Alors que le gouvernement prépare une loi d'interdiction du voile intégral, «Le Figaro Magazine» publie en exclusivité des extraits du livre Sous mon Niqab* : une terrible aventure qui s'est déroulée dans la France du XXIesiècle, à quelques centaines de mètres de chez vous...
«Zeina fait partie des jeunes filles musulmanes qui ont étudié et ont un travail, ce qui n'est pas si simple dans une famille traditionnelle où on lui dit : «A quoi cela te servira-t-il, inch Allah ! Tu trouveras un mari»... Elle rencontre un jeune homme dont elle tombe amoureuse. Il est croyant, mais sans ostentation. Ils se marient. Mais, peu à peu, alors qu'elle est enceinte de quelques semaines, le climat entre eux change...
J'ai été interloquée un jour où nous avons croisé une femme voilée, quand mon mari m'a vivement saisie par le bras, me l'a indiquée d'un geste du menton :
Macha'Allah ! Ce que Dieu veut ! Regarde- la, c'est certainement une bonne épouse. C'est une femme bien, qui ne veut pas se montrer.
Je ne savais pas comment réagir, je ne savais pas s'il plaisantait ou s'il était sérieux. Je n'ai donc pas réagi, nous avons poursuivi notre chemin. Je n'ai plus pensé à cet incident jusqu'au week-end suivant où, là, l'insistance de mon mari a frôlé le harcèlement. Chaque femme voilée que nous croisions entraînait son satisfecit.
Macha'Allah ! Ce que Dieu veut !
(...) Portais-je vraiment une tenue indécente, ce jour où il m'avait probablement guettée par la fenêtre et m'attendait sur le palier ? J'ai été surprise de le voir là. Surprise et heureuse. J'ai ri, je lui ai demandé pourquoi il m'attendait, j'ai escompté un baiser. Il m'a répondu par un violent coup de pied dans le tibia. Mon rire s'est arrêté : qu'est-ce que tu as ? Qu'est-ce qui se passe ?
Il m'a répondu par une gifle, m'a demandé si je comptais devenir exhibitionniste. Je suis restée interdite, je ne comprenais pas ce que j'avais fait de mal. Il ne m'a rien expliqué, m'a juste craché :
La prochaine fois que tu sors dans une telle tenue, sache que ce ne sera pas la peine de revenir.
«Ton Paradis est sous les pieds de ton époux»
Accepter de porter un voile court en croyant limiter les exigences, c'est en fait mettre le doigt dans l'engrenage. Les mois passent, Zeina va bientôt accoucher. Son mari exige qu'elle abandonne son travail et reste à la maison. Il lui dit qu'elle doit lui être soumise, qu'il la sauvera ainsi de l'Enfer : «Ton Paradis est sous les pieds de ton époux.» Après lui avoir imposé le jilbab en la rouant de coups, il lui offre un cadeau dans une boîte qu'elle répugne à ouvrir. Elle s'y résout enfin...
Le niqab et les différentes pièces que j'allais désormais superposer jusqu'à disparaître complètement aux yeux du monde, je les ai étalés sur le lit. Je savais exactement dans quel ordre procéder pour m'en vêtir, j'ai évité de réfléchir, il fallait que je me lance. J'ai enfilé d'épaisses chaussettes noires, un pantalon de jogging, noir lui aussi. Les «soeurs» rencontrées à la mosquée me l'avaient conseillé quand je m'étais affublée du jilbab. Je n'en voyais pas l'utilité puisque la robe traînait par terre, mais elles m'avaient expliqué qu'un pantalon me protégerait si un coup de vent malencontreux soulevait quelque peu ma robe, ou bien si je la soulevais moi-même pour monter des marches ou pour protéger l'ourlet de la pluie. Je serais ainsi rassurée : aucun homme ne pourrait entrevoir la forme de ma cheville revêtue de noir ou, pis encore, celle de mon mollet. J'avais suivi leur conseil : puisque je faisais une chose, autant la faire bien ; n'était-ce pas ce que l'on m'avait toujours répété ?
