partir?
    Garde-toi d'oublier de joindre à son bagage
    ses bas de grosse laine,
    toute à la fièvre de l'étreinte...
    Allons, sois forte, le cher petit, tu le sais bien,
    ne supporte plus les plaintes.
    C'est ainsi. Depuis la mort du père, les plaintes
    il ne les supporte plus.
    L'entrée du port est cette issue
    de la maison qui donne sur la rue:
    les mouchoirs agités à l'instant de l'adieu
    ne dépasseront pas le seuil.
    Et toi, la mère, tu chercheras refuge ensuite
    dans quelque coin de la maison
    et tu verseras tes larmes
    de ces larmes qui brûlent.
    Mais ta n'iras pas au port car ce n'est point là que guérit la
    peine attachée à la séparation.
    Nombreux seront là les voisins, les amis,
    tous ceux qu'il aime... Laisse-le,
    ô toi, la mère, et sache que bientôt, juste à l'heure
    de sa dernière foulée sur cette terre aveugle,
    le flux de son haleine sera tout entier aspiré
    par les deux poumons de son frère.
    Oui, de l'un à l'autre le souffle passera
    avec cette force que tu sais, que tu espères
    oui, cette haleine viendra s`insinuer
    au creux des poumons de son frère...
    ***
    Depuis qu'il a dit " Je vais partir ",
    tu n'as trouvé de saveur à aucun aliment,
    anéantie par la tristesse.
    Tu as pleuré au long des nuits,
    pleuré en silence,
    les yeux grands ouverts sur la fosse
    des ténèbres.
    O comme ton fier visage a cédé à présent
    à la lente approche des rides !
    Chaque heure depuis lors te fut
    comme une année,
    et ton corps fatigué en accuse la trace.
    Les ruisseaux de ton coeur, aucune eau vive
    ne les vient plus irriguer
    et tes lèvres se sont desséchées.
    " O Seigneur mien, pour qui l'ai-je donc élevé
    au long de ces vingt ans?
    Entends-tu, ô Seigneur mien : pour qui,
    au long de ces vingt ans? "
    Tu n'as jamais compris au nom de quoi Il assène
    de tels coups sur nos pauvres murs.
    Tu n'as jamais compris au nom de quoi encore
    Il jette ces noires clameurs...
    O mère, tu le sais, ce serait pour nous un suicide
    que de rester sur cette terre !
    Les vers rongeurs se sont emparés
    de mes livres, et la mort
    toujours plane à l'horizon
    de mon coeur.
    Mère! j'ai passé le plus clair de mon temps
    à moudre de l'eau au fond des cafés,
    a essuyer les tables de tous les lieux voués
    au plaisir des autres.
    J'ai été chassé de toutes les portes
    l'une après l'autre;
    et mes semelles et mes haillons
    sont partis en lambeaux.
    On m'a injurié, on m'a crié partout que j'étais inutile.
    On a fait guerre à mon honneur
    et j'ai bu jusqu'à la noire ivresse, soutenu
    par les épaules de mes compagnons,
    et j'ai pleuré dans ma triste fange,
    et j'ai pleuré sur mu honte.
    Et au bureau d'embauche on n'avait que ces mots:
    Attendre... attendre.. attendre...
    Ah, le regard de ce fumeur de cigare écorchant
    mon nom du haut de son mépris!...
    Mère, je vais partir : tourner en rond me fend la tête.
    Oui, je vais partir!
    Que la phtisie, que le déluge s'installent ici
    et avec eux l'incendie!
    Mais cela, non, je ne puis plus
    le supporter davantage!
    L' Emigré a chargé sur son dos ce qu'il a pu prendre
    et il est parti.
    Gloire à Celui qui nous accorde d'avoir des enfants
    et qui les rappelle à Lui!
    Tu as pleuré au long des nuits,
    pleuré en silence,
    les yeux grands ouverts sur la fosse
    des ténèbres.
    Tu ne comprenais pas... et ton petit non plus
    ne savait pas
    que sa chemise râpée, tant qu'elle battrait au vent
    de la peine et de la détresse,
    avec elle battrait aussi le drapeau du retour.
    Alors explique à son frère qu'il n'est pas pire souillure
    que d'en être réduit à vendre la terre humide
    où gît son père.
    Mais dis-lui aussi que la force qui pousse la vie
    à sortir de la graine semée
    est plus dure que le roc; dis-lui que nos racines
    plongent loin dans le sein de cette terre...
    et que notre chemise râpée, tant qu'elle battra au vent
    de la peine et de la dérresse,
    avec elle battra aussi le drapeau du retour,
    avec elle battra aussi le drapeau du retour ....
    Contrairement a la douleur, le bonheur ne s'écrit, pas il se vit... Moi je ne sais qu'écrire
Chargement...
X