mercredi 21 avril 2010 - par Mustapha Cherif
Les xénophobes et les islamophobes dénient à autrui différent le droit de vivre selon ses convictions et ses multiples appartenances. Vous avez le droit de vivre selon votre foi, de prier ensemble, de préserver le licite, de vous garder de tout ce qui porte atteinte aux nobles valeurs de la religion, de refuser des comportements dégradants contraires aux préceptes islamiques et de garder vivante votre mémoire, tout en vous ouvrant sur le monde. Ce n’est facile, mais il est vital de savoir résister et se prémunir. L’extrémiste s’enferme et ne sait pas faire face aux dérives de notre temps. Vous êtes confrontés à des difficiles épreuves. Une question se pose : quelle responsabilité des citoyens européens de confession musulmane face aux défis de notre temps ?
Compte tenu du fait qu’il est attendu des musulmans esprit d’interprétation, d’inventivité et de renouveau, je suis dubitatif et interrogatif au vu de comportements de certains, heureusement minoritaires, qui, par leur repli, nuisent à ce qu’ils voudraient défendre, compliquent la situation des citoyens musulmans en Europe déjà difficile et folklorisent la pratique religieuse. Leurs excès passent à tort pour dictés par le Coran. Ils le font sans doute par naïveté, par ignorance, par inculture, par désespoir, ou parce qu’ils sont manipulés. Il faut qu’ils sachent que lorsqu’ils se replient et pratiquent le rigorisme ils provoquent les incompréhensions et alimentent la peur d’autrui. Il ne faut pas les laisser aggraver leur dissidence morale. En se comportant ainsi, ils prêtent le flanc à la critique et apportent de l’eau au moulin des islamophobes et des xénophobes. Ces comportements et dérives _ il faut le dire à haute voix et sereinement, car on nous reproche de ne pas assez les dénoncer _ sont l’anti-islam et portent préjudice à l’image des musulmans.
Le difficile contexte
Que faire pour ne pas seulement affirmer le désaccord de la majorité des musulmans à ces pratiques, mais surtout permettre au citoyen européen de confession musulmane de vivre sa foi comme lui garantit la loi et d’être inventif et reconnu ? Il y a lieu de commencer à comprendre le contexte complexe et la problématique et d’en saisir les enjeux. L’islamophobie est ancienne, elle date de quatorze siècles, depuis l’avènement de la troisième religion céleste. Cependant, en ce début du XXIe siècle, elle prend des proportions alarmantes. Le monde actuel est confronté à trois défis :
Premièrement, la désertion de la religion de la vie, marquée par une marginalisation des principes moraux, éthiques et spirituels. Deuxièmement, le recul de la démocratie, marqué par l’injustice, les inégalités et le libéralisme sauvage. Troisièmement, la remise en cause de la possibilité de penser, inhibée par la domination de la pensée unique. Ce sont les trois questions fondamentales qui se posent avec acuité : du sens, de la justice et du savoir. L’ère moderne, malgré de prodigieux acquis techniques, s’éprouve en impasse et deshumanisation et comme politique on assiste à de la répression. Tous les peuples souffrent de cette situation et sont confrontés aux incertitudes. Le problème est faussé et se complique encore par les réactions émotionnelles, irraisonnées et aveugles face à ces défis.
Les résistances irréfléchies et extrémistes libèrent des comportements et des pulsions qui sont inadmissibles, même si on doit tenir compte des injustices, des ségrégations et des politiques iniques à deux poids et deux mesures. Les comportements fermés sont amplifiés, manipulés et instrumentalisés par ceux qui ont de sordides intérêts à ghettoïser, à déformer l’image de l’islam et faire diversion aux réels problèmes, dont la prise de conscience par l’ensemble des citoyens mettrait leurs intérêts étroits en péril alors qu’ils cherchent à asseoir leur hégémonie.
Ainsi, depuis la chute du Mur de Berlin, en 1989, puis après le 11-Septembre 2001, les amalgames, la stigmatisation et la propagande du choc des civilisations occupent le terrain, masquant opportunément les injustices et les responsabilités. Cependant, tous les Européens, vos concitoyens, ne confondent pas fanatisme et islam, et savent que les civilisations sont hétérogènes et par définition perméables, malgré les contre vérités, les préjugés et le matraquage médiatico-politicien, qui ne sont plus l’apanage du délire des sinistres adeptes de l’extrême droite.
