vendredi 7 mai 2010
«Pour qu’un écologiste soit élu président, il faudrait que les arbres votent.»
Coluche
Près de 10 jours après l’explosion et le coulage de la plate-forme de BP dans le golfe du Mexique, les Etats-Unis craignent une marée noire dévastatrice. Onze personnes sont portées disparues. Le gouvernement américain a décrété la marée noire «catastrophe nationale». Selon les estimations avancées, le naufrage de Deepwater Horizon provoquerait une fuite sous-marine de 800.000 litres de pétrole par jour. Se rapprochant dangereusement des côtes de la Louisiane, les garde-côtes américains ont commencé à mettre le feu à la nappe de pétrole brut qui s’étendrait aujourd’hui sur 4 800 km², à une trentaine de kilomètres des côtes de la Louisiane, particulièrement active en termes de pêcheries. Cette solution n’est pas sans risque pour l’environnement, la combustion rejetant d’épaisses fumées polluantes. Les conséquences sur la biodiversité pourraient se révéler dévastatrices pour le golfe du Mexique, mais aussi des zones protégées comme l’estuaire du Mississippi, qui comptent de nombreuses espèces d’oiseaux et d’animaux marins. (1)
Face à l’ampleur prise par la catastrophe liée à l’explosion d’une plate-forme pétrolière BP, Barack Obama met la pression sur le groupe pétrolier britannique. Il somme la compagnie de colmater la fuite responsable de la gigantesque marée noire qui s’approche dangereusement des côtes de la Louisiane. «Que cela soit bien clair. BP est responsable de la fuite. BP paiera la facture», expliquait le président américain lors de son déplacement en Louisiane ce week-end avant de préciser que «nous sommes confrontés à une catastrophe écologique peut-être sans précédent». (2)
Le coût total de la catastrophe pourrait s’élever à quelque 7 milliards de dollars selon un analyste de chez Bernstein. Dans son discours, Barack Obama s’inquiétait tout particulièrement pour l’industrie de la pêche dans les marais de Louisiane. Pour Roger Halphen, dont toute la famille vit de la pêche dans la région, interrogé par Reuters, la pêche des poissons et crustacés dans cette région des Etats-Unis représente à elle-seule près de 20% de la production nationale. «L’étendue de la nappe de pétrole explique qu’il est impossible de contrôler la marée noire. Le seul moyen immédiat aurait été de réussir à colmater les fuites du puits et à ce jour les tentatives de BP - à l’aide de robots sous-marins - se sont soldées par un échec.» La marée noire pourrait continuer de s’étendre pendant 30 à 90 jours. A raison de 5000 barils de pétrole déversés chaque jour dans l’océan, nous risquons donc d’être en présence d’un désastre écologique encore plus grave que la marée noire causée par l’échouage de l’Exxon Valdez en Alaska en 1989.(3)
Les marées noires dans l’histoire récente du pétrole
Depuis 1967, 86 accidents en 43 ans ont été recensés pour 6,5 millions de tonnes de pétrole dont une vingtaine avec des tonnages dépassant les 100.000 tonnes. L’estimation globale est difficile. En ajoutant les 150 millions de barils (environ 19.737.000 t) estimés déversés sur le sol koweïtien suite à la destruction de près de 700 puits (plus grande catastrophe pétrolière de tous les temps), c’est au total 26 millions de tonnes déversées avec des dégâts considérables sur la faune et la flore marine. On rapporte que la catastrophe du golfe du Mexique a donné lieu à une nappe de 1500 km² pour un débit de fuite de 5000 barils/jour. Proportionnellement, la somme des naufrages et catastrophes depuis une quarantaine d’années est équivalente, toutes proportions gardées, à la superficie de l’Europe (4,2 millions de km²). La surface possible couverte est équivalente à celle de l’Europe !! Imaginons les dégâts occasionnés Quand on sait qu’une épaisseur de quelques millimètres suffit à étouffer la vie. On conçoit le dommage pour la faune et pour la flore. Les oiseaux englués ne s’en sortent pas parce que même dégraissés avec des solvants, ils ne sont plus comme avant. L’Exxon Valdez en Alaska a laissé une nature désolée qui ne s’est jamais complètement remise.
