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Le sort du juge Garzon, sur le point d'être suspendu ...

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    Le sort du juge Garzon, sur le point d'être suspendu, ravive la querelle de deux mémoires historiques en Espagne
    LEMONDE | 20.04.10 | 15h24 • Mis à jour le 20.04.10 | 16h24



    Baltasar Garzon fait ses cartons. Le célèbre magistrat espagnol s'apprête à quitter son bureau, le cabinet d'instruction numéro 5, qu'il occupe depuis vingt-deux ans à l'Audience nationale, la plus haute instance pénale du pays. Ses pairs du Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ), l'équivalent espagnol du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), devraient le suspendre de ses fonctions, jeudi 22 avril, dans l'attente de son procès. La procédure est automatique pour tout magistrat accusé, comme lui, de prévarication, c'est-à-dire d'avoir abusé de son pouvoir.

    Le juge Garzon est poursuivi pour avoir voulu enquêter, fin 2008, sur les crimes franquistes de la guerre civile (1936-1939) et la répression de la dictature (1939-1975) alors que les faits seraient couverts par la loi d'amnistie des crimes politiques votée en 1977, deux ans après la mort de Francisco Franco. En requalifiant en crimes contre l'humanité, donc imprescriptibles, les disparitions forcées de quelque 114 000 républicains, Baltasar Garzon aurait monté "un artifice juridique", selon le magistrat instructeur Luciano Varela, qui a suivi en cela les plaintes de trois associations d'extrême droite, dont la Phalange espagnole.

    S'il est reconnu coupable à l'issue d'un procès que la presse espagnole craint "expéditif", M. Garzon encourt une peine de dix à vingt ans d'interdiction d'exercer. Autant dire que ce serait la fin de la carrière du juge vedette espagnol, dont la renommée a franchi les frontières en 1998 lorsqu'il ordonna l'arrestation de l'ex-dictateur chilien Augusto Pinochet au nom de la "justice universelle".

    "Une condamnation serait une nouvelle victoire de Franco", s'est ému le cinéaste Pedro Almodovar, le 13 avril, lors d'une manifestation de soutien réunissant à Madrid des syndicalistes, des intellectuels, des familles de victimes et même un membre du gouvernement socialiste, le secrétaire d'Etat aux collectivités territoriales, Gaspar Zarrias. Numéro deux du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et ministre de l'équipement, José Blanco, a "du mal à comprendre que des phalangistes puissent asseoir sur le banc des accusés celui qui s'est efforcé de réhabiliter la mémoire des victimes de la dictature".

    Le soutien du parti au pouvoir a exacerbé les tensions avec la droite sur la mémoire historique. Partisan de ne "pas rouvrir les vieilles blessures", le Parti populaire (PP, droite) suspecte le gouvernement d'utiliser cette polémique pour détourner l'attention de l'opinion sur les conséquences de la crise économique et du chômage : "L'unique emploi qu'ils semblent disposés à défendre est celui du juge Baltasar Garzon", a ironisé, samedi 17 avril, la secrétaire générale du PP, Maria Dolores de Cospedal.

    Tandis qu'à gauche les soutiens de Baltasar Garzon tirent à boulets rouges sur le Tribunal suprême, qui serait devenu, selon l'ex-procureur anticorruption, Carlos Jimenez Villajero, "un instrument d'expression du fascisme espagnol", le chef de l'opposition de droite, Mariano Rajoy, dénonce une campagne "antidémocratique" et une tentative "d'intimidation de la justice".

    La violence de la polémique a fait ressurgir, selon plusieurs historiens, le spectre des deux Espagne. En tout cas, elle creuse un peu plus le fossé entre les deux principales forces politiques du pays. Selon un sondage, les électeurs socialistes sont opposés à 68 % au renvoi en jugement du juge Garzon, tandis que 68 % des sympathisants du PP s'y disent favorables.

    Mais c'est le procès d'une justice politisée, dont les instances sont majoritairement occupées par des magistrats conservateurs, que veulent ouvrir les partisans de Baltasar Garzon. S'il apprécie de ne plus être un homme seul face à une hiérarchie et des pairs qui ne l'apprécient guère, le juge aimerait calmer le jeu : "Il ne se sent pas persécuté par le Tribunal suprême, a cru devoir préciser l'un de ses avocats. Il croit que les manifestations de soutien populaire en sa faveur, qu'il ne contrôle pas, lui portent préjudice."

    Il est vrai que le juge Garzon n'en a pas fini avec le Tribunal suprême. Jeudi 15 avril, il a déposé pendant quatre heures pour répondre d'une somme de 302 000 dollars (224 440 euros) qu'il aurait touchée du groupe bancaire Santander pour une série de conférences données aux Etats-Unis en 2005 et 2006. En classant sans suite, quelques mois plus tard, une plainte visant le patron de cette banque, Baltasar Garzon aurait également fait preuve de "prévarication".

    Enfin, il devra bientôt se défendre du même délit pour des écoutes téléphoniques qu'il a ordonnées en 2009 dans le cadre d'une affaire de corruption touchant des responsables du PP. Les entrepreneurs impliqués et incarcérés ont porté plainte contre lui et le Tribunal suprême a indiqué, le 16 avril, son intention de poursuivre. Pour Baltasar Garzon, il s'agit de "trois fronts coordonnés" destinés à l'éliminer.
    Jean-Jacques Bozonnet
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