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Alger regarde avec stupéfaction et amertume le débat sur l'identité nationale

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  • Alger regarde avec stupéfaction et amertume le débat sur l'identité nationale

    par Pierre Puchot | MédiaPart | mar 20 avr 10 | 08:00

    Choqués par l'affiche de campagne du Front national, interloqués par le projet de loi sur la burqa, les Algériens observent avec dédain le débat français sur l'identité nationale: «Si avec Charlemagne, la langue française, la révolution, vous n'y arrivez pas, comment faisons-nous, nous, Algériens, qui existons en tant qu'état depuis moins 60 ans?» Premier reportage d'une série algéroise...

    «Franchement, votre débat sur l'identité nationale, ici on s'en fout complètement.»

    Qu'ils soient étudiant, éditeur, journaliste ou militant, beaucoup d'Algérois ont peu prêté attention à un débat hexagonal qui, à peine évoqué, suscite pourtant beaucoup d'aigreur. Journaliste culturelle d'origine kabyle, Fatma Baroudi collabore aussi bien au quotidien francophone El Watan qu'à la presse arabophone.

    À 28 ans, elle ne fait pas dans le détail: «Comment voulez-vous que je me sente concernée? La France, c'est loin, un visa nous sépare. D'où qu'on la regarde, c'est une France qui s'enferme de plus en plus. Et ce débat sur l'identité nationale, s'il se résume à l'ennuyeuse interrogation: “Peut-on porter la burqa ou pas?”, ce n'est que le maillon faible du bêtisier politique français.»

    Cette salve spontanée marque surtout l'incompréhension des jeunes Algériens, pour lesquels le lien historique avec la France s'est peu à peu «dilué», «réduit», circonscrit à quelque cousin qui résiderait sur le territoire français, à une langue française persistante, comme pour Karima, la petite vingtaine, étudiante en informatique. La politique française ne l'intéresse pas, le débat sur l'identité nationale, comme le reste.

    La France a besoin d'ouvrir un placard...

    Pour sentir un intérêt, il faut se tourner vers la génération aujourd'hui quinquagénaire, habituée des allers-retours à Paris et Marseille dans les années 1980. Une autre époque, quand la politique d'immigration et de visas rendait encore possible une véritable communication entre les deux rives de la Méditerranée.

    «Il ne faut pas le nier, on a été interpellé par ce débat, juge Arezki Tahar, parce qu'il se pose contre la communauté algérienne de France, et aussi par rapport à l'histoire de la relation franco-algérienne.» Gérant de l'espace Noun d'Alger, une librairie et surtout un lieu de rencontre et de débats intellectuels connu dans tout le monde arabe, Arezki a une tout autre grille d'analyse que la génération de son fils, auquel il tient à transmettre sa francophilie. «Ce débat, estime-t-il, ce n'est pas celui des Français, c'est celui de Sarkozy, de Besson. Il est la résultante directe du discours de Dakar, qui a été le point de départ de la vision de droite la plus débridée.»

    Pour Arezki Tahar, la France a d'abord besoin d'ouvrir un «placard», celui de la question algérienne. «Toutes ces gesticulations ne sont qu'une manière de se débiner par rapport à ce qu'a été le fait colonial dans la conscience nationale française, juge-t-il. La France est toujours dans le déni, dans la négation de ce qu'a été l'apport de la force de travail des colonisés dans l'essor du capitalisme français. Car enfin, les bidonvilles, les ghettos, les banlieues, ce sont bien les gouvernements français successifs qui les ont construits! Le débat, il est là, et non pas dans une identité français scellée, non négociable. Vous seriez capable de la décrire, vous, cette identité française scellée? Moi pas.»

    L'ouverture identitaire algérienne contre le grand récit français

    Cette question d'identité, les Algériens n'ont eu de cesse de se la poser depuis leur indépendance en 1962. D'où le regard tristement ironique que portent aujourd'hui des Algériens pourtant parmi les plus francophiles, comme Sofiane Hadjadj, qui s'apprête à monter à Alger une structure de publication pour le Maghreb en partenariat avec les éditions Actes Sud.

    «Si la France, qui a fait un semblant de récit fondateur – Charlemagne, la langue française, la révolution, Bonaparte, la Ve République, soi-disant une seule religion – en niant tout le reste, les juifs, les colonies, les musulmans, les Polonais, etc., comment fait-on, nous, Algériens, qui existons en tant qu'État depuis moins 60 ans, et qui parlons trois langues?», interroge le co-fondateur des éditions Barzakh, qui fêtent leur dixième anniversaire cette année et publient en majorité des romans en langue française. «Cette question de l'identité posée ainsi : “pour vivre ensemble, il faut que l'on sache qui l'on est”, est présente en Algérie depuis son indépendance. Le premier article de la constitution stipulait que l'Algérie est un pays arabe, où l'islam est religion d'État. Or l'Algérie est sociologiquement et historiquement un pays majoritairement berbère.»
    En 1995, à la suite du printemps berbère dont l'Algérie s'apprête à commémorer le trentième anniversaire mardi 20 avril 2010, une révision de la constitution fait désormais de l'Algérie un pays «arabe et berbère», et octroie au berbère le statut de langue nationale, l'arabe demeurant langue officielle. Mais la décennie noire des années 1990 et les attentats terroristes ont encore compliqué le débat autour de l'identité algérienne.

