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Les jeunes Algériens maîtrisent l'économie informelle

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  • Les jeunes Algériens maîtrisent l'économie informelle

    Confrontés à des perspectives d'emploi limitées, de nombreux jeunes Algériens ont choisi de ne compter que sur eux-mêmes.

    Arborant un superbe chapeau de cowboy et fumant le cigare, Mourad, 26 ans, arpente la rue d'Alger comme si elle lui appartenait. Il n'est pas du genre timide et réservé. "Je n'ai pas fait d'études, mais je sais que je réussirai. Ce qui est important, c'est de savoir comment s'en sortir, comment saisir une opportunité", explique-t-il.

    En compagnie de cinq de ses amis, Mourad a transformé des petites ruelles en parkings. Ils travaillent par équipes, nuit et jour.

    "Nous avons la chance d'être dans le centre d'Alger, entre Mohamed V et Telemely. Ce sont des quartiers très fréquentés. On ne fait pas la charité ici – si quelqu'un n'a pas d'argent, il va voir ailleurs", explique-t-il.

    Il appelle cette opération son "business".

    Le chômage, le coût élevé de la vie et les faibles niveaux de salaires ont exigé des jeunes luttant pour survivre qu'ils trouvent des solutions créatives. Ils refusent de tomber dans le désespoir, et la preuve de leur caractère inventif se reflète dans l'explosion d'emplois non traditionnels et autodidactes en Algérie.

    Le marché de Belcourt est rapidement devenu le temple de ce que l'on appelle "l'économie informelle". Redouane, un habitué de ce marché, est l'un de ces jeunes hommes que le besoin d'argent a incité à adopter des mesures créatives.

    Mais aujourd'hui, ce n'est pas une bonne nuit.

    "Ce n'est pas bien", explique-t-il. "J'ai dépensé 2 000 dinars en paquets de biscuits pour pouvoir les revendre, mais la police m'a confisqué toute ma marchandise. Ils ne nous laissent pas faire notre travail ; ça devient un Etat policier."

    Aîné de sept enfants, il estime avoir le devoir de faire vivre sa famille.

    "Que voulez-vous que je fasse ? Rester assis et ne rien faire ? Il n'y a pas beaucoup de travail ici, et cela ne vous sort pas la tête de l'eau. Quant à me marier et fonder une famille... je n'y pense même pas", affirme-t-il.

    Son ami Rachid fait la navette entre le marché de Belcourt et les cybercafés.

    "Les journées sont très chargées", explique Rachid. "Le matin, je vends des chaussettes sur le marché, et l'après-midi, avec l'aide de quelques amis, je télécharge les derniers films pour pouvoir les vendre."

    "Au total, on arrive à se faire un peu d'argent", dit-il. Pour trouver un emploi stable en Algérie, ajoute-t-il, “vous devez avoir de l'argent et des amis bien placés".

    Même les Algériens qui ont déjà un emploi salarié stable travaillent dans l'économie informelle. Un seul emploi ne suffit pas pour joindre les deux bouts.

    Durant la journée, M. Belkacem travaille dans une entreprise publique. La nuit, il conduit l'un de ces "taxis au noir".

    "Je gagne à peine 20 000 dinars par mois dans mon entreprise, et ils nous donnent une pitance pour subvenir aux besoins d'une femme à la maison. Je devais trouver autre chose pour payer les factures", explique-t-il. “Mais même mon travail de taxi ne rapporte pas beaucoup d'argent. Je gagne entre 200 et 1 000 dinars par nuit. Certains jours, je rentre les poches vides."

    Ce travail clandestin est dû à un "chamboulement majeur sur le marché du travail", explique Abdenasser Djabi.

    "Même les secteurs public et privé peuvent contribuer à étendre les "activités informelles". Avec les maigres salaires qu'ils paient à leurs salariés, ils ne font que renforcer le problème. Le marché du travail s'est certes diversifié, mais il est devenu précaire. Les maigres salaires encouragent cela", ajoute Djabi.

    Cette économie informelle a également créé une classe de nouveaux riches en Algérie. Mais toutes les activités informelles ne se font pas dans les règles.

    "Les jeunes sont très différents de leurs parents. Ils ont du mal à accepter les échecs de leurs parents et les accusent de ne pas avoir saisi toutes les occasions qui se présentaient", explique Djabi. "Ils ne peuvent comprendre que leurs parents aient des scrupules."

    L'économie informelle est apparue en Algérie dans les années 1980, lorsque les gens ont commencé à vendre les derniers produits sur le marché El Fellah et dans d'autres quartiers commerciaux urbains, a expliqué à Magharebia Mohamed Saib Musette, du Centre de recherche économique appliquée pour le développement (CREAD).

    Certains jeunes des villes sans travail, connus localement sous le nom de hittistes, sont devenus des trabendistes et se sont retrouvés impliqués dans diverses activités cachées durant les années 1990, poursuit-il. Maintenant que l'Europe est devenu une forteresse quasiment impénétrable, les jeunes chômeurs sont contraints de prendre n'importe quel travail qu'ils trouvent, ajoute Musette.

    "Ce secteur informel a quelques "usines" réelles, qui entraînent garçons et filles dans un cercle pernicieux, qui les conduit inévitablement à chercher les moyens de s'en sortir, et à suivre le chemin emprunté par d'autres exclus de la société : la haraga", indique-t-il.

    Cette économie informelle, poursuit-il, a été construite par ce qu'il appelle "la crainte perpétuelle de se noyer". Les Algériens recourent à tous les moyens, contournent les règles, les lois et les conventions sociales pour garder la tête hors de l'eau.



    Ces problèmes rencontrés par la jeunesse algérienne peuvent s'avérer à terme une véritable "bombe à retardement", selon l'Association algérienne pour la sauvegarde de la jeunesse (AASJ).

    "Le manque de dialogue peut conduire à un réel soulèvement chez les jeunes", explique la responsable des affaires extérieures de l'AASJ, Amine Mouioua. "C'est une situation qui menace toute l'Algérie. L'anarchie et la violence se répandent dans toutes les villes du pays, y compris dans les quartiers chics."

    L'AASJ espère organiser un "rassemblement national des sans-emploi" pour trouver des solutions à ce problème, ajoute-t-elle. Même si le chômage est tombé à 10,2 pour cent, les femmes et les jeunes peinent encore à joindre les deux bouts.

    "Quand vous avez soif et que vous n'avez pas de quoi vous acheter un café, vous vous sentez certainement marginalisé", explique Mouioua. "Nous devons nous débarrasser de cette culture de l'exclusion."

    Magharebia
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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