Les marées noires ont frappé l’opinion dès l’origine, et furent l’occasion de décisions juridiques qu’il n’est pas toujours facile d’appliquer. L’une d’elles, toute récente, marque la reconnaissance du préjudice écologique dans le droit français : c’est le jugement du procès de l’Erika, le 16 janvier dernier... Le Torrey Canyon, un pétrolier battant pavillon libérien mais appartenant à une compagnie américaine, s’échoue le 18 mars 1967 au large des côtes britanniques. 120.000 tonnes de brut s’échappent de ses soutes pour venir envahir les rivages de l’Angleterre et de la France. Les chercheurs anglais estimèrent à 100.000 tonnes d’algues détruites en quelques semaines par la marée noire, la recolonisation a été suivie pendant une dizaine d’années.
L’affaire de l’Erika est fameuse aussi parce qu’elle marque une inflexion juridique en faveur du droit de l’environnement. Les mêmes conséquences ont été observées après le naufrage du pétrolier géant l’Amoco Cadiz le 16 mars 1978 en face du petit port de Portsall, à moins de deux miles de la côte nord- ouest du Finistère, où il y déversa 223.000 tonnes de pétrole léger et 4000 tonnes de fuel lourd en une douzaine de jours. Les conséquences écologiques de cette marée noire ont été catastrophiques. (...) En baie de Morlaix, on a observé une réduction de 20% du nombre des espèces, de 80% de la densité des individus, de 40% de la biomasse totale. A la suite d’une telle catastrophe, on observe trois étapes : une phase de destruction des espèces vivantes puis une phase de stabilisation dont la durée varie de quelques mois à plus d’un an et enfin une phase de recolonisation et de restructuration du peuplement qui s’étend sur une période de 6 à 10 ans. Conséquences de la marée noire de l’Erika 40.000, c’est le chiffre d’oiseaux recueillis vivants, un mois après le naufrage de l’Erika. Si l’on devait comptabiliser les morts, beaucoup plus nombreux, et ceux morts en mer sans laisser de trace, le chiffre serait probablement multiplié au moins par 4 !!
C
«Pour qu’un écologiste soit élu président, il faudrait que les arbres votent.»
Coluche
Près de 10 jours après l’explosion et le coulage de la plate-forme de BP dans le golfe du Mexique, les Etats-Unis craignent une marée noire dévastatrice. Onze personnes sont portées disparues. Le gouvernement américain a décrété la marée noire «catastrophe nationale». Selon les estimations avancées, le naufrage de Deepwater Horizon provoquerait une fuite sous-marine de 800.000 litres de pétrole par jour. Se rapprochant dangereusement des côtes de la Louisiane, les garde-côtes américains ont commencé à mettre le feu à la nappe de pétrole brut qui s’étendrait aujourd’hui sur 4 800 km², à une trentaine de kilomètres des côtes de la Louisiane, particulièrement active en termes de pêcheries. Cette solution n’est pas sans risque pour l’environnement, la combustion rejetant d’épaisses fumées polluantes. Les conséquences sur la biodiversité pourraient se révéler dévastatrices pour le golfe du Mexique, mais aussi des zones protégées comme l’estuaire du Mississippi, qui comptent de nombreuses espèces d’oiseaux et d’animaux marins. (1)
Face à l’ampleur prise par la catastrophe liée à l’explosion d’une plate-forme pétrolière BP, Barack Obama met la pression sur le groupe pétrolier britannique. Il somme la compagnie de colmater la fuite responsable de la gigantesque marée noire qui s’approche dangereusement des côtes de la Louisiane. «Que cela soit bien clair. BP est responsable de la fuite. BP paiera la facture», expliquait le président américain lors de son déplacement en Louisiane ce week-end avant de préciser que «nous sommes confrontés à une catastrophe écologique peut-être sans précédent». (2)
