« Quand quelqu’un va parler sans savoir ce qu’il va dire, parle sans savoir ce qu’il dit, finit de parler sans savoir ce qu’il a dit, il est mûr pour la politique. »
Jean Rigaux
Ce 18 avril 2010 l’Algérie a rendez-vous avec le monde de l’énergie. Dans un faste grandiose, l’Algérie recevra tous les acteurs internationaux pour discuter de la situation du gaz, des dernières mises au point technologiques, mais aussi de l’avenir du marché gazier vu sous l’angle des producteurs. Les consommateurs et pour cause, ne se sentent pas concernés du fait de la chute dramatique des prix du gaz et du brouillard savamment entretenu dans le marché du gaz (déréglementation, marché, spot, gaz non conventionnels, énergies de remplacement à terme) bref, tout ce qui peut diminuer de l’importance du gaz pourtant vital au développement mais qui n’a jamais eu de chance dès le départ.
Souvenons-nous : il était considéré comme le gaz fatal et les puits de gaz étaient fermés et non exploités. De plus, à même équivalent énergétique, le gaz est maintenu sous-payé par les pays industrialisés. Enfin, au gré de leurs humeurs, pendant longtemps quand les prix du pétrole étaient bas, il était indexé sur ce dernier. Maintenant que les prix du pétrole vont connaître une ascension irrésistible, du fait du déclin du pétrole, les pays industrialisés désindexent le gaz du pétrole, parce qu’il serait abondant.
Un marché mondial en mutation
Dans un article pertinent, Hasna Yacoub décrit les convulsions actuelles du marché gazier : Elle écrit : « A la différence du pétrole, on ne peut pas à proprement parler de marché mondial lorsqu’on évoque l’avenir du gaz naturel. Il s’agit plutôt de marchés régionaux, de celui de l’Amérique du Nord à celui de l’Asie en passant par l’Europe, qui déterminent l’avenir du gaz naturel. Ces trois principaux marchés du gaz sont en plein bouleversement. (..) Dans un premier temps, le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a ouvert un marché mondial, en parallèle avec les marchés traditionnels régionaux et a permis le développement de marchés spots aux côtés des contrats de long terme. Aujourd’hui, le développement des gaz non conventionnels aux États-Unis perturbe le marché en créant une bulle gazière".
"Une étude récente (Oil Daily du 19 juin 2009), estime le potentiel de gaz naturel à 51.408 milliards de m3. L’Amérique du Nord qui est le plus grand marché de gaz naturel au monde, avec 30% de la consommation mondiale, va devenir, selon certains analystes, autosuffisante en gaz, et même peut-être exportatrice. Selon les estimations de l’AIE, les Etats-Unis ont produit en 2009, 624 milliards de mètres cubes et la Russie 582 milliards de mètres cubes. (...) La production de gaz non conventionnel est devenue une proportion très importante de la production américaine totale de gaz et a été la cause d’une forte baisse du prix du gaz dans le pays, elle a affecté de ce fait la rentabilité des mégaprojets du golfe Persique et de leurs usines de liquéfaction très coûteuses. De même que le ministre de l’Energie et des Mines, M.Chakib Khelil, a affirmé que les contrats d’exportation de gaz naturel à long terme des pays producteurs "sont confrontés à une réelle menace" et que le Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg) devrait réagir aux mutations du marché gazier mondial. Il convient de signaler que le gaz non conventionnel a assuré 12% des volumes produits dans le monde l’an dernier".
