Place Audin, en contrebas, deux bistrots, «la République» et «le Bienvenu», dit communément «Bar Michel», viennent de fermer, rallongeant la liste, déjà longue, des bistrots qui ont baissé rideau à Alger ces dernières années. Auparavant, non loin de là, «les Quat z’arts» et la légendaire «Cafétéria» avaient connu le même triste sort. Irrémédiables extinctions, à moins que…
Enquête réalisée par Sofiane Aït-Iflis
Sur le tout Didouche- Mourad (ex-rue Michelet), les bistrots où l’on peut se racler la gorge en faisant glouglou d’une bière fraîche ou boire par rasades une chope à la mousse drue et écumante ont disparu. Les uns après les autres. Le dernier en date à avoir baissé rideau dans cette grande artère, au cœur d’Alger, est le bar «la République», place Audin. Il ne subsiste même plus l’enseigne pour rappeler que derrière la grille métallique solidement cadenassée existait un bar où l’on pouvait s’arrêter pour étancher sa soif. La fermeture, nous renseigne un assidu des lieux, ne procède pas d’une contrainte administrative. «C’est le patron qui a décidé de fermer boutique», indique, sans autre précision, notre interlocuteur qui, depuis cette fermeture, ne sait plus à quel autre tenancier se vouer. Il lui arrivait jadis, avant qu’Alger n’accélère sa mue inexorable vers le régime sec, de rompre avec l’habitude et traîner sa frêle silhouette un peu plus bas, au «Bar Michel» où il ne manquait pas d’amitiés. Désormais, il doit pousser plus loin pour prendre sa bière. Le «Bar Michel» a, lui aussi, fermé. Définitivement, transformé qu’il est en magasin de prêt-à-porter. Notre interlocuteur, appelons-le Hamid, apprend, non sans grande peine, à fréquenter «le Dôme», le bistrot proche de la place Audin resté encore ouvert. Chaque fois qu’il s’y rend, il est davantage peiné de passer devant «les Quat z’arts», un bistrot fermé depuis plusieurs années, ou encore «la Cafétéria» également fermée, après avoir tenté vainement de revivre en tant que restaurant. Si «la Cafétéria» a changé d’enseigne pour devenir «restaurant les Gourmets de la Fac», le bistrot «les Quat z’arts» a gardé la même enseigne, comme s’il refuse de mourir. Le cœur palpitant d’Alger se vide de ses bistrots. Sur la rue Larbi-Ben-M’hidi (exrue d’Isly), un seul bar demeure encore en activité. Un seul bar est resté également ouvert sur l’interminable rue Hassiba-Ben- Bouali. Il y a quelques années, pas loin de la place du 1er-Mai, rebaptisée place de la Concorde nationale, deux bistrots avaient pignon sur rue. L’un est parti dans les décombres de la démolition d’immeubles, l’autre est fermé après une rixe qui ameuta le voisinage. Vers l’est d’Alger, il faudra pousser jusqu’à Hussein-Dey pour trouver un bar encore ouvert. Le tout Belcourt en est sevré. De même pour El-Harrach, Kouba, Bachdjarrah.
Près d’une centaine de bistrots fermés depuis 2006
Depuis 2006, année où l’administration obligea les tenanciers de bistrots déjà en activité à se conformer à une nouvelle procédure réglementaire, près d’une centaine de bars et de bars-restaurants a fermé. Alors chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem signa et promulgua un décret exécutif soumettant l’activité, le commerce des boissons alcoolisées, en l’occurrence, à la délivrance, en sus de la traditionnelle licence et d’un registre du commerce, d’un agrément. À solliciter auprès de la Direction de la réglementation de la Wilaya, cet agrément suppose la constitution et la présentation de tout un dossier, qui, il faut le mentionner, intègre les résultats des enquêtes de conformité, y compris l’enquête commodo et incommodo. Et s’il incommode à une commission de wilaya ou de wilaya déléguée de délibérer et de délivrer (ou refuser) son quitus, il revient, en dernier ressort, au wali de statuer. Le décret de Belkhadem a fait de nombreuses victimes. Souvent, les fermetures temporaires ordonnées en attendant la conformité aux nouvelles dispositions réglementaires s’éternisent. C’est le cas de ce bistrot sis rue des Frères Khelladi, une ruelle perpendiculaire à la rue Ben- M’hidi. L’établissement a été ouvert dans les années 1960. Il était le point de chute de bien de célébrités artistiques de passage à Alger. Cela fait près de deux ans que le bistrot est fermé sur décision administrative. Pour rouvrir, il lui faudra avoir le fameux agrément. Toute une procédure.