Il faut comprendre que les réactions aveugles, les comportements rigoristes, rétrogrades et passéistes soulèvent chez les citoyens des interrogations légitimes et des critiques fondées, alors que la cause des exclus, des opprimés ou tout simplement de ceux qui veulent vivre selon leur foi est juste. Dans ce contexte de dialogue de sourds et d’incompréhension, vous, citoyens français de confession musulmane, ambassadeurs d’une si belle religion et témoins porteurs d’un haut sens de l’humain, avez à engager votre responsabilité individuelle et collective. Vous pouvez contribuer à mettre fin aux faux dilemmes, aux faux débats et aux impasses, dans lesquels, d’un côté, des imposteurs qui usurpent le nom de l’islam, de l’autre, des xénophobes qui contredisent les valeurs des Lumières cherchent à vous entraîner.
Réciprocité
Pour la plupart d’entre vous nés en Europe, citoyens français, vous devez avec fierté assumer positivement et pleinement votre destin, votre francité qui est une chance et les valeurs qui se rattachent au pays des « droits de l’homme », pour justement œuvrer de manière intelligente à faire valoir vos droits parfois bafoués et faire comprendre à ceux qui n’ont pas encore compris que vous n’êtes pas des étranges étrangers, mais des citoyens français à part entière, et que cela n’exclut pas la pluralité des appartenances, des approches et le droit à la mémoire.
Non seulement il faut arrêter de vous enfermer dans une position de victimes, vous devez certes être fiers de votre foi, mais il faut cesser d’opposer passé et présent, origine et devenir, dès lors que tant de dimensions et d’enjeux communs vous lient à vos concitoyens. Tout en sachant que vous avez le droit de faire vivre et de préserver votre singularité. La chance et l’épreuve sont mutuelles : votre francité est une chance et une épreuve et votre islamité est une chance et une épreuve pour tous, c’est l’occasion d’un enrichissement réciproque.
Votre « Je » peut se conjuguer avec le « Nous » de la société. De surcroît, nul n’est monolithique et imperméable si on sait l’aborder sans le heurter et plus encore le vivre ensemble civilisé se fonde sur le lien entre les deux dimensions et non pas leur opposition. Vous avez le droit de rester attachés à vos valeurs spécifiques, mais en même temps vous avez le devoir de vous ouvrir pour être en phase avec l’humanité et vos concitoyens.
Tout en sachant que ce « Nous » de la société ne semble pas offrir des chances égales et des perspectives justes, mais il n’y a pas d’alternative au sens de l’ouverture pour faire avancer votre cause. Dans ce sens, trois chemins sont les conditions pour changer l’hostilité en vraie hospitalité réciproque.
Les xénophobes et les islamophobes dénient à autrui différent le droit de vivre selon ses convictions et ses multiples appartenances. Vous avez le droit de vivre selon votre foi, de prier ensemble, de préserver le licite, de vous garder de tout ce qui porte atteinte aux nobles valeurs de la religion, de refuser des comportements dégradants contraires aux préceptes islamiques et de garder vivante votre mémoire, tout en vous ouvrant sur le monde. Ce n’est facile, mais il est vital de savoir résister et se prémunir. L’extrémiste s’enferme et ne sait pas faire face aux dérives de notre temps. Vous êtes confrontés à des difficiles épreuves. Une question se pose : quelle responsabilité des citoyens européens de confession musulmane face aux défis de notre temps ?
Compte tenu du fait qu’il est attendu des musulmans esprit d’interprétation, d’inventivité et de renouveau, je suis dubitatif et interrogatif au vu de comportements de certains, heureusement minoritaires, qui, par leur repli, nuisent à ce qu’ils voudraient défendre, compliquent la situation des citoyens musulmans en Europe déjà difficile et folklorisent la pratique religieuse. Leurs excès passent à tort pour dictés par le Coran. Ils le font sans doute par naïveté, par ignorance, par inculture, par désespoir, ou parce qu’ils sont manipulés. Il faut qu’ils sachent que lorsqu’ils se replient et pratiquent le rigorisme ils provoquent les incompréhensions et alimentent la peur d’autrui. Il ne faut pas les laisser aggraver leur dissidence morale. En se comportant ainsi, ils prêtent le flanc à la critique et apportent de l’eau au moulin des islamophobes et des xénophobes. Ces comportements et dérives _ il faut le dire à haute voix et sereinement, car on nous reproche de ne pas assez les dénoncer _ sont l’anti-islam et portent préjudice à l’image des musulmans.