    Un débat français "posé de manière abjecte et indécente

    «Le terrorisme, je ne peux le ressentir que comme une convulsion du corps Algérie dans sa maladie, rongé de l'intérieur par un tas de refoulés, qui ont fait que nous nous sommes entre-tués, souffle Sofiane Hadjadj. Que ce soit des islamistes ou des militaires, le fait est que des Algériens ont tué des Algériens. Tout cela a fait qu'au début des années 2000, Bouteflika est sorti du bois pour dire: “Nous, on n'est pas qu'arabes, mais aussi berbères, et plus que cela, nous sommes méditerranéens, africains.” Il y a eu une ouverture que l'on pourrait qualifier d'identitaire. Le régime est depuis retombé dans ses errements, sans poser de base solide pour se penser algérien aujourd'hui. Mais pour toutes ces raisons, vu d'Alger, le débat français a vraiment été posé de manière abjecte et indécente.»
    Son lien avec la France, Ahmed Alfaoui l'a jadis entretenu à coup de voyages militants, lorsqu'à la fin des années 1970 la Ligue communistre révolutionnaire (LCR) fournissait une aide non négligeable aux trotskistes algériens maintenus dans la clandestinité. Aujourd'hui chroniqueur spécialisé dans la finance, Ahmed balaie d'un revers de la main le débat français qu'il considère comme un «rideau de fumée», pour mieux évoquer «cette immigration algérienne captée par le patronat français, et aujourd'hui enracinée, qui a produit deux, trois générations déracinées. Et puis, ces générations ont produit leur propre histoire, leur propre récit, qui n'a jamais été intégré au grand récit national français.»

    Cette situation est d'autant plus paradoxale et douloureuse que ces générations «ne se sentent pas du tout algériennes, en tout cas pour ce que j'ai eu l'occasion d'observer, estime l'éditeur algérien, Sofiane Hadjadj. Il faut les voir, revenir au bled l'été: au bout de quelque temps, ils sont un peu perdus. Certains de mes amis avec lesquels j'étais parti faire mes études en France y sont restés, et appellent leurs enfants Alexandre.

    Évidemment, si on les stigmatise avec des questionnements ignobles, si on leur enjoint, ce que la France n'a fait pour personne, d'adorer Bonaparte et de chanter la Marseillaise, alors là, forcément, ils défilent avec le drapeau algérien...»

    «La France a-t-elle besoin de légiférer pour 400 personnes?»

    Plus encore que le débat sur l'identité nationale, ce sont le projet de loi sur la burqa et l'affiche du Front national, qui reprenait le drapeau algérien associé aux minarets, qui ont profondément choqué l'Algérie. «Les musulmans, je m'en fous. Mais tout de même: la République française se sentirait-elle à ce point menacée qu'elle ait besoin de légiférer pour 400 personnes? s'interroge Arezki Tahar, qui gère l'espace Noun d'Alger. Vu d'ici, c'est incompréhensible.»

    «Imaginez que nous fassions une affiche avec le drapeau français parsemé de morceaux de cochon, cela vous ferait-il plaisir? souffle Karima, jeune étudiante en informatique. L'affiche a été interdite je crois, mais les protestations des Français, on ne les a pas beaucoup entendues. L'Algérie, c'est quoi, c'est un État, et des gens que l'on peu insulter gratuitement?»

    La passivité de la société française est ce qui inquiète le plus Arezki Tahar: «La gauche a vraiment été en deçà, comme si Sarkozy pouvait en toute impunité importer la théorie du conflit des civilisations de Bush.

    Quand une Nadine Morano dit qu'il faut arrêter de porter la casquette et de parler verlan*, mais qu'est-ce que ça veut dire? En décembre, quand j'étais en France, il ne manquait plus que l'appel à la bastonnade pour que le tableau soit complet! Ça nous rappelle des souvenirs... Par rapport à mon histoire personnelle avec la France, qui m'a pour ainsi dire nourri intellectuellement après m'avoir volé mon enfance sous la colonisation, c'est le plus dur à admettre, cette régression de l'intelligence.»

    * Suite à un débat sur l'identité nationale à Charmes (Vosges) le 14 décembre 2009, l'AFP annonce le 15 décembre 2009 : "La secrétaire d'État chargée de la Famille et de la Solidarité Nadine Morano a déclaré lundi soir vouloir du jeune mulsulman français "qu'il ne parle pas verlan, qu'il ne mette pas sa casquette à l'envers."

    dijOnscOpe

  • #2
    Ben oui, on Algerie l'identite nationale ne fait pas debat. L'Algerie est un pays arabe et musulman et les etrangers qui veulent devenir algeriens doivent s'assimiler.

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    • #3
      et les etrangers qui veulent devenir algeriens doivent s'assimiler.
      S'assimiler comment?

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      • #4
        méme en france ....pour la plus part ils s'en foute de ce débat ......moi compris
        tu tombe je tombe car mane e mane
        après avoir rien fait ...on a souvent le sentiment d'avoir faillie faire ....un sentiment consolateur

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        • #5
          «Si avec Charlemagne, la langue française, la révolution, vous n'y arrivez pas, comment faisons-nous, nous, Algériens, qui existons en tant qu'état depuis moins 60 ans?»

          Notre nation existe depuis plus de 60 ans!
          Et malgré les nombreuses invasions, nous avons réussi à conserver notre langue (le berbère, alors que les français ont été colonisés par les romains et ne parlent plus le gaulois!), notre culture, nos traditions... notre honneur.
          Ne croyez pas avoir étouffé la Casbah. Ne croyez pas bâtir sur nos dépouilles votre Nouveau Monde. Kateb Yacine

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