«Ce tissu (...) aussi raide qu'une cage»
J'ai enfilé ma nouvelle robe en regrettant celles que je portais sous le jilbab. Elle était tout aussi large, mais beaucoup plus raide, carrée, dénuée de toute fluidité, de toute souplesse. Et puis tellement noire... J'ai espéré que quelques lavages viendraient à bout de cette résistance, à bout de cette noirceur, mais les jours qui ont suivi m'ont vite détrompée : ce tissu était condamné à rester aussi raide qu'une cage, aussi noir que la mort. (...)
J'avais pensé que l'étape la plus difficile serait celle du port du niqab proprement dit, cette sorte de cape entièrement fermée, entièrement opaque, très ample, qui s'enfile par la tête et descend jusqu'aux chevilles, avec un trou pour la face et deux autres trous à hauteur des mains, des trous sagement munis d'élastiques afin justement d'y glisser les mains, mais sans que la forme de l'avant bras ni même celle du poignet se dévoilent aux regards quand on soulève le bras. J'ai enfilé mes gants noirs, je me suis saisie à deux mains du long rabat cousu à la cape, sur le sommet du crâne, et tombant à mi-poitrine, doté d'une très fine fente pour les yeux, je l'ai tiré, j'ai dissimulé mon visage.
Il me restait à poser le dernier accessoire : le carré de mousseline muni de deux rubans à nouer à l'arrière de la tête. Je l'ai plaqué sur mon front, les rubans filaient entre mes doigts gantés. Je m'y suis reprise à plusieurs fois, je m'énervais, je ne parvenais pas à serrer le noeud, je ne voyais plus rien dans la pénombre de la chambre, le carré est tombé par terre, je me suis accroupie, j'ai sangloté. J'étais aveuglée par mes larmes. Au bout de longues minutes, j'ai senti des mains qui frôlaient ma nuque. Mon mari venait de nouer le carré. Je me suis relevée, je l'ai machinalement remercié.
«Zeina fait partie des jeunes filles musulmanes qui ont étudié et ont un travail, ce qui n'est pas si simple dans une famille traditionnelle où on lui dit : «A quoi cela te servira-t-il, inch Allah ! Tu trouveras un mari»... Elle rencontre un jeune homme dont elle tombe amoureuse. Il est croyant, mais sans ostentation. Ils se marient. Mais, peu à peu, alors qu'elle est enceinte de quelques semaines, le climat entre eux change...
J'ai été interloquée un jour où nous avons croisé une femme voilée, quand mon mari m'a vivement saisie par le bras, me l'a indiquée d'un geste du menton :
Macha'Allah ! Ce que Dieu veut ! Regarde- la, c'est certainement une bonne épouse. C'est une femme bien, qui ne veut pas se montrer.
Je ne savais pas comment réagir, je ne savais pas s'il plaisantait ou s'il était sérieux. Je n'ai donc pas réagi, nous avons poursuivi notre chemin. Je n'ai plus pensé à cet incident jusqu'au week-end suivant où, là, l'insistance de mon mari a frôlé le harcèlement. Chaque femme voilée que nous croisions entraînait son satisfecit.
Macha'Allah ! Ce que Dieu veut !
(...) Portais-je vraiment une tenue indécente, ce jour où il m'avait probablement guettée par la fenêtre et m'attendait sur le palier ? J'ai été surprise de le voir là. Surprise et heureuse. J'ai ri, je lui ai demandé pourquoi il m'attendait, j'ai escompté un baiser. Il m'a répondu par un violent coup de pied dans le tibia. Mon rire s'est arrêté : qu'est-ce que tu as ? Qu'est-ce qui se passe ?
