par Séraphin Prao
20 avril 2010
« Les médias occidentaux ont tendance à dépeindre l’Afrique et ses guerres en fonction des tribus et des conflits entre les groupes ethniques différents. Et pourtant, la quasi-totalité des guerres du continent est l’œuvre de certaines multinationales, le plus souvent soutenues par leurs pays. Il est plus facile d’accéder aux ressources d’un pays quand son économie est déstabilisée, c’est l’unique méthode que les occidentaux ont utilisé jusqu’à présent en Afrique, » écrit Séraphin Prao, économiste ivoirien.
par Séraphin Prao, Mouvement de Libération de l’Afrique Noire, février 2010
S’il y a bien un dirigeant a su exprimer son sens aigu des rapports de force par des images percutantes, restées dans la mémoire collective, c’est Mao Tsé-toung. Nous empruntons ici, une de ses célèbres citations pour annoncer notre propos : « la politique est une guerre sans effusion de sang, et la guerre une politique avec effusion de sang ». Les guerres enregistrées sur le continent africain sont devenues une politique des pays occidentaux pour profiter des richesses du continent. Cette façon de faire semble officielle tant elle est représentative de la position commune des occidentaux. Nous avons jusqu’ici dans nos productions, essayé de rendre compte de la complexité du « réel africain », pour parler ainsi. Cela n’a jamais été simple car il arrive qu’il faille dépouiller nos absolus les uns après les autres afin de fournir une réflexion féconde. C’est avec cette même rigueur dans l’établissement des faits et l’objectivité de l’analyse, que nous traitons cet autre thème, non moins important, des guerres mercantilistes en Afrique. Un tel sujet, pour le décrypter, mérite qu’on définisse au préalable quelques concepts fondamentaux, comme le mercantilisme et les guerres mercantilistes. En premier lieu, tel sera notre préoccupation. Une fois le lecteur éclairé sur ces mots clés, il s’agira dans un second lieu, de montrer avec quelques illustrations, comment les pays occidentaux fabriquent des guerres pour piller le continent africain, déjà fragilisé depuis le partage de Berlin, en 1885. Une fois les faits établis, l’analyse faite, il restera dans un troisième lieu, de tirer les leçons de ces sales guerres imposées au continent.
Une définition des guerres mercantilistes
Le mercantilisme est une conception de l’économie qui prévaut entre le 16e siècle et le milieu du 18e siècle en Europe. La pensée mercantiliste couvre trois siècles, au cours desquelles la référence philosophique sera Machiavel, relayé ensuite par Morus et Campanella. A cette époque, les questions économiques se distinguent très mal des questions financières. Les penseurs mercantilistes prônent le développement économique par l’enrichissement des nations au moyen du commerce extérieur qui permet de dégager un excédent de la balance commerciale grâce à l’investissement dans des activités économiques à rendement croissant, comme l’avait identifié l’économiste italien Antonio Serra dès 1613.
Globalement, l’objet de la pensée mercantiliste reste la conquête et le maintien du pouvoir. Il revient donc à l’Etat de jouer un rôle primordial dans le développement de la richesse nationale, en adoptant des politiques multiples car la doctrine est loin d’être homogène. Elle s’identifie d’abord au bullionisme en Espagne et en Italie, pour se confondre ensuite avec l’industrialisation étatique en France, pour se terminer enfin, financière et monétaire en Grande-Bretagne. Le mercantilisme français ou le colbertisme, du nom de Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, lui, est plus tourné vers l’industrialisation. Le colbertisme peut se résumer en une simple phrase : tout par et pour la métropole. Une des principales caractéristiques du colbertisme est le développement extrêmement contrôlé des colonies entièrement dépendantes de la métropole. Il s’ensuit qu’une « guerre mercantiliste » est une politique sanglante menée, le plus souvent par les occidentaux, pour enrichir leurs pays, leurs peuples. En clair, ce sont donc des guerres créées artificiellement pour piller les ressources minières, pétrolières des pays pauvres, en général et du continent africain en particulier.
L’Afrique, la terre des guerres d’intérêts
Les médias occidentaux ont tendance à dépeindre l’Afrique et ses guerres en fonction des tribus et des conflits entre les groupes ethniques différents. Et pourtant, la quasi-totalité des guerres du continent est l’œuvre de certaines multinationales, le plus souvent soutenues par leurs pays. Il est plus facile d’accéder aux ressources d’un pays quand son économie est déstabilisée, c’est l’unique méthode que les occidentaux ont utilisé jusqu’à présent en Afrique. Si le développement de l’Afrique tarde à décoller, c’est justement à cause de ce cercle vicieux. Montchrétien affirmait : « Nul ne gagne si un autre perd ».
