Ferhat Mehenni : “La seule issue est l’autonomie”
Algérie. Le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) a mobilisé plusieurs milliers de personnes dans le rassemblement organisé dimanche 18 avril 2010 à la place de la République à Paris, en célébration du 30ème anniversaire du Printemps berbère du 20 avril 1980.
La veille, le président du MAK avait tenu un discours virulent contre le régime algérien, précisant qu’il mettra en place très prochainement un gouvernement provisoire pour la Kabylie. “L’autonomie régionale est l’unique solution pour éviter le déchirement de l’Algérie”, a insisté M. Mehenni.
Maroc Hebdo Intrnational: Le MAK a fait son apparition en juin 2001. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour proclamer l’autonomie?
Ferhat Mehenni: Cela fait deux ans que nous avons déposé une demande officielle pour l’autonomie de la Kabylie. Mais, depuis la fondation de notre mouvement en 2001, nous n’avons cessé d’appeler à ce que la question identitaire kabyle soit résolue. Le régime algérien n’a pas réagi et les seules réponses que nous avons obtenues pour l’instant, ce sont les menaces de mort qui se sont traduites par l’exécution de mon fils en 2004.
Je n’ai donc pas reçu la moindre réponse depuis que j’ai lancé ma demande officielle, le 5 juin 2008. Et, comme nous sommes à la veille du 30ème anniversaire de la première révolte de la Kabylie, nous avons estimé qu’il était de notre devoir de marquer cet événement par un acte fondateur, de faire un pas en avant de sorte que le gouvernement algérien sente qu’il n’a pas affaire à des enfants de chœur.
Nous avons attendu 30 ans, et aujourd’hui, l’autonomie kabyle devient une urgence si on ne veut pas l’éclatement du pays, parce qu’en Kabylie le terrain est très agité, et il est difficile de retenir une foule de jeunes en colère.
Vous estimez que l’Algérie est fragile à ce point?
Ferhat Mehenni: Les faits ont montré que la situation en Algérie peut basculer à tout moment. Et les confrontations entre les forces de répression et les populations ne sont pas un fait rare en Algérie.
Une guerre civile en Algérie est très probable. Je peux également vous rassurer que nous ne ménageons aucun effort pour que la paix et la sérénité perdurent dans notre pays.
Croyez-vous que la formation d’un gouvernement provisoire accélérera l’histoire de la Kabylie?
Ferhat Mehenni: Nous ne voulons pas refiler le bébé à d’autres générations. Donc, nous avons décidé de lancer un ultimatum qui, une fois expiré, nous annoncerons la création d’un gouvernement provisoire en Kabylie.
Il y a actuellement parmi les cadres du MAK en Kabylie, certains qui sont déterminés à assumer la charge ministérielle sur le terrain, au prix de leur vie. Je ne peux que respecter leur souhait.
La France est la deuxième patrie de la Kabylie en dehors de l’Algérie, et la plupart de nos élites résident en France. Nous allons donc choisir parmi eux aussi des éléments qui composeront notre gouvernement.
Et quels sont les dossiers prioritaires sur lesquels se penchera votre gouvernement?
Ferhat Mehenni: Il y a plusieurs dossiers, mais le plus prioritaire est celui des droits de l’Homme. L’Etat algérien doit répondre des crimes qu’il a commis en Kabylie.
Il y a ensuite une urgence diplomatique à faire reconnaître ce gouvernement par des instances internationales, et enfin une action sur le terrain pour gérer la désobéissance civile, qui ne manquera pas de s’enclencher au-delà de l’ultimatum fixé aux autorités algériennes.
Avez-vous des modèles dont vous comptez vous inspirer pour votre autonomie régionale?
Ferhat Mehenni: Le projet d’autonomie du Sahara représente un appui et un support pour nous. C’est un argument supplémentaire pour que l’Algérie fasse un geste pour la Kabylie.
Donc, le projet d’autonomie au Sahara est de bon augure pour nous, de sorte qu’il nous motive dans notre démarche autonomiste.
Si j’ai bien compris, vous allez à l’encontre de la politique d’Alger sur la question du Sahara?
Ferhat Mehenni:Totalement. Nous préférons une solution de paix à une solution de guerre. Cela fait 35 ans que des hostilités sont engagées et il n’y a ni vainqueur ni vaincu.
