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L’inquiétude face à l’islam dépasse la question de la burqa

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  • L’inquiétude face à l’islam dépasse la question de la burqa

    Eveline-Widmer Schlumpf songe à une réaction proportionnée face au voile intégral. Une interdiction, au niveau local ou cantonal, de cacher son identité
    Analyse

    Il y a en Suisse une inquiétude réelle, une peur diffuse face à l’islam, mais il n’y a ni rejet fondamental, ni haine généralisée. C’est ce que mettait en lumière l’analyse Vox effectuée par l’Université de Berne au lendemain de l’adoption de l’initiative «anti-minarets», le 29 novembre dernier.

    C’est ce qu’illustre le débat sur le voile intégral, la burqa ou le niqab, relancé par la motion du Grand Conseil argovien demandant son interdiction sur la voie publique.

    Il n’y a pas que les fondamentalistes du Conseil central islamique suisse, l’organisation radicale du Biennois Nicolas Blancho, à susciter l’inquiétude. Le vote des Suisses contre la construction de minarets a été un geste symbolique face à l’extension de l’islam et du modèle de société qu’ils croient percevoir.

    On aurait tort de sous-estimer ou de nier ces craintes. Même si, du point de vue de la raison, cette méfiance des Suisse n’est pas fondée. En effet, deux tiers de nos concitoyens, de manière contradictoire, admettent que le mode de vie des musulmans peut faire bon ménage avec celui des Suisses d’une autre religion. Chacun sait que les organisations islamistes ne représentent pas davantage l’islam que les intégristes d’Ecône l’Eglise catholique.

    Nous sommes dans la perception. Pas dans le raisonnable. Renvoyer l’expression de ces craintes au bas étage du populisme, c’est s’exposer à de dangereux retours de flamme. C’est le genre de brûlures douloureuses dont la Suisse a fait l’amère expérience en novembre dernier ou avec les initiatives visant à limiter le nombre d’étrangers.

    Comme le montre le débat français sur l’identité nationale, il y a une crise en Europe autour des valeurs, le sens de la communauté et ce qui nous relie. On peut s’en réjouir ou le regretter, mais le fait est que, comme l’écrivait le philosophe Marcel Gauchet, «le déclin de la religion se paie en difficulté d’être soi. C’est une société psychiquement épuisante».

    «A tort, nombre de Suisses ou d’Européens, confrontés à une immigration venue de pays musulmans, ont l’impression que les fidèles de l’islam ont plus de valeurs sur lesquelles s’appuyer, qu’ils ont plus confiance en eux», dit Stéphane Lathion, de l’Observatoire des religions en Suisse. D’où la crainte d’un islam conquérant qui imposerait insidieusement son mode de vie ici. Le sentiment est renforcé par la montée du communautarisme au Québec où des groupes fondamentalistes, sous le couvert du respect des minorités, ont réussi à obtenir la consécration de droits qui leur soient spécifiquement applicables. Le droit des femmes à voter sans se découvrir le visage ou de ne pas se dévoiler lors d’un contrôle policier. Les inquiétudes sont particulièrement vives s’agissant de l’école, des leçons d’éducation sexuelle ou de natation.

    La réalité est bien sûr différente, dit Stéphane Lathion. Plus de 90% des habitants de religion musulmane n’aspirent qu’à vivre comme les Suisses, partagent les mêmes valeurs démocratiques, se distancient des extrémismes et pratiquent – quand ils le font – de manière discrète.

    Il ne faut pas non plus sous-estimer l’effet sur la population du discours sectaire et inquiétant des organisations radicales islamistes même minoritaires. Devant une commission du parlement français, l’anthropologue Mounia Bouzar parlait de l’utilisation de la religion pour construire une barrière entre l’adepte et les autres. Autre caractéristique des groupuscules salafistes, où les femmes portent le niqab, le discours comme processus de purification interne. Les salafistes, dit-elle, sont persuadés de détenir seuls la vérité. Ils se pensent supérieurs au reste du monde. D’où le sentiment d’arrogance que beaucoup ressentent en présence d’une femme portant le niqab ou devant un Nicolas Blancho qui refuse de serrer une main féminine.

    Les quelques dizaines de femmes qui portent le voile intégral en Suisse sont généralement des néoconverties, des femmes nées en Suisse, au bénéfice d’une excellente formation, dit Stéphane Lathion. La question de l’intégration est donc un faux problème.

    Même si le phénomène reste minoritaire, la perception qui compte, c’est celle de la rue. C’est pourquoi, sans interdire le voile intégral, ce qui serait ressenti par les musulmans comme une nouvelle atteinte contre l’islam, la conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf songe à «une réaction proportionnée». Par exemple interdire, au niveau cantonal ou communal, la dissimulation permanente et délibérée de l’identité au nom de la sécurité, englobant aussi bien le port du niqab que de la cagoule ou du masque.

    Yves Petignat
    letemps.ch
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence
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