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Comprendre la polémique provoquée par le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb

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  • Comprendre la polémique provoquée par le film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb

    Depuis la mi-avril 2010, la presse française (France 24, Paris Match, Le Point, Le Figaro, Mediapart…), la presse algérienne (El Watan, Le Quotidien d’Oran, L’Expression…) et de nombreux blogs (notamment ici et là) se sont fait l’écho d’une surprenante polémique à propos du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb, présenté dans le cadre de la sélection officielle au Festival de Cannes et qui sera sur les écrans en septembre 2010.

    À l’origine de la polémique, la campagne engagée par le député UMP des Alpes-Maritimes Lionnel Luca contre ce film, qu’il n’a pas vu, mais dont il a estimé (dans une déclaration à l’AFP du 22 avril), à la seule lecture de son scénario, qu’il était inspiré par un « esprit négatif et négationniste » et que « Bouchareb est un partisan, […] un irresponsable qui met le feu aux poudres de manière insupportable ». Non sans menacer : « Ça ne va pas se passer comme ça. »

    Parmi les principaux reproches formulés par le député (et repris le 29 avril par le député UMP de Béziers, Élie Aboud), la façon dont le film rend compte des terribles massacres perpétrés en Algérie en mai et juin 1945 – au prix de plus de 10 000 morts – par l’armée française et des milices coloniales à Sétif, Guelma, Kherrata et dans plusieurs localités du Nord-Constantinois. Opérées en représailles à l’assassinat de 103 colons européens par des paysans algériens révoltés par la violente répression de la manifestation nationaliste du 8 mai 1945 à Sétif, ces tueries ont longtemps été effacées de l’histoire officielle de la République française.

    Il a fallu attendre le 27 février 2005 pour que la France reconnaisse, par un discours à Sétif de son ambassadeur en Algérie, Hubert Colin de Verdière, qu’il s’agissait d’une « tragédie inexcusable ». Reconnaissance répétée en avril 2008 par son successeur Bernard Bajolet, qui a évoqué à Guelma ces « épouvantables massacres » et la « très lourde responsabilité des autorités françaises de l’époque dans ce déchaînement de folie meurtrière », soulignant que ces événements « ont fait insulte aux principes fondateurs de la République française et marqué son histoire d’une tache indélébile » : « Aussi durs que soient les faits, la France n’entend pas, n’entend plus, les occulter. Le temps de la dénégation est terminé. »

    Malgré ces déclarations officielles sans ambigüité, il se trouve donc encore aujourd’hui des responsables politiques français, nostalgiques de l’Algérie française, pour tenter de prolonger le « temps de la dénégation ». C’est pourquoi, pour comprendre les enjeux de la polémique déclenchée par le film de Rachid Bouchareb, il faut, 65 ans après les faits, en revenir à leur histoire, que l’on pourra découvrir à travers cinq livres importants que nous avons publiés ces dernières années :

    * Yves Benot, Massacres coloniaux. 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas des colonies françaises, La Découverte, 1994 (édition de poche : 2001).

    * Boucif Mekhaled, Chroniques d’un massacre. 8 mai 1945 : Sétif, Guelma, Kherrata, Syros, 1995.

    * Annie Rey-Goldzeiguer, Aux origines de la guerre d’Algérie, 1940-1945. De Mers-El-Kébir aux massacres du Nord-Constantinois, La Découverte, 2001 (édition de poche : 2006).

    * Marcel Reggui, Les Massacres de Guelma. Algérie, mai 1945 : une enquête inédite sur la furie des milices coloniales, La Découverte, 2006 (édition de poche : 2008).

    * Jean-Pierre Peyroulou, Guelma, 1945. Une subversion française dans l’Algérie coloniale, La Découverte, 2009.

    Sans oublier le témoignage majeur de l’historien et militant Mohammed Harbi, qui relate dans le premier tome de ses mémoires l’épopée de la Fédération de France du FLN pendant la guerre de libération algérienne, au cœur du film Hors-la-loi : Mohammed Harbi, Une vie debout. Mémoires politiques, tome 1 : 1945-1962, La Découverte, 2001.