Doit-on continuer encore dans cette voie? Il faut trouver une solution politique, et le projet d’autonomie marocain nous paraît être une solution de paix.
Et si nous revendiquons une autonomie pour la Kabylie, au nom de quoi serions-nous contre une autonomie au Sahara? Nous n’avons donc aucun complexe à assumer notre différence avec le régime algérien sur cette question.
Vos revendications donneraient peut-être à l’Algérie le temps de réviser ses positions…
Ferhat Mehenni: Je peux vous dire que l’Algérie cultive plusieurs complexes à la fois. En même temps, il y a cette volonté d’amoindrir, voire de détruire les voisins marocains en finançant et en soutenant le Polisario pour lequel elle revendique l’indépendance, alors que pour la Kabylie, elle refuse l’autonomie. Il y a beaucoup d’incohérences dans les positions d’Alger.
Que signifie pour vous d’être reçu au Quai d’Orsay ?
Ferhat Mehenni: Depuis 2003, on a été reçus un peu partout à travers le monde. Nous avons été reçus au parlement européen, au parlement belge, au sénat italien, en Catalogne et au parlement du Québec, ainsi qu’au département d’Etat américain (du temps du président Bush, en 2003).
La France était complètement bloquée à l’époque du président Jacques Chirac, mais aujourd’hui les choses ont évolué avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy.
Les relations qui commençaient à être bonnes entre la France et l’Algérie s’étaient tout d’un coup détériorées à cause des luttes au sommet de l’Etat algérien qui se sont répercutées sur la qualité des relations entre l’Algérie et la France.
C’est une situation qui permet à la France de regarder autrement la question kabyle, parce que si nous avons souffert plus que d’autres régions de la colonisation française, nous sommes aussi victimes du régime d’Alger depuis l’indépendance.
Nous avons donc été reçus par la chargée de la section Algérie au Quai d’Orsay, par le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et par des députés socialistes.
Et à tous nos interlocuteurs, nous avons souligné avec force que l’autonomie régionale s’impose comme l’aspiration la plus profonde du peuple kabyle.
Maroc-Hebdo-International
Algérie. Le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) a mobilisé plusieurs milliers de personnes dans le rassemblement organisé dimanche 18 avril 2010 à la place de la République à Paris, en célébration du 30ème anniversaire du Printemps berbère du 20 avril 1980.
La veille, le président du MAK avait tenu un discours virulent contre le régime algérien, précisant qu’il mettra en place très prochainement un gouvernement provisoire pour la Kabylie. “L’autonomie régionale est l’unique solution pour éviter le déchirement de l’Algérie”, a insisté M. Mehenni.
Maroc Hebdo Intrnational: Le MAK a fait son apparition en juin 2001. Pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour proclamer l’autonomie?
Ferhat Mehenni: Cela fait deux ans que nous avons déposé une demande officielle pour l’autonomie de la Kabylie. Mais, depuis la fondation de notre mouvement en 2001, nous n’avons cessé d’appeler à ce que la question identitaire kabyle soit résolue. Le régime algérien n’a pas réagi et les seules réponses que nous avons obtenues pour l’instant, ce sont les menaces de mort qui se sont traduites par l’exécution de mon fils en 2004.
Je n’ai donc pas reçu la moindre réponse depuis que j’ai lancé ma demande officielle, le 5 juin 2008. Et, comme nous sommes à la veille du 30ème anniversaire de la première révolte de la Kabylie, nous avons estimé qu’il était de notre devoir de marquer cet événement par un acte fondateur, de faire un pas en avant de sorte que le gouvernement algérien sente qu’il n’a pas affaire à des enfants de chœur.
Nous avons attendu 30 ans, et aujourd’hui, l’autonomie kabyle devient une urgence si on ne veut pas l’éclatement du pays, parce qu’en Kabylie le terrain est très agité, et il est difficile de retenir une foule de jeunes en colère.
Vous estimez que l’Algérie est fragile à ce point?
Ferhat Mehenni: Les faits ont montré que la situation en Algérie peut basculer à tout moment. Et les confrontations entre les forces de répression et les populations ne sont pas un fait rare en Algérie.
