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Conséquence de l’ouverture du marché :La lente agonie des epe publiques du médicament

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  • Conséquence de l’ouverture du marché :La lente agonie des epe publiques du médicament

    Les dévaluations successives du dinar et l’ouverture de la distribution du médicament au privé ont fait que les entreprises publiques n’ont pu s’imposer sur le marché.

    Au-delà de l’histoire tristement banale des entreprises publiques fermées et de milliers de travailleurs mis à la porte, la dissolution de la société de distribution de médicaments Digromed est un cas d’école. Les erreurs accumulées dans l’ouverture du marché du médicament ont donné lieu à diverses sortes de dysfonctionnements. La lourde facture de l’importation des médicaments et les nombreuses pénuries enregistrées dans ce secteur ne seraient, selon les spécialistes, que la résultante du manque de vision des responsables algériens. La dissolution des entreprises publiques du médicament, dont Digromed qui a définitivement fermé ses portes en juin 2009, est une énième étourderie qui favorise les importateurs et les grands laboratoires étrangers.
    Pour mieux comprendre ce qui s’est passé, il est important de revenir sur les raisons qui ont mené à cette déroute. Il existait auparavant trois entreprises publiques : les Pharms, issues de la restructuration de la pharmacie centrale algérienne, qui se partageaient le monopole de l’Etat sur l’importation des produits pharmaceutiques. Au début des années 1990, l’Enapharm, l’Enopharm et l’Encopharm accaparaient équitablement le marché de la distribution du médicament avec respectivement 28%, 22% et 38% de parts de marché. « A l’époque, on voyait les choses en grand. Ce devait être le plus grand distributeur de toute l’Afrique », raconte M. Bouzidi, ancien travailleur de Digromed. Mais l’Algérie a dû passer par des années difficiles et ces entreprises étaient tenues de remplir une mission de « service public ». Elles ont été ainsi contraintes de satisfaire au critère de solvabilité vis-à-vis des banques et de ne pas répercuter les effets de la crise sur les prix.
    En dépit d’importantes créances auprès des hôpitaux, elles continuaient de les approvisionner malgré les retards de paiement. Les dévaluations successives du dinar ont fini par donner le coup de grâce à l’entreprise. « Les pertes de change, ajoutées aux problèmes de trésorerie, les ont placées dans une situation très fragile d’autant qu’elles n’ont pas été préparées à leur nouveau statut d’entreprises commerciales », commente, dans une étude sur le secteur, Miloud Kaddar, économiste et consultant à l’OMS. Dans une telle situation, les entreprises publiques n’avaient pas assez de poids pour négocier avec les partenaires étrangers, n’ayant d’autre choix que d’accepter des conditions inéquitables.
    Le 6 juillet 1992, le décret 92-285 ouvre la porte de la distribution du médicament au privé. De nombreux concessionnaires privés prospéraient à mesure que les parts de marché des entreprises publiques s’étiolaient. Immédiatement après la publication de ce décret, il a été dénombré près de 140 grossistes privés, assez offensifs, auxquels il fallait ajouter les trois Pharms qui exerçaient aussi la fonction de distribution de gros. Les autorités sanitaires étaient alors dépassées et n’effectuaient plus un véritable contrôle sur ce secteur… et peut-être le sont-elles jusqu’à l’heure. Partant de l’idée, somme toute très noble, de réduire les coûts des importations par la mise en concurrence de plusieurs opérateurs et de la diversification des fournisseurs, les responsables de l’époque n’ont fait qu’attiser le problème.
    Le fait est, selon M. Kaddar, que la stratégie des importateurs privés consiste souvent à mettre sur le marché des produits chers et à très forte rotation et pas forcément les produits les plus essentiels. « A de très rares exceptions, les prix publics des médicaments importés par le secteur privé se situent très au-dessus de ceux importés par les entreprises publiques. Les écarts de prix vont du simple au double et, pour certains médicaments, du simple au triple », dit-il.

    Digromed destinée à disparaître ?