Le difficile contexte
Que faire pour ne pas seulement affirmer le désaccord de la majorité des musulmans à ces pratiques, mais surtout permettre au citoyen européen de confession musulmane de vivre sa foi comme lui garantit la loi et d’être inventif et reconnu ? Il y a lieu de commencer à comprendre le contexte complexe et la problématique et d’en saisir les enjeux. L’islamophobie est ancienne, elle date de quatorze siècles, depuis l’avènement de la troisième religion céleste. Cependant, en ce début du XXIe siècle, elle prend des proportions alarmantes. Le monde actuel est confronté à trois défis :
Premièrement, la désertion de la religion de la vie, marquée par une marginalisation des principes moraux, éthiques et spirituels. Deuxièmement, le recul de la démocratie, marqué par l’injustice, les inégalités et le libéralisme sauvage. Troisièmement, la remise en cause de la possibilité de penser, inhibée par la domination de la pensée unique. Ce sont les trois questions fondamentales qui se posent avec acuité : du sens, de la justice et du savoir. L’ère moderne, malgré de prodigieux acquis techniques, s’éprouve en impasse et deshumanisation et comme politique on assiste à de la répression. Tous les peuples souffrent de cette situation et sont confrontés aux incertitudes. Le problème est faussé et se complique encore par les réactions émotionnelles, irraisonnées et aveugles face à ces défis.
Les résistances irréfléchies et extrémistes libèrent des comportements et des pulsions qui sont inadmissibles, même si on doit tenir compte des injustices, des ségrégations et des politiques iniques à deux poids et deux mesures. Les comportements fermés sont amplifiés, manipulés et instrumentalisés par ceux qui ont de sordides intérêts à ghettoïser, à déformer l’image de l’islam et faire diversion aux réels problèmes, dont la prise de conscience par l’ensemble des citoyens mettrait leurs intérêts étroits en péril alors qu’ils cherchent à asseoir leur hégémonie.
Ainsi, depuis la chute du Mur de Berlin, en 1989, puis après le 11-Septembre 2001, les amalgames, la stigmatisation et la propagande du choc des civilisations occupent le terrain, masquant opportunément les injustices et les responsabilités. Cependant, tous les Européens, vos concitoyens, ne confondent pas fanatisme et islam, et savent que les civilisations sont hétérogènes et par définition perméables, malgré les contre vérités, les préjugés et le matraquage médiatico-politicien, qui ne sont plus l’apanage du délire des sinistres adeptes de l’extrême droite.
Il faut comprendre que les réactions aveugles, les comportements rigoristes, rétrogrades et passéistes soulèvent chez les citoyens des interrogations légitimes et des critiques fondées, alors que la cause des exclus, des opprimés ou tout simplement de ceux qui veulent vivre selon leur foi est juste. Dans ce contexte de dialogue de sourds et d’incompréhension, vous, citoyens français de confession musulmane, ambassadeurs d’une si belle religion et témoins porteurs d’un haut sens de l’humain, avez à engager votre responsabilité individuelle et collective. Vous pouvez contribuer à mettre fin aux faux dilemmes, aux faux débats et aux impasses, dans lesquels, d’un côté, des imposteurs qui usurpent le nom de l’islam, de l’autre, des xénophobes qui contredisent les valeurs des Lumières cherchent à vous entraîner.
Réciprocité
Pour la plupart d’entre vous nés en Europe, citoyens français, vous devez avec fierté assumer positivement et pleinement votre destin, votre francité qui est une chance et les valeurs qui se rattachent au pays des « droits de l’homme », pour justement œuvrer de manière intelligente à faire valoir vos droits parfois bafoués et faire comprendre à ceux qui n’ont pas encore compris que vous n’êtes pas des étranges étrangers, mais des citoyens français à part entière, et que cela n’exclut pas la pluralité des appartenances, des approches et le droit à la mémoire.
Non seulement il faut arrêter de vous enfermer dans une position de victimes, vous devez certes être fiers de votre foi, mais il faut cesser d’opposer passé et présent, origine et devenir, dès lors que tant de dimensions et d’enjeux communs vous lient à vos concitoyens. Tout en sachant que vous avez le droit de faire vivre et de préserver votre singularité. La chance et l’épreuve sont mutuelles : votre francité est une chance et une épreuve et votre islamité est une chance et une épreuve pour tous, c’est l’occasion d’un enrichissement réciproque.
Votre « Je » peut se conjuguer avec le « Nous » de la société. De surcroît, nul n’est monolithique et imperméable si on sait l’aborder sans le heurter et plus encore le vivre ensemble civilisé se fonde sur le lien entre les deux dimensions et non pas leur opposition. Vous avez le droit de rester attachés à vos valeurs spécifiques, mais en même temps vous avez le devoir de vous ouvrir pour être en phase avec l’humanité et vos concitoyens.
Tout en sachant que ce « Nous » de la société ne semble pas offrir des chances égales et des perspectives justes, mais il n’y a pas d’alternative au sens de l’ouverture pour faire avancer votre cause. Dans ce sens, trois chemins sont les conditions pour changer l’hostilité en vraie hospitalité réciproque.
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