Une guerre civile en Algérie est très probable. Je peux également vous rassurer que nous ne ménageons aucun effort pour que la paix et la sérénité perdurent dans notre pays.
Croyez-vous que la formation d’un gouvernement provisoire accélérera l’histoire de la Kabylie?
Ferhat Mehenni: Nous ne voulons pas refiler le bébé à d’autres générations. Donc, nous avons décidé de lancer un ultimatum qui, une fois expiré, nous annoncerons la création d’un gouvernement provisoire en Kabylie.
Il y a actuellement parmi les cadres du MAK en Kabylie, certains qui sont déterminés à assumer la charge ministérielle sur le terrain, au prix de leur vie. Je ne peux que respecter leur souhait.
La France est la deuxième patrie de la Kabylie en dehors de l’Algérie, et la plupart de nos élites résident en France. Nous allons donc choisir parmi eux aussi des éléments qui composeront notre gouvernement.
Et quels sont les dossiers prioritaires sur lesquels se penchera votre gouvernement?
Ferhat Mehenni: Il y a plusieurs dossiers, mais le plus prioritaire est celui des droits de l’Homme. L’Etat algérien doit répondre des crimes qu’il a commis en Kabylie.
Il y a ensuite une urgence diplomatique à faire reconnaître ce gouvernement par des instances internationales, et enfin une action sur le terrain pour gérer la désobéissance civile, qui ne manquera pas de s’enclencher au-delà de l’ultimatum fixé aux autorités algériennes.
Avez-vous des modèles dont vous comptez vous inspirer pour votre autonomie régionale?
Ferhat Mehenni: Le projet d’autonomie du Sahara représente un appui et un support pour nous. C’est un argument supplémentaire pour que l’Algérie fasse un geste pour la Kabylie.
Donc, le projet d’autonomie au Sahara est de bon augure pour nous, de sorte qu’il nous motive dans notre démarche autonomiste.
Si j’ai bien compris, vous allez à l’encontre de la politique d’Alger sur la question du Sahara?
Ferhat Mehenni:Totalement. Nous préférons une solution de paix à une solution de guerre. Cela fait 35 ans que des hostilités sont engagées et il n’y a ni vainqueur ni vaincu.
Doit-on continuer encore dans cette voie? Il faut trouver une solution politique, et le projet d’autonomie marocain nous paraît être une solution de paix.
Et si nous revendiquons une autonomie pour la Kabylie, au nom de quoi serions-nous contre une autonomie au Sahara? Nous n’avons donc aucun complexe à assumer notre différence avec le régime algérien sur cette question.
Vos revendications donneraient peut-être à l’Algérie le temps de réviser ses positions…
Ferhat Mehenni: Je peux vous dire que l’Algérie cultive plusieurs complexes à la fois. En même temps, il y a cette volonté d’amoindrir, voire de détruire les voisins marocains en finançant et en soutenant le Polisario pour lequel elle revendique l’indépendance, alors que pour la Kabylie, elle refuse l’autonomie. Il y a beaucoup d’incohérences dans les positions d’Alger.
Que signifie pour vous d’être reçu au Quai d’Orsay ?
Ferhat Mehenni: Depuis 2003, on a été reçus un peu partout à travers le monde. Nous avons été reçus au parlement européen, au parlement belge, au sénat italien, en Catalogne et au parlement du Québec, ainsi qu’au département d’Etat américain (du temps du président Bush, en 2003).
La France était complètement bloquée à l’époque du président Jacques Chirac, mais aujourd’hui les choses ont évolué avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy.
Les relations qui commençaient à être bonnes entre la France et l’Algérie s’étaient tout d’un coup détériorées à cause des luttes au sommet de l’Etat algérien qui se sont répercutées sur la qualité des relations entre l’Algérie et la France.
C’est une situation qui permet à la France de regarder autrement la question kabyle, parce que si nous avons souffert plus que d’autres régions de la colonisation française, nous sommes aussi victimes du régime d’Alger depuis l’indépendance.
Nous avons donc été reçus par la chargée de la section Algérie au Quai d’Orsay, par le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et par des députés socialistes.
Et à tous nos interlocuteurs, nous avons souligné avec force que l’autonomie régionale s’impose comme l’aspiration la plus profonde du peuple kabyle.
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