Selon le professeur Ibrahima Boiro, directeur du Centre d’études et de recherche en environnement (CERE) de l’université de Conakry, la Guinée possède 500 tonnes de réserves en or et 30 millions de carats de diamant, alors que "les populations locales continuent de croupir dans la misère". La Guinée possède également de la bauxite, dont elle est le deuxième exportateur mondial derrière l’Australie, ce pays reste pourtant l’un des plus pauvres du continent.
Si Sékou Touré s’était brouillé avec De Gaulle lors de l’indépendance dans les années 1960, Giscard d’Estaing renoua les relations diplomatiques et surtout économiques avec le dictateur guinéen jusqu’à sa mort en 1984. Les attitudes machiavéliques de Sékou Touré, ne gênaient nullement la France ni les profits des trusts français, comme ceux de Péchiney qui à l’époque exploitait la bauxite. La même France a soutenu Lansana Conté, qui exerça un pouvoir sans partage de 1984 à 2008.
Les différents gouvernements français n’ont eu de cesse de protéger les intérêts des multinationales présentes dans le pays, dans le secteur pétrolier et gazier (Total), le secteur bancaire (BNP Paribas, Société Générale), les transports, la construction (Vinci), la gestion aéroportuaire (Adp), les télécommunications (Orange), sans oublier le groupe Bolloré.
Que dire du Niger ? Le 5 janvier dernier 2009, Areva obtenait du Niger le droit d’exploiter la mine géante d’Imouraren, non loin d’Arlit après un accord négocié durant des mois. Pour la signature de ces accords, il suffit pour les occidentaux, lorsqu’il s’agit des pays africains, de créer une rébellion et jouer le médiateur. De la sorte, on affaiblit le gouvernement pour l’obliger à signer un contrat au rabais. La guérilla touareg, réclamant une répartition plus juste des revenus du secteur minier, qui a repris les armes en 2007, avant la signature de ce contrat, reste suspecte. On retiendra que le Niger pourra vendre sur le marché international quelques 900 tonnes d’uranate. Par ailleurs, les prix vont être désormais libellés en dollars US et non plus en CFA. L’augmentation du prix qui fait monter à 65000 FCFA le kilogramme d’uranium, engendrera des retombées financières de 87 milliards en 2008 et 100 milliards en 2009. Toujours est-il que le Niger est l’un des plus pauvres de la planète, en dépit de son rang de deuxième producteur d’uranium au monde derrière le Canada.
20 avril 2010
« Les médias occidentaux ont tendance à dépeindre l’Afrique et ses guerres en fonction des tribus et des conflits entre les groupes ethniques différents. Et pourtant, la quasi-totalité des guerres du continent est l’œuvre de certaines multinationales, le plus souvent soutenues par leurs pays. Il est plus facile d’accéder aux ressources d’un pays quand son économie est déstabilisée, c’est l’unique méthode que les occidentaux ont utilisé jusqu’à présent en Afrique, » écrit Séraphin Prao, économiste ivoirien.
par Séraphin Prao, Mouvement de Libération de l’Afrique Noire, février 2010
S’il y a bien un dirigeant a su exprimer son sens aigu des rapports de force par des images percutantes, restées dans la mémoire collective, c’est Mao Tsé-toung. Nous empruntons ici, une de ses célèbres citations pour annoncer notre propos : « la politique est une guerre sans effusion de sang, et la guerre une politique avec effusion de sang ». Les guerres enregistrées sur le continent africain sont devenues une politique des pays occidentaux pour profiter des richesses du continent. Cette façon de faire semble officielle tant elle est représentative de la position commune des occidentaux. Nous avons jusqu’ici dans nos productions, essayé de rendre compte de la complexité du « réel africain », pour parler ainsi. Cela n’a jamais été simple car il arrive qu’il faille dépouiller nos absolus les uns après les autres afin de fournir une réflexion féconde. C’est avec cette même rigueur dans l’établissement des faits et l’objectivité de l’analyse, que nous traitons cet autre thème, non moins important, des guerres mercantilistes en Afrique. Un tel sujet, pour le décrypter, mérite qu’on définisse au préalable quelques concepts fondamentaux, comme le mercantilisme et les guerres mercantilistes. En premier lieu, tel sera notre préoccupation. Une fois le lecteur éclairé sur ces mots clés, il s’agira dans un second lieu, de montrer avec quelques illustrations, comment les pays occidentaux fabriquent des guerres pour piller le continent africain, déjà fragilisé depuis le partage de Berlin, en 1885. Une fois les faits établis, l’analyse faite, il restera dans un troisième lieu, de tirer les leçons de ces sales guerres imposées au continent.