"En 2030, le gaz non conventionnel devrait représenter près de 60% de la production américaine. En un mot donc, la nouvelle donne américaine a chamboulé toutes les cartes des pays exportateurs de gaz. Tout porte à croire que la nouvelle technique utilisée par les Etats-Unis va avoir un effet boule de neige puisque la question du gaz non conventionnel a été abordée en Europe, pour la 1re fois en automne 2008, dans le cadre d’une conférence tenue à Berlin. Cette conférence a donné naissance au programme européen Gash (Gas Shales in Europa). Selon l’AIE, la Chine et l’Inde pourraient receler d’immenses réserves de gaz non conventionnels. Avec toutes ces données, il paraît difficile de faire des pronostics sur l’avenir du marché mondial du gaz. Face aux nouvelles mutations gazières qui se dessinent à l’horizon 2015/2020, quelles sont la possibilité et la faisabilité qu’une telle décision soit prise ? Il est attendu la généralisation des nouvelles technologies pour l’extraction du gaz non conventionnel. La forte offre ne va-t-elle pas affaiblir la position des pays exportateurs qui, même en baissant leur production, risquent de n’avoir aucun impact ? »(1)
D’autre part, l’Europe ne reste pas les bras croisés. Au-delà des gaz non conventionnels, elle s’interroge sur son approvisionnement. Dans un rapport remis le 2 avril 2010 sur la sécurité gazière en Europe, Vincent Chriqui écrit : La sécurité gazière de l’Union européenne a atteint un niveau critique. À l’horizon 2025, ses importations de gaz, qui représentent actuellement 60% de sa consommation, pourraient augmenter sensiblement et atteindre un chiffre voisin de 80%. Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, cette politique doit conduire à réduire la consommation de gaz de l’UE et lui permettre de passer d’une dépendance à l’égard de ses principaux pays fournisseurs à une interdépendance mutuellement bénéfique en construisant avec eux des partenariats stratégiques gagnant/gagnant sur le long terme. Les besoins d’importation en gaz de l’Union européenne, aujourd’hui de 300 Gm3, pourraient augmenter d’un volume compris entre 20 et 160 Gm3 selon les scénarios.(2)
Comment est venue cette perturbation du marché qui semble avoir pris de court les rentiers du gaz ? L’histoire de la commercialisation du gaz naturel a connu plusieurs étapes. Dans un premier temps, le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a ouvert un marché mondial en parallèle des marchés traditionnels régionaux (le transport par gazoduc limitait les échanges jusqu’alors) et des marchés spots aux côtés des contrats de long terme, rendant imprévisible un marché qui, jusque- là, était assez serein. Aujourd’hui, c’est le développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis, qui perturbe le marché en créant une bulle gazière. L’exploitation de ces gaz aurait presque doublé en deux ans, modifiant la demande américaine. Des avancées technologiques permettent l’exploitation des gaz non conventionnel"s.
"Le grisou, le gaz de schistes (‘’shale gas’’) ou le gaz compact (‘’tight gas’’) sont connus depuis longtemps. Pourtant, ils ne sont réellement exploités que depuis peu. Les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique des roches ont permis de récupérer cette ressource. Les experts prévoient qu’à l’horizon 2020, 50% de la production américaine proviendra des gaz non conventionnels (contre 4% aujourd’hui)".(3)
L’exploitation des gaz non conventionnels change complètement la donne. Le développement brutal, aux Etats-Unis, des gaz non conventionnels pourrait remettre en question ces lourds investissements. Les gaz non conventionnels pourraient en effet permettre aux Etats-Unis de se défaire des importations de gaz et même, selon certains, de devenir exportateurs de gaz. Les réserves non conventionnelles accessibles techniquement et économiquement représentent 4% environ des réserves prouvées globales. La production mondiale pourrait atteindre 4 Tm3 en 2025 environ. Les réserves courantes de 175 Tm3 ne sont pas contestées et sont encore suffisamment élevées (près de 60 ans de consommation actuelle) pour ne pas craindre une baisse de la production mondiale. Les réserves courantes de 175 Tm3 devraient s’élever à 213 Tm3 avec les ressources contingentes et les ressources à découvrir certaines. Le XXIe siècle sera celui de la transition dans le domaine de l’énergie : d’un approvisionnement très dépendant des énergies fossiles, la société évoluera vers un approvisionnement plus diversifié. (3) On l’aura compris, c’en est fini de l’importance des énergies fossiles avec la manne des gaz non conventionnels.