    La multiplication des officines privées a mené à un éparpillement des quantités mises sur le marché, provoquant dans certaines régions à forte population, des ruptures brutales des stocks. « Les ruptures de stock sur des produits stratégiques continuent de coexister avec l’abondance de médicaments de confort », souligne l’expert de l’OMS. Et d’ajouter : « Les insuffisances des entreprises publiques dans la prospection du marché international, en particulier celui des génériques, et la contrainte des lignes de crédits, ont été avantageusement exploitées par les fournisseurs. Les entreprises publiques n’étaient plus en mesure de négocier des prix à leur avantage. Le refus des conditions imposées par les grands laboratoires ne constituaient plus un obstacle dans la mesure où ils avaient des partenaires privés locaux. »
    Les Pharms ont été dissoutes en décembre 1997. L’activité de Digromed a commencé en 1998, aux côtés de Simedal pour l’importation et Endimed pour la distribution au détail. Pour les anciens travailleurs, Digromed était vouée à disparaître compte tenu de la concurrence déloyale qui sévissait dans ce secteur. « Auparavant, l’entreprise disposait d’un matériel dernier cri et d’une bonne santé financière. Digromed était un mort-né. Il y a des causes exogènes qui ont mené à sa faillite, comme les créances des hôpitaux, la dévaluation du dinar et le fait d’astreindre à vendre à moindre coût. On ne pouvait pas faire un gros chiffre d’affaires dans ces conditions », nous dit M. Bouzidi, représentant des travailleurs licenciés de Digromed.
    Il raconte : « Dès que les stocks Pharms ont été épuisés, les problèmes ont commencé. L’activité a sensiblement baissé en 2005. Les travailleurs étaient payés au compte-gouttes. Les promesses d’une reprise en main de l’entreprise n’étaient pas tenues. » Les anciens travailleurs de Digromed mettent en garde contre les risques que pourrait entraîner la dissolution des entreprises de distribution du médicament. « Digromed faisait régulièrement des bulletins d’analyse. Les médicaments restaient en quarantaine dans le port d’Alger jusqu’à ce que nos services de contrôle fassent une inspection stricte. Je ne suis pas sûr que les privés soient aussi consciencieux », craint M. Houri, qui a longtemps travaillé chez Digromed. De catastrophe en débandade, l’entreprise Digromed ne pouvait plus résister. Le coup fatal à l’entreprise a été porté par l’affaire Khalifa. Yacine Ahmed, PDG de Digromed, pourtant élu manager de l’année en 1999, est cité dans l’affaire Khalifa. Il se raconte aujourd’hui que le PDG de Saidal aurait été limogé à cause de sa mauvaise gestion de la liquidation de Digromed, mais cela reste du domaine de la spéculation.

    Khalifa donne le coup de grâce

    Nos insistantes requêtes pour avoir plus de détails sur les derniers jours de Digromed auprès du liquidateur n’ont pas porté leurs fruits. Les responsables de la Société de gestion des participations, Gephac, qui a chapeauté ce dossier, nous ont, eux aussi, signifié une fin de non-recevoir. L’économiste Miloud Kaddar met en avant « l’insuffisance de concertation entre les autorités sanitaires et le ministère des Finances » dans la gestion de ce dossier. « Tout s’est passé comme si le médicament était une marchandise comme les autres », analyse-t-il. Au final, la dissolution de l’entreprise ne chamboulera pas la donne tant le secteur du médicament paraît désorganisé. « La dissolution des entreprises publiques ne change en rien de fondamental dans le niveau d’organisation et de gestion du circuit de distribution eu égard à la part insignifiante de marché qu’elles détenaient soit au niveau de la répartition en gros pour Digromed ou pour la distribution en détail pour Endimed.
    La première ne dépasse pas les 6% du chiffre d’affaires des activités de gros et la seconde, malgré un réseau d’un millier d’agences, ne peut représenter plus de 9% du chiffre d’affaires des ventes au détail », considère Mustapha Semmoud, consultant en économie de la santé. Mais il reste qu’on assiste actuellement à un dérèglement sans précédent des circuits d’approvisionnement et de distribution du médicament.

    Par Amel Blidi (El Watan).
    Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay
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