    Ainsi que les ouvrages de référence de l’historien Benjamin Stora :

    * Histoire de la guerre d’Algérie (1954-1962), La Découverte, coll. « Repères », 1991.
    * La Gangrène et l’oubli. La mémoire de la guerre d’Algérie, La Découverte, 1991 (édition de poche : 1998).
    A paraître le 12 mai, Ruptures Postcoloniales

    Les nouveaux visages de la société française
    Sous la direction de Nicolas Bancel, Florence Bernault, Pascal Blanchard, Ahmed Boubeker, Achille Mbembe et Françoise Vergès
    A lire l’entretien paru dans le JDD de Pascal Blanchard, à propos du film Hors-la-loi

    Oumma

  • #2
    A l'approche du festival du Cannes, au cours duquel "Hors la loi" représentera le cinéma algérien, la polémique enfle encore.


    Mardi 4 mai, 19h30 - REUTERS

    Sélectionné en compétition officielle pour représenter l'Algérie ce mois-ci au festival de Cannes, "Hors la loi" est la suite du film "Indigènes", qui rendait hommage aux tirailleurs algériens qui se sont battus pour la France pendant la Seconde Guerre mondiale.
    Le long métrage du Franco-Algérien Rachid Bouchareb raconte cette fois le parcours de trois frères dont la famille a survécu aux massacres de Sétif, répression sanglante d'émeutes nationalistes en 1945, sur fond de guerre d'Algérie (1954-1962).
    Le récit de l'épisode de Sétif inquiète le député UMP Lionnel Luca, qui n'a toutefois pas vu le film coproduit par quatre pays (France, Algerie, Belgique et Tunisie)
    Le député français s'appuie sur une interview donnée par Rachid Bouchareb au journal algérien El Watan en juin 2009, dans laquelle le cinéaste déclare que "Hors la loi va sans doute rétablir une vérité historique confinée dans les coffres".
    Pour Lionnel Luca, "M. Bouchareb doit admettre qu'il puisse être contesté". "Rétablir la vérité historique ? Quelle prétention sur un sujet aussi délicat !", a dit l'élu à Reuters.
    Lionnel Luca dit avoir reçu, dans sa démarche, le soutien du député-maire de Cannes Bernard Brochand et du député des Bouches-du-Rhône Christian Kert.
    Dénonçant une "machination politique", un collectif proche de l'extrême droite nommé "Vérité Histoire - Cannes 2010" appelle par ailleurs sur un site internet à manifester à Cannes et à "pourrir" le festival, qui aura lieu du 12 au 23 mai.
    "CEUX QUI EN PARLENT NE L'ONT PAS VU"
    Interpellé à ce sujet lors des questions d'actualité à l'Assemblée nationale mardi, Frédéric Mitterrand a repoussé les "allégations" à propos d'un film qui n'a pas encore été montré au public.
    "J'observe que la plupart de ceux qui en parlent ne l'ont pas vu", a-t-il dit. "Je le verrai moi-même très prochainement pour me forger une opinion. Les historiens feront aussi ce travail d'analyse, même s'il s'agit d'un film de fiction".
    Citant notamment le film "La Rafle" relatant la rafle du Vel d'Hiv visant les juifs en juillet 1942, le ministre a rappelé que le cinéma contribuait "à sa façon au devoir de mémoire".
    "Tout le reste n'est qu'allégations qui contribuent à entraver le climat d'un débat qui devrait être salutaire", a-t-il ajouté.
    Pour Frédéric Mitterrand, lui-même cinéaste, "les débats sur le drame de la guerre d'Algérie sont sains, ils nous aident à reconstituer une trame essentielle de notre passé récent".
    "Les événements tragiques de Sétif sont connus, de nombreux historiens les ont relatés à travers livres et documentaires de télévision", a souligné le ministre de la Culture.
    Le secrétaire d'Etat à la Défense et aux Anciens combattants, Hubert Falco, a écrit à Lionnel Luca pour lui indiquer que le Service historique de la défense (SHD) avait été saisi en juin 2009 afin d'analyser le contenu historique du synopsis de "Hors la loi".
    Dans son rapport rendu en septembre, le SHD a relevé des "inexactitudes pas conformes à l'Histoire" à propos de Sétif, a-t-on précisé dans l'entourage d'Hubert Falco.
    "Entre le mois de juin et maintenant, le scénario a forcément évolué. Aujourd'hui, personne n'a vu le film ici, donc on ne peut pas de prononcer", a-t-on ajouté de même source.

    Elizabeth Pineau, édité par Gilles Trequesser

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