Il m'a répondu par une gifle, m'a demandé si je comptais devenir exhibitionniste. Je suis restée interdite, je ne comprenais pas ce que j'avais fait de mal. Il ne m'a rien expliqué, m'a juste craché :
La prochaine fois que tu sors dans une telle tenue, sache que ce ne sera pas la peine de revenir.
«Ton Paradis est sous les pieds de ton époux»
Accepter de porter un voile court en croyant limiter les exigences, c'est en fait mettre le doigt dans l'engrenage. Les mois passent, Zeina va bientôt accoucher. Son mari exige qu'elle abandonne son travail et reste à la maison. Il lui dit qu'elle doit lui être soumise, qu'il la sauvera ainsi de l'Enfer : «Ton Paradis est sous les pieds de ton époux.» Après lui avoir imposé le jilbab en la rouant de coups, il lui offre un cadeau dans une boîte qu'elle répugne à ouvrir. Elle s'y résout enfin...
Le niqab et les différentes pièces que j'allais désormais superposer jusqu'à disparaître complètement aux yeux du monde, je les ai étalés sur le lit. Je savais exactement dans quel ordre procéder pour m'en vêtir, j'ai évité de réfléchir, il fallait que je me lance. J'ai enfilé d'épaisses chaussettes noires, un pantalon de jogging, noir lui aussi. Les «soeurs» rencontrées à la mosquée me l'avaient conseillé quand je m'étais affublée du jilbab. Je n'en voyais pas l'utilité puisque la robe traînait par terre, mais elles m'avaient expliqué qu'un pantalon me protégerait si un coup de vent malencontreux soulevait quelque peu ma robe, ou bien si je la soulevais moi-même pour monter des marches ou pour protéger l'ourlet de la pluie. Je serais ainsi rassurée : aucun homme ne pourrait entrevoir la forme de ma cheville revêtue de noir ou, pis encore, celle de mon mollet. J'avais suivi leur conseil : puisque je faisais une chose, autant la faire bien ; n'était-ce pas ce que l'on m'avait toujours répété ?
«Ce tissu (...) aussi raide qu'une cage»
J'ai enfilé ma nouvelle robe en regrettant celles que je portais sous le jilbab. Elle était tout aussi large, mais beaucoup plus raide, carrée, dénuée de toute fluidité, de toute souplesse. Et puis tellement noire... J'ai espéré que quelques lavages viendraient à bout de cette résistance, à bout de cette noirceur, mais les jours qui ont suivi m'ont vite détrompée : ce tissu était condamné à rester aussi raide qu'une cage, aussi noir que la mort. (...)
J'avais pensé que l'étape la plus difficile serait celle du port du niqab proprement dit, cette sorte de cape entièrement fermée, entièrement opaque, très ample, qui s'enfile par la tête et descend jusqu'aux chevilles, avec un trou pour la face et deux autres trous à hauteur des mains, des trous sagement munis d'élastiques afin justement d'y glisser les mains, mais sans que la forme de l'avant bras ni même celle du poignet se dévoilent aux regards quand on soulève le bras. J'ai enfilé mes gants noirs, je me suis saisie à deux mains du long rabat cousu à la cape, sur le sommet du crâne, et tombant à mi-poitrine, doté d'une très fine fente pour les yeux, je l'ai tiré, j'ai dissimulé mon visage.
Il me restait à poser le dernier accessoire : le carré de mousseline muni de deux rubans à nouer à l'arrière de la tête. Je l'ai plaqué sur mon front, les rubans filaient entre mes doigts gantés. Je m'y suis reprise à plusieurs fois, je m'énervais, je ne parvenais pas à serrer le noeud, je ne voyais plus rien dans la pénombre de la chambre, le carré est tombé par terre, je me suis accroupie, j'ai sangloté. J'étais aveuglée par mes larmes. Au bout de longues minutes, j'ai senti des mains qui frôlaient ma nuque. Mon mari venait de nouer le carré. Je me suis relevée, je l'ai machinalement remercié.
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