Bab-el-Oued au régime sec
La vague de fermetures des bistrots et autres débits de boissons pour cause de non-conformité à la nouvelle réglementation, édictée dans le cadre du décret exécutif signé par Abdelaziz Belkhadem, a frappé de plein fouet la daïra de Babel- Oued où il ne subsiste quasiment point de bistrots ouverts. Hormis le grand hôtel Kettani et le restaurant le Dauphin qui se sont maintenus en activité, l’alcool n’est nullement servi ailleurs à Bab-el-Oued. Le bar du carrefour Triolet, «le Zaccar», «le Faisan d’Or,» «le Tout Alger», «la Petite Marmite», «la Famille, «le Scoubidou» sont aujourd’hui autant d’enseignes défaites et d’activités éteintes. «La Grand’brasse» n’y a pas échappé. À la différence des bistrots qui, déjà, ont laissé place aux magasins de prêt-à-porter ou de fastfood, «la Grand’brasse», fermée au printemps 2007 sur un arrêté du wali d’Alger, ne veut pas mourir. Son patron a saisi la justice pour obtenir la main levée. L’affaire est toujours en cours. Peut-être que «la Grand’brasse» échappera au désert éthylique qui s’étend jusqu’à La Madrague ! Car, de Bologhine jusqu’à la Pointe- Pescade, point de bistrots ouverts. Tous les bars ont fermé. Même La Madrague, la franchement éthylique, a failli être soumise à la vertu éthique. En janvier 2009, en application du décret exécutif signé par Belkhadem en 2006, sur décision administrative, tavernes, guinguettes et restaurants de cette corniche ouest-algéroise ont dû baisser rideau. Même le très fréquenté «Sauveur» n’y a pas échappé. Tout comme le restaurant «El Yasmina», «le Sauveur» s’était vu signifier une fermeture de 60 jours, avec pose de scellées. «El Yasmina» a été fermé pour «absence de gérant et vente d’alcool en service table sans repas.» «Le Sauveur», lui, a été fermé pour «exercice d’activité sans agrément». Les deux établissements ont rouvert, après s’être conformés à la nouvelle réglementation. La vague de fermetures, rappelons- le, a concerné, outre ces deux établissements, une dizaine d’autres bars et bars-restaurants.
Enquête réalisée par Sofiane Aït-Iflis
Sur le tout Didouche- Mourad (ex-rue Michelet), les bistrots où l’on peut se racler la gorge en faisant glouglou d’une bière fraîche ou boire par rasades une chope à la mousse drue et écumante ont disparu. Les uns après les autres. Le dernier en date à avoir baissé rideau dans cette grande artère, au cœur d’Alger, est le bar «la République», place Audin. Il ne subsiste même plus l’enseigne pour rappeler que derrière la grille métallique solidement cadenassée existait un bar où l’on pouvait s’arrêter pour étancher sa soif. La fermeture, nous renseigne un assidu des lieux, ne procède pas d’une contrainte administrative. «C’est le patron qui a décidé de fermer boutique», indique, sans autre précision, notre interlocuteur qui, depuis cette fermeture, ne sait plus à quel autre tenancier se vouer. Il lui arrivait jadis, avant qu’Alger n’accélère sa mue inexorable vers le régime sec, de rompre avec l’habitude et traîner sa frêle silhouette un peu plus bas, au «Bar Michel» où il ne manquait pas d’amitiés. Désormais, il doit pousser plus loin pour prendre sa bière. Le «Bar Michel» a, lui aussi, fermé. Définitivement, transformé qu’il est en magasin de prêt-à-porter. Notre interlocuteur, appelons-le Hamid, apprend, non sans grande peine, à fréquenter «le Dôme», le bistrot proche de la place Audin resté encore ouvert. Chaque fois qu’il s’y rend, il est davantage peiné de passer devant «les Quat z’arts», un bistrot fermé depuis plusieurs années, ou encore «la Cafétéria» également fermée, après avoir tenté vainement de revivre en tant que restaurant. Si «la Cafétéria» a changé d’enseigne pour devenir «restaurant les Gourmets de la Fac», le bistrot «les Quat z’arts» a gardé la même enseigne, comme s’il refuse de mourir. Le cœur palpitant d’Alger se vide de ses bistrots. Sur la rue Larbi-Ben-M’hidi (exrue d’Isly), un seul bar demeure encore en activité. Un seul bar est resté également ouvert sur l’interminable rue Hassiba-Ben- Bouali. Il y a quelques années, pas loin de la place du 1er-Mai, rebaptisée place de la Concorde nationale, deux bistrots avaient pignon sur rue. L’un est parti dans les décombres de la démolition d’immeubles, l’autre est fermé après une rixe qui ameuta le voisinage. Vers l’est d’Alger, il faudra pousser jusqu’à Hussein-Dey pour trouver un bar encore ouvert. Le tout Belcourt en est sevré. De même pour El-Harrach, Kouba, Bachdjarrah.