Jean Rigaux
Ce 18 avril 2010 l’Algérie a rendez-vous avec le monde de l’énergie. Dans un faste grandiose, l’Algérie recevra tous les acteurs internationaux pour discuter de la situation du gaz, des dernières mises au point technologiques, mais aussi de l’avenir du marché gazier vu sous l’angle des producteurs. Les consommateurs et pour cause, ne se sentent pas concernés du fait de la chute dramatique des prix du gaz et du brouillard savamment entretenu dans le marché du gaz (déréglementation, marché, spot, gaz non conventionnels, énergies de remplacement à terme) bref, tout ce qui peut diminuer de l’importance du gaz pourtant vital au développement mais qui n’a jamais eu de chance dès le départ.
Souvenons-nous : il était considéré comme le gaz fatal et les puits de gaz étaient fermés et non exploités. De plus, à même équivalent énergétique, le gaz est maintenu sous-payé par les pays industrialisés. Enfin, au gré de leurs humeurs, pendant longtemps quand les prix du pétrole étaient bas, il était indexé sur ce dernier. Maintenant que les prix du pétrole vont connaître une ascension irrésistible, du fait du déclin du pétrole, les pays industrialisés désindexent le gaz du pétrole, parce qu’il serait abondant.
Un marché mondial en mutation
Dans un article pertinent, Hasna Yacoub décrit les convulsions actuelles du marché gazier : Elle écrit : « A la différence du pétrole, on ne peut pas à proprement parler de marché mondial lorsqu’on évoque l’avenir du gaz naturel. Il s’agit plutôt de marchés régionaux, de celui de l’Amérique du Nord à celui de l’Asie en passant par l’Europe, qui déterminent l’avenir du gaz naturel. Ces trois principaux marchés du gaz sont en plein bouleversement. (..) Dans un premier temps, le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a ouvert un marché mondial, en parallèle avec les marchés traditionnels régionaux et a permis le développement de marchés spots aux côtés des contrats de long terme. Aujourd’hui, le développement des gaz non conventionnels aux États-Unis perturbe le marché en créant une bulle gazière".
"Une étude récente (Oil Daily du 19 juin 2009), estime le potentiel de gaz naturel à 51.408 milliards de m3. L’Amérique du Nord qui est le plus grand marché de gaz naturel au monde, avec 30% de la consommation mondiale, va devenir, selon certains analystes, autosuffisante en gaz, et même peut-être exportatrice. Selon les estimations de l’AIE, les Etats-Unis ont produit en 2009, 624 milliards de mètres cubes et la Russie 582 milliards de mètres cubes. (...) La production de gaz non conventionnel est devenue une proportion très importante de la production américaine totale de gaz et a été la cause d’une forte baisse du prix du gaz dans le pays, elle a affecté de ce fait la rentabilité des mégaprojets du golfe Persique et de leurs usines de liquéfaction très coûteuses. De même que le ministre de l’Energie et des Mines, M.Chakib Khelil, a affirmé que les contrats d’exportation de gaz naturel à long terme des pays producteurs "sont confrontés à une réelle menace" et que le Forum des pays exportateurs de gaz (Fpeg) devrait réagir aux mutations du marché gazier mondial. Il convient de signaler que le gaz non conventionnel a assuré 12% des volumes produits dans le monde l’an dernier".
