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Maroc Prosélytisme: Plainte contre une école américaine

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    Prosélytisme: Plainte contre une école américaine · Un parent d’élève de 12 ans l'accuse d’évangélisme

    · La dimension politique de l’affaire risque de peser


    · Les écueils juridiques de l’article 220 du code pénal


    Une plainte a été déposée, lundi 12 avril au tribunal de première instance de Casablanca, par Me Mustapha Ramid. Dans sa requête, l’avocat fait état d’un «cas de prosélytisme». Son client, un parent d’élève à la George Washington Academy (GWA), aurait découvert que «son fils âgé de 12 ans se considère comme chrétien».
    L’enfant est inscrit dans cette école depuis l'âge de six ans.
    L’histoire commence lorsque le père constate que son fils souffre de troubles psychiques. Il l'adresse donc chez un médecin pour consultation. Stupeur! Le père découvrira que «son fils a fait l’objet pendant des années de manière méthodique d’une évangélisation et qu’il renie sa foi musulmane tout en adoptant totalement la religion chrétienne».
    C’est du moins la version relatée par la plainte. Son rédacteur va plus loin lorsqu’il accuse nommément les cadres de George Washington Academy d’être à l’origine de ce délit. Plus encore, cet institut, créé il y a 12 ans, ne cache en réalité qu’une «armée d’évangélisateurs qu’il s’agit des fondateurs ou de la majorité des cadres pédagogiques, administratifs…», avance la plainte. Même les employés marocains «reconvertis au christianisme» n’échappent pas aux accusations. L’Economiste a contacté l’école américaine pour avoir la version de son directeur, Eric Cran. Aucune suite n’a été donnée à notre sollicitation.
    Il est judicieux de souligner que cette institution à but non lucratif est reconnue par les gouvernements américain et marocain. On en déduit a priori que son programme pédagogique -américain bien entendu- a été au préalable validé par les deux parties.
    Cette reconnaissance légale et diplomatique confère donc une dimension politique à cette affaire. Ce n’est pas la première fois, puisqu’en mars 2010 des ressortissants américains installés à Aïn Louh (région d’Azrou et Ifrane) ont été présentés comme «missionnaires». Suite à quoi, des membres de l’association Village of Hope ont été refoulés. Me Ramid, également parlementaire du PJD, évoque indirectement cet événement. Il cite, entre autres, Deborah Mac Arthur et la présente à la fois comme présidente de la GWA (ce qui est effectivement le cas), responsable de ce foyer d’orphelins installé au Moyen Atlas et membre de National Christian Fundation.
    Certes, la justice est souveraine, mais cette nouvelle affaire risque de virer à l’incident diplomatique.
    Samuel Kaplan, l’ambassadeur US au Maroc, n’a-t-il pas déclaré d’ailleurs, le 18 mars à Casablanca, lors d’une conférence sur la politique américaine, qu’il «regrette que cette affaire (Aïn Louh) n’ait pas été portée devant le tribunal pour qu’il y ait un débat public». Et si culpabilité il y a, donner le temps à «nos compatriotes de quitter dignement le territoire marocain».
    Sur le plan juridique, le débat sur les infractions relatives à l’exercice de culte va refaire surface. Le plaignant fait valoir l’article 220 du code pénal: «Quiconque, par des violences ou des menaces, a contraint ou empêché une ou plusieurs personnes d’exercer un culte, ou d’assister à l’exercice de ce culte, est puni d’un emprisonnement de six mois à trois ans et d’une amende de 100 à 500 DH».
    Dans cette affaire, l’enjeu sera de démontrer s’il y a eu «emploi des moyens de séduction dans le but d’ébranler la foi musulmane ou de convertir à une autre religion…». Selon le même article, ces moyens peuvent se révéler via l’exploitation de faiblesse (immaturité…) ou des besoins (financiers…), l’utilisation d’établissements d’enseignement, de santé, des asiles ou des orphelinats.
    A qui incombe d’apporter la preuve? Au plaignant qui doit donner un contenu matériel à cette séduction comme un don par exemple.
    La George Washington Academy n’est certainement pas une école de pauvres et encore moins un foyer pour orphelins. L’établissement compte 710 élèves dont près de 60% sont des Marocains. Le reste est réparti à parts égales entre Américains et 28 autres nationalités. Le site officiel de l’école fait valoir que «les besoins des élèves sont une priorité, où les valeurs traditionnelles marocaines et américaines sont respectées et dont la coexistence est encouragée». Le dossier de candidature que L’Economiste a épluché ne contient aucune référence à la religion, la foi... En revanche, des données privées (adresse, nationalité…) ou en rapport avec la scolarité (écoles fréquentées par l’élève candidat, langue parlée…), le parcours des parents ou tuteur légal (études ou travail aux Etats-Unis…) y figurent. Il est aussi fait mention des attentes pédagogiques des parents et des «qualités morales qu’ils souhaitent développer chez leurs enfants». Et là, ce sont eux qui les fixent (rigueur, ponctualité, honnêteté…).
    Reste le témoignage, une preuve qui a son poids surtout si la source est irréprochable:
    Le plaignant cite à ce titre un certain Sum Johnson, ex-professeur à la GWA. Et qui aurait démissionné lorsqu’il a «découvert les activités évangélisatrices ciblant les enfants». Il aurait même envoyé un e-mail au père de l’enfant où il se dit «prêt à témoigner». Autre cas, celui de Karine Vasseur, professeur également, qui aurait constaté l’état psychologique détérioré de l’enfant et informé ses parents. Il s’avère, d’après la plainte, qu’elle a été suspendue de son poste pour faute professionnelle. D’ailleurs Vasseur pourrait, si elle consent, à devenir un témoin à charge également.
    Autant dire que la bataille judiciaire s’annonce serrée et délicate surtout.

    Débat

    L’affaire judiciaire à laquelle est mêlée George Washington Academy (route d’Azemmour) soulève un débat juridique délicat. L’acteur majeur est un enfant de 12 ans. Question cruciale: un mineur a-t-il le droit de choisir sa religion? Là, ce sont les droits fondamentaux de l’enfant qui entrent en ligne de compte. Sachant que la Constitution consacre solennellement la liberté de penser, de culte... En revanche, les parents, en tant que tuteurs, se prévalent légitimement du droit d’éduquer leurs enfants. Des jurisprudences françaises ont opté pour le principe de l’intérêt majeur de l’enfant et qui englobe la protection de sa santé physique et mentale, le droit au jeu, au repos... Celui-ci devient plus ardu à appliquer lorsqu’un des parents, par exemple, adhère à une secte ou pratique une religion différente du conjoint. En cas de conflit, voire de divorce, ce problème se pose avec acuité. Le débat est ouvert.

    F.F.

    L'économiste
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