Près d’une centaine de bistrots fermés depuis 2006
Depuis 2006, année où l’administration obligea les tenanciers de bistrots déjà en activité à se conformer à une nouvelle procédure réglementaire, près d’une centaine de bars et de bars-restaurants a fermé. Alors chef de gouvernement, Abdelaziz Belkhadem signa et promulgua un décret exécutif soumettant l’activité, le commerce des boissons alcoolisées, en l’occurrence, à la délivrance, en sus de la traditionnelle licence et d’un registre du commerce, d’un agrément. À solliciter auprès de la Direction de la réglementation de la Wilaya, cet agrément suppose la constitution et la présentation de tout un dossier, qui, il faut le mentionner, intègre les résultats des enquêtes de conformité, y compris l’enquête commodo et incommodo. Et s’il incommode à une commission de wilaya ou de wilaya déléguée de délibérer et de délivrer (ou refuser) son quitus, il revient, en dernier ressort, au wali de statuer. Le décret de Belkhadem a fait de nombreuses victimes. Souvent, les fermetures temporaires ordonnées en attendant la conformité aux nouvelles dispositions réglementaires s’éternisent. C’est le cas de ce bistrot sis rue des Frères Khelladi, une ruelle perpendiculaire à la rue Ben- M’hidi. L’établissement a été ouvert dans les années 1960. Il était le point de chute de bien de célébrités artistiques de passage à Alger. Cela fait près de deux ans que le bistrot est fermé sur décision administrative. Pour rouvrir, il lui faudra avoir le fameux agrément. Toute une procédure.
Bab-el-Oued au régime sec
La vague de fermetures des bistrots et autres débits de boissons pour cause de non-conformité à la nouvelle réglementation, édictée dans le cadre du décret exécutif signé par Abdelaziz Belkhadem, a frappé de plein fouet la daïra de Babel- Oued où il ne subsiste quasiment point de bistrots ouverts. Hormis le grand hôtel Kettani et le restaurant le Dauphin qui se sont maintenus en activité, l’alcool n’est nullement servi ailleurs à Bab-el-Oued. Le bar du carrefour Triolet, «le Zaccar», «le Faisan d’Or,» «le Tout Alger», «la Petite Marmite», «la Famille, «le Scoubidou» sont aujourd’hui autant d’enseignes défaites et d’activités éteintes. «La Grand’brasse» n’y a pas échappé. À la différence des bistrots qui, déjà, ont laissé place aux magasins de prêt-à-porter ou de fastfood, «la Grand’brasse», fermée au printemps 2007 sur un arrêté du wali d’Alger, ne veut pas mourir. Son patron a saisi la justice pour obtenir la main levée. L’affaire est toujours en cours. Peut-être que «la Grand’brasse» échappera au désert éthylique qui s’étend jusqu’à La Madrague ! Car, de Bologhine jusqu’à la Pointe- Pescade, point de bistrots ouverts. Tous les bars ont fermé. Même La Madrague, la franchement éthylique, a failli être soumise à la vertu éthique. En janvier 2009, en application du décret exécutif signé par Belkhadem en 2006, sur décision administrative, tavernes, guinguettes et restaurants de cette corniche ouest-algéroise ont dû baisser rideau. Même le très fréquenté «Sauveur» n’y a pas échappé. Tout comme le restaurant «El Yasmina», «le Sauveur» s’était vu signifier une fermeture de 60 jours, avec pose de scellées. «El Yasmina» a été fermé pour «absence de gérant et vente d’alcool en service table sans repas.» «Le Sauveur», lui, a été fermé pour «exercice d’activité sans agrément». Les deux établissements ont rouvert, après s’être conformés à la nouvelle réglementation. La vague de fermetures, rappelons- le, a concerné, outre ces deux établissements, une dizaine d’autres bars et bars-restaurants.
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