"En 2030, le gaz non conventionnel devrait représenter près de 60% de la production américaine. En un mot donc, la nouvelle donne américaine a chamboulé toutes les cartes des pays exportateurs de gaz. Tout porte à croire que la nouvelle technique utilisée par les Etats-Unis va avoir un effet boule de neige puisque la question du gaz non conventionnel a été abordée en Europe, pour la 1re fois en automne 2008, dans le cadre d’une conférence tenue à Berlin. Cette conférence a donné naissance au programme européen Gash (Gas Shales in Europa). Selon l’AIE, la Chine et l’Inde pourraient receler d’immenses réserves de gaz non conventionnels. Avec toutes ces données, il paraît difficile de faire des pronostics sur l’avenir du marché mondial du gaz. Face aux nouvelles mutations gazières qui se dessinent à l’horizon 2015/2020, quelles sont la possibilité et la faisabilité qu’une telle décision soit prise ? Il est attendu la généralisation des nouvelles technologies pour l’extraction du gaz non conventionnel. La forte offre ne va-t-elle pas affaiblir la position des pays exportateurs qui, même en baissant leur production, risquent de n’avoir aucun impact ? »(1)
D’autre part, l’Europe ne reste pas les bras croisés. Au-delà des gaz non conventionnels, elle s’interroge sur son approvisionnement. Dans un rapport remis le 2 avril 2010 sur la sécurité gazière en Europe, Vincent Chriqui écrit : La sécurité gazière de l’Union européenne a atteint un niveau critique. À l’horizon 2025, ses importations de gaz, qui représentent actuellement 60% de sa consommation, pourraient augmenter sensiblement et atteindre un chiffre voisin de 80%. Dans le cadre de la lutte contre le changement climatique, cette politique doit conduire à réduire la consommation de gaz de l’UE et lui permettre de passer d’une dépendance à l’égard de ses principaux pays fournisseurs à une interdépendance mutuellement bénéfique en construisant avec eux des partenariats stratégiques gagnant/gagnant sur le long terme. Les besoins d’importation en gaz de l’Union européenne, aujourd’hui de 300 Gm3, pourraient augmenter d’un volume compris entre 20 et 160 Gm3 selon les scénarios.(2)
Comment est venue cette perturbation du marché qui semble avoir pris de court les rentiers du gaz ? L’histoire de la commercialisation du gaz naturel a connu plusieurs étapes. Dans un premier temps, le développement du gaz naturel liquéfié (GNL) a ouvert un marché mondial en parallèle des marchés traditionnels régionaux (le transport par gazoduc limitait les échanges jusqu’alors) et des marchés spots aux côtés des contrats de long terme, rendant imprévisible un marché qui, jusque- là, était assez serein. Aujourd’hui, c’est le développement des gaz non conventionnels aux Etats-Unis, qui perturbe le marché en créant une bulle gazière. L’exploitation de ces gaz aurait presque doublé en deux ans, modifiant la demande américaine. Des avancées technologiques permettent l’exploitation des gaz non conventionnel"s.
"Le grisou, le gaz de schistes (‘’shale gas’’) ou le gaz compact (‘’tight gas’’) sont connus depuis longtemps. Pourtant, ils ne sont réellement exploités que depuis peu. Les techniques de forage horizontal et de fracturation hydraulique des roches ont permis de récupérer cette ressource. Les experts prévoient qu’à l’horizon 2020, 50% de la production américaine proviendra des gaz non conventionnels (contre 4% aujourd’hui)".(3)
L’exploitation des gaz non conventionnels change complètement la donne. Le développement brutal, aux Etats-Unis, des gaz non conventionnels pourrait remettre en question ces lourds investissements. Les gaz non conventionnels pourraient en effet permettre aux Etats-Unis de se défaire des importations de gaz et même, selon certains, de devenir exportateurs de gaz. Les réserves non conventionnelles accessibles techniquement et économiquement représentent 4% environ des réserves prouvées globales. La production mondiale pourrait atteindre 4 Tm3 en 2025 environ. Les réserves courantes de 175 Tm3 ne sont pas contestées et sont encore suffisamment élevées (près de 60 ans de consommation actuelle) pour ne pas craindre une baisse de la production mondiale. Les réserves courantes de 175 Tm3 devraient s’élever à 213 Tm3 avec les ressources contingentes et les ressources à découvrir certaines. Le XXIe siècle sera celui de la transition dans le domaine de l’énergie : d’un approvisionnement très dépendant des énergies fossiles, la société évoluera vers un approvisionnement plus diversifié. (3) On l’aura compris, c’en est fini de l’importance des énergies fossiles avec la manne des gaz non conventionnels.
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