Le coût total de la catastrophe pourrait s’élever à quelque 7 milliards de dollars selon un analyste de chez Bernstein. Dans son discours, Barack Obama s’inquiétait tout particulièrement pour l’industrie de la pêche dans les marais de Louisiane. Pour Roger Halphen, dont toute la famille vit de la pêche dans la région, interrogé par Reuters, la pêche des poissons et crustacés dans cette région des Etats-Unis représente à elle-seule près de 20% de la production nationale. «L’étendue de la nappe de pétrole explique qu’il est impossible de contrôler la marée noire. Le seul moyen immédiat aurait été de réussir à colmater les fuites du puits et à ce jour les tentatives de BP - à l’aide de robots sous-marins - se sont soldées par un échec.» La marée noire pourrait continuer de s’étendre pendant 30 à 90 jours. A raison de 5000 barils de pétrole déversés chaque jour dans l’océan, nous risquons donc d’être en présence d’un désastre écologique encore plus grave que la marée noire causée par l’échouage de l’Exxon Valdez en Alaska en 1989.(3)
Les marées noires dans l’histoire récente du pétrole
Depuis 1967, 86 accidents en 43 ans ont été recensés pour 6,5 millions de tonnes de pétrole dont une vingtaine avec des tonnages dépassant les 100.000 tonnes. L’estimation globale est difficile. En ajoutant les 150 millions de barils (environ 19.737.000 t) estimés déversés sur le sol koweïtien suite à la destruction de près de 700 puits (plus grande catastrophe pétrolière de tous les temps), c’est au total 26 millions de tonnes déversées avec des dégâts considérables sur la faune et la flore marine. On rapporte que la catastrophe du golfe du Mexique a donné lieu à une nappe de 1500 km² pour un débit de fuite de 5000 barils/jour. Proportionnellement, la somme des naufrages et catastrophes depuis une quarantaine d’années est équivalente, toutes proportions gardées, à la superficie de l’Europe (4,2 millions de km²). La surface possible couverte est équivalente à celle de l’Europe !! Imaginons les dégâts occasionnés Quand on sait qu’une épaisseur de quelques millimètres suffit à étouffer la vie. On conçoit le dommage pour la faune et pour la flore. Les oiseaux englués ne s’en sortent pas parce que même dégraissés avec des solvants, ils ne sont plus comme avant. L’Exxon Valdez en Alaska a laissé une nature désolée qui ne s’est jamais complètement remise.
Les marées noires ont frappé l’opinion dès l’origine, et furent l’occasion de décisions juridiques qu’il n’est pas toujours facile d’appliquer. L’une d’elles, toute récente, marque la reconnaissance du préjudice écologique dans le droit français : c’est le jugement du procès de l’Erika, le 16 janvier dernier... Le Torrey Canyon, un pétrolier battant pavillon libérien mais appartenant à une compagnie américaine, s’échoue le 18 mars 1967 au large des côtes britanniques. 120.000 tonnes de brut s’échappent de ses soutes pour venir envahir les rivages de l’Angleterre et de la France. Les chercheurs anglais estimèrent à 100.000 tonnes d’algues détruites en quelques semaines par la marée noire, la recolonisation a été suivie pendant une dizaine d’années.
L’affaire de l’Erika est fameuse aussi parce qu’elle marque une inflexion juridique en faveur du droit de l’environnement. Les mêmes conséquences ont été observées après le naufrage du pétrolier géant l’Amoco Cadiz le 16 mars 1978 en face du petit port de Portsall, à moins de deux miles de la côte nord- ouest du Finistère, où il y déversa 223.000 tonnes de pétrole léger et 4000 tonnes de fuel lourd en une douzaine de jours. Les conséquences écologiques de cette marée noire ont été catastrophiques. (...) En baie de Morlaix, on a observé une réduction de 20% du nombre des espèces, de 80% de la densité des individus, de 40% de la biomasse totale. A la suite d’une telle catastrophe, on observe trois étapes : une phase de destruction des espèces vivantes puis une phase de stabilisation dont la durée varie de quelques mois à plus d’un an et enfin une phase de recolonisation et de restructuration du peuplement qui s’étend sur une période de 6 à 10 ans. Conséquences de la marée noire de l’Erika 40.000, c’est le chiffre d’oiseaux recueillis vivants, un mois après le naufrage de l’Erika. Si l’on devait comptabiliser les morts, beaucoup plus nombreux, et ceux morts en mer sans laisser de trace, le chiffre serait probablement multiplié au moins par 4 !!
C
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