Parlons de ce qui bouge chez nous en Algérie. Quel est le vrai problème ? Celui de savoir s’il faut que les femmes se fassent photographier sans le voile et les hommes sans la barbe pour obtenir le passeport et la carte biométriques ?
Ou celui de citer dans le formulaire que le demandeur doit remplir les noms, prénoms, numéros de téléphone et adresses e-mail de trois camarades de classe, de trois autres dans le cadre du service national, de un ou plusieurs collègues de travail avec leurs adresses et leurs e-mails ?
Et ces questions concernant le cursus professionnel du demandeur de passeport comme s’il postulait à un emploi de haute sécurité ? La polémique sur le port du voile et de la barbe, contraignant les pouvoirs publics à faire marche arrière, se poursuit sur les chaînes satellitaires.
Or, le moins qu’on puisse dire est que cette polémique masque le grave problème que soulève cette procédure inédite de renseignements à fournir pour obtenir les documents biométriques. En effet, cette dernière – à mes yeux plus que préoccupante - n’a soulevé aucune protestation.
Les partis politiques sont restés muets. Seule la LDDH s’en est inquiétée. L’ONG fondée par Me Ali Yahia Abdenour déclare qu’elle «ne comprend pas les motivations de l’administration qui paie une société privée étrangère pour gérer le fichier national», la société française Obrethur, ce qui, selon la LDDH, porte «gravement atteinte à la souveraineté nationale».
En effet, qui peut garantir que les renseignements traités par cette société française ne vont pas servir à confectionner ou compléter les fichiers de la DGSE et de la DST françaises et autres organismes de sécurité français et occidentaux? Qui plus est, ajoute la LDDH, «la procédure de fichage des Algériens par le ministère de l’Intérieur n’est pas acceptable car elle porte atteinte à la vie privée, droit fondamental de chacun ».
Et là également, de quel droit un quelconque demandeur est-il autorisé à mettre le nom d’un collègue d’université ou de travail sur le formulaire, en y ajoutant son numéro de téléphone et son adresse e-mail? Et si ce dernier refuse?
Faudra-t-il le faire à son insu, comme un mouchard ?
Et s’agissant des Algériens ayant fait leurs études ou ayant travaillé et vécu en France ou ailleurs en Europe, ce sera difficilement réalisable Il est difficilement imaginable qu’un collègue européen d’un demandeur algérien accepte que son nom, son adresse, son téléphone et son adresse e-mail figurent sur un fichier algérien alors qu’en Europe, ce type de renseignement est formellement interdit car portant atteinte aux libertés et à la vie privée des individus.
Plus fondamentalement, la question est de savoir si les renseignements demandés ne sont pas contraires aux dispositions constitutionnelles garantissant les droits et les libertés individuels.
Car, encore une fois, qui garantit que les informations demandées ne vont pas être instrumentalisées à des fins politico-policières incompatibles avec les impératifs de démocratie et de liberté dont se réclame le pouvoir politique ? D’autant qu’il n’existe pas encore d’institution de recours, indépendante du pouvoir politique, qui soit une instance respectée non seulement au sein de l'État, mais aussi par l'opinion publique, une instance comparable à la Cour suprême américaine ou britannique, voire le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnels français, et qui constituerait un garde-fou aux dérives et autres abus du pouvoir politique.
Car dans le cas du passeport et de la carte d’identité biométriques, rien n’interdit de penser que les Algériens font face à une situation relevant d’une procédure de normalisation et de banalisation de l’autoritarisme étatique contraire aux besoins de conciliation des impératifs sécuritaires et du respect des libertés individuelles des citoyens.
Et ce n’est pas en se taisant, en faisant la politique de l’autruche – c’est le cas de tous les partis politiques sans exception – voire en feignant de sous-estimer la gravité de ce problème, que l’Algérie avancera vers le progrès et la modernité.
Par Hassane Zerrouky, Le Soir
Ou celui de citer dans le formulaire que le demandeur doit remplir les noms, prénoms, numéros de téléphone et adresses e-mail de trois camarades de classe, de trois autres dans le cadre du service national, de un ou plusieurs collègues de travail avec leurs adresses et leurs e-mails ?
Et ces questions concernant le cursus professionnel du demandeur de passeport comme s’il postulait à un emploi de haute sécurité ? La polémique sur le port du voile et de la barbe, contraignant les pouvoirs publics à faire marche arrière, se poursuit sur les chaînes satellitaires.
Or, le moins qu’on puisse dire est que cette polémique masque le grave problème que soulève cette procédure inédite de renseignements à fournir pour obtenir les documents biométriques. En effet, cette dernière – à mes yeux plus que préoccupante - n’a soulevé aucune protestation.
Les partis politiques sont restés muets. Seule la LDDH s’en est inquiétée. L’ONG fondée par Me Ali Yahia Abdenour déclare qu’elle «ne comprend pas les motivations de l’administration qui paie une société privée étrangère pour gérer le fichier national», la société française Obrethur, ce qui, selon la LDDH, porte «gravement atteinte à la souveraineté nationale».
En effet, qui peut garantir que les renseignements traités par cette société française ne vont pas servir à confectionner ou compléter les fichiers de la DGSE et de la DST françaises et autres organismes de sécurité français et occidentaux? Qui plus est, ajoute la LDDH, «la procédure de fichage des Algériens par le ministère de l’Intérieur n’est pas acceptable car elle porte atteinte à la vie privée, droit fondamental de chacun ».
Et là également, de quel droit un quelconque demandeur est-il autorisé à mettre le nom d’un collègue d’université ou de travail sur le formulaire, en y ajoutant son numéro de téléphone et son adresse e-mail? Et si ce dernier refuse?
Faudra-t-il le faire à son insu, comme un mouchard ?
Et s’agissant des Algériens ayant fait leurs études ou ayant travaillé et vécu en France ou ailleurs en Europe, ce sera difficilement réalisable Il est difficilement imaginable qu’un collègue européen d’un demandeur algérien accepte que son nom, son adresse, son téléphone et son adresse e-mail figurent sur un fichier algérien alors qu’en Europe, ce type de renseignement est formellement interdit car portant atteinte aux libertés et à la vie privée des individus.
Plus fondamentalement, la question est de savoir si les renseignements demandés ne sont pas contraires aux dispositions constitutionnelles garantissant les droits et les libertés individuels.
Car, encore une fois, qui garantit que les informations demandées ne vont pas être instrumentalisées à des fins politico-policières incompatibles avec les impératifs de démocratie et de liberté dont se réclame le pouvoir politique ? D’autant qu’il n’existe pas encore d’institution de recours, indépendante du pouvoir politique, qui soit une instance respectée non seulement au sein de l'État, mais aussi par l'opinion publique, une instance comparable à la Cour suprême américaine ou britannique, voire le Conseil d’Etat ou le Conseil constitutionnels français, et qui constituerait un garde-fou aux dérives et autres abus du pouvoir politique.
Car dans le cas du passeport et de la carte d’identité biométriques, rien n’interdit de penser que les Algériens font face à une situation relevant d’une procédure de normalisation et de banalisation de l’autoritarisme étatique contraire aux besoins de conciliation des impératifs sécuritaires et du respect des libertés individuelles des citoyens.
Et ce n’est pas en se taisant, en faisant la politique de l’autruche – c’est le cas de tous les partis politiques sans exception – voire en feignant de sous-estimer la gravité de ce problème, que l’Algérie avancera vers le progrès et la modernité.
Par Hassane Zerrouky, Le Soir
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