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M’harcha fi aacha par les Compagnons de Nedjma de Sétif

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  • M’harcha fi aacha par les Compagnons de Nedjma de Sétif

    Les Compagnons de Nedjma de Sétif présentent M’harcha fi aacha à El Mouggar

    Ils sont deux, un homme et une femme, qui incarnent le citoyen algérien lambda. Un couple de deux vieux pour dire le malaise de toute une société martyrisée par le terrorisme durant ces années de sang et de deuil.

    A l’intérieur de leur petit appartement situé au rez-de-chaussée d’un immeuble, ils sont les témoins d’accrochages continus et des échanges de coups de fusil. Désemparé, ne sachant où se réfugier, où fuir ni qui, le couple choisi la sagesse des trois singes : je n’ai rien vu, je n’ai rien entendu, je n’ai rien dit. Les déflagrations ? Il accusera les voisins d’être bruyants. C’est eux qui provoquent tout ce ramdam.

    C’est là la trame de la pièce théâtrale M’harcha fi aacha (raffut dans un nid, le nid représentant l’appartement, NDLR) que la coopérative théâtrale de Sétif «les Compagnons de Nedjma» a donnée samedi dernier à la salle El Mouggar dans le cadre du club de théâtre organisé par l’Office national de la culture et l’information (ONCI).

    Face à un public venu en masse, le rideau se lève sur un décor épuré qui se résume à une fenêtre, une porte et une table. Les accessoires sont amovibles. Les comédiens les déplaceront et les utiliseront tout au long de la représentation.

    La comédienne Hayet Ben Bara incarne le rôle d’une vieille femme mariée à un fossoyeur hors du commun. Bien qu’exerçant un métier qui représente le deuil et la tristesse, il est jovial, enjoué et très positiviste, toujours de bonne humeur.

    C’est l’image du paradoxe que vivait la société algérienne durant cette période dramatique, qui exorcisait ses peurs et ses douleurs avec l’autodérision et l’humour noir. La femme passe, elle, son temps à se contempler dans un miroir. Le mari se pose des questions existentielles. Sa femme est loin d’être satisfaite d’elle-même, elle dit vouloir être plusieurs personnes à la fois. Lui, regrette sa jeunesse. Il se voyait artiste, il en a l’esprit, et il est fossoyeur, il n’en a pas le profil. Le couple n’a aucun point en commun. Ils se sont aimés par le passé mais le temps et les circonstances ont petit à petit érodé cet amour.

    Les enfants, ce ciment du couple ?

    La fille s’est mariée et est partie. Le garçon aussi. Il a perdu la raison.
    Dans leur refuge, pour tromper le temps, le couple évoque son passé riant, son présent incertain, mais surtout pas l’avenir.

    Les échanges satiriques et les invectives sont interrompus par des coups de feu et des explosions. Des cris s’élèvent dans la rue. Des va-et-vient se font entendre dans la cage d’escalier. Mais ce boucan n’émeut pas le couple, même quand une bombe éclate devant leur porte. Rien ne les obligera à sortir de leur abri. Ils restent indifférents et essayent de s’occuper d’autre chose… le dîner par exemple.

    A chaque détonation, le couple regarde par la fenêtre. Dehors, c’est la guerre. Une guerre à laquelle les deux vieux ne veulent pas prendre part. Ils essayent de fuir, sinon physiquement, au moins mentalement.

    Les dialogues sont très subtils et traduisent, en filigrane, la réalité algérienne. Le metteur en scène, Salim Ben Sdira, dira que le thème majeur de cette pièce est la non-implication de la population algérienne dans le drame que lui faisaient subir les terroristes.

    Les bombardements reprennent de plus belle.

    Tout est détruit. Le couple se retrouve sans toit. Un jeune militaire fait son entrée. Les deux vieux ont peur. Le jeune homme cherche une femme, une certaine Keltoum ou bien Louisa. Il ne sait pas exactement ce qu’il cherche ni qui. Il cherche en fait la paix… dans une vie où la mort est omniprésente. Le fossoyeur et sa femme en parlent et se posent des questions sur le sens de la vie : «Sommes-nous morts ou bien vivants ?», «faut-il attendre son heure pour mourir ou bien se suicider ?», «pourquoi vivre en sachant pertinemment qu’on va mourir ?».

    Que de questions, mais point de réponses.

    En fait, dans cette adaptation libre de Délire à deux de Ionesco, signée Abdellatif Bounab, le thème central est abordé à demi-mot. Il est suggéré.

    A la fin de la pièce, le spectateur comprend qu’il n’est plus spectateur mais acteur.

    Il comprend que les polémiques futiles et les réflexions profondes sont rythmées par les bruits de bottes. La guerre déshumanise. Elle met à nu l’homme pour le faire paraître sous son image de bête féroce et destructrice.

    Par la Tribune
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