Une définition des guerres mercantilistes
Le mercantilisme est une conception de l’économie qui prévaut entre le 16e siècle et le milieu du 18e siècle en Europe. La pensée mercantiliste couvre trois siècles, au cours desquelles la référence philosophique sera Machiavel, relayé ensuite par Morus et Campanella. A cette époque, les questions économiques se distinguent très mal des questions financières. Les penseurs mercantilistes prônent le développement économique par l’enrichissement des nations au moyen du commerce extérieur qui permet de dégager un excédent de la balance commerciale grâce à l’investissement dans des activités économiques à rendement croissant, comme l’avait identifié l’économiste italien Antonio Serra dès 1613.
Globalement, l’objet de la pensée mercantiliste reste la conquête et le maintien du pouvoir. Il revient donc à l’Etat de jouer un rôle primordial dans le développement de la richesse nationale, en adoptant des politiques multiples car la doctrine est loin d’être homogène. Elle s’identifie d’abord au bullionisme en Espagne et en Italie, pour se confondre ensuite avec l’industrialisation étatique en France, pour se terminer enfin, financière et monétaire en Grande-Bretagne. Le mercantilisme français ou le colbertisme, du nom de Jean-Baptiste Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, lui, est plus tourné vers l’industrialisation. Le colbertisme peut se résumer en une simple phrase : tout par et pour la métropole. Une des principales caractéristiques du colbertisme est le développement extrêmement contrôlé des colonies entièrement dépendantes de la métropole. Il s’ensuit qu’une « guerre mercantiliste » est une politique sanglante menée, le plus souvent par les occidentaux, pour enrichir leurs pays, leurs peuples. En clair, ce sont donc des guerres créées artificiellement pour piller les ressources minières, pétrolières des pays pauvres, en général et du continent africain en particulier.
L’Afrique, la terre des guerres d’intérêts
Les médias occidentaux ont tendance à dépeindre l’Afrique et ses guerres en fonction des tribus et des conflits entre les groupes ethniques différents. Et pourtant, la quasi-totalité des guerres du continent est l’œuvre de certaines multinationales, le plus souvent soutenues par leurs pays. Il est plus facile d’accéder aux ressources d’un pays quand son économie est déstabilisée, c’est l’unique méthode que les occidentaux ont utilisé jusqu’à présent en Afrique. Si le développement de l’Afrique tarde à décoller, c’est justement à cause de ce cercle vicieux. Montchrétien affirmait : « Nul ne gagne si un autre perd ».
Selon le professeur Ibrahima Boiro, directeur du Centre d’études et de recherche en environnement (CERE) de l’université de Conakry, la Guinée possède 500 tonnes de réserves en or et 30 millions de carats de diamant, alors que "les populations locales continuent de croupir dans la misère". La Guinée possède également de la bauxite, dont elle est le deuxième exportateur mondial derrière l’Australie, ce pays reste pourtant l’un des plus pauvres du continent.
Si Sékou Touré s’était brouillé avec De Gaulle lors de l’indépendance dans les années 1960, Giscard d’Estaing renoua les relations diplomatiques et surtout économiques avec le dictateur guinéen jusqu’à sa mort en 1984. Les attitudes machiavéliques de Sékou Touré, ne gênaient nullement la France ni les profits des trusts français, comme ceux de Péchiney qui à l’époque exploitait la bauxite. La même France a soutenu Lansana Conté, qui exerça un pouvoir sans partage de 1984 à 2008.
Les différents gouvernements français n’ont eu de cesse de protéger les intérêts des multinationales présentes dans le pays, dans le secteur pétrolier et gazier (Total), le secteur bancaire (BNP Paribas, Société Générale), les transports, la construction (Vinci), la gestion aéroportuaire (Adp), les télécommunications (Orange), sans oublier le groupe Bolloré.
Que dire du Niger ? Le 5 janvier dernier 2009, Areva obtenait du Niger le droit d’exploiter la mine géante d’Imouraren, non loin d’Arlit après un accord négocié durant des mois. Pour la signature de ces accords, il suffit pour les occidentaux, lorsqu’il s’agit des pays africains, de créer une rébellion et jouer le médiateur. De la sorte, on affaiblit le gouvernement pour l’obliger à signer un contrat au rabais. La guérilla touareg, réclamant une répartition plus juste des revenus du secteur minier, qui a repris les armes en 2007, avant la signature de ce contrat, reste suspecte. On retiendra que le Niger pourra vendre sur le marché international quelques 900 tonnes d’uranate. Par ailleurs, les prix vont être désormais libellés en dollars US et non plus en CFA. L’augmentation du prix qui fait monter à 65000 FCFA le kilogramme d’uranium, engendrera des retombées financières de 87 milliards en 2008 et 100 milliards en 2009. Toujours est-il que le Niger est l’un des plus pauvres de la planète, en dépit de son rang de deuxième producteur d’uranium au monde derrière le Canada.
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