« L’histoire me sera indulgente car j’ai l’intention de l’écrire »
Winston Churchill
L’œil clair derrière ses lunettes est scrutateur, chaleureux. Le regard s’amuse et s’anime au moment où Chawki commence à raconter un pan entier de sa vie.
« C’est un battant qui parle crûment, qui va droit au but », témoigne son ami de longue date, Sid-Ali Abdelhamid, ancien cadre du PPA.Militant de la cause nationale, membre de la direction du ppa depuis septembre 1940, Chawki est le concepteur du drapeau algérien. Il a figuré dans l’Exécutif provisoire mandaté par le gpra, chargé de préparer le référendum d’autodétermination et l’élection de la première Assemblée nationale constituante de l’Etat algérien. Chawki, pour qui le culte du souvenir est une condition de survie de l’âme d’un peuple, dénonce la chape de plomb qui pèse sur l’écriture de l’histoire car, dit-il : « Nous avons assisté depuis notre indépendance en 1962 à une conspiration du silence sur l’origine réelle et lointaine de l’action libératrice et l’appropriation, parfois insidieuse, d’autres fois frontale, de la paternité de la politique et de l’action. » Le mois de mai 1945, date charnière du mouvement national, Chawki l’a intensément vécu. « L’avantage pour moi d’avoir été contemporain et au milieu des événements du fait de mes propres responsabilités, me permet d’apporter aux récits et interprétations des faits de cette période de l’histoire du mouvement national une vue originale et vécue pour compléter, préciser, et si nécessaire, rectifier certaines choses. »
Avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, Chawki était déjà imprégné des idéaux de liberté et de justice sociale. Dès l’âge de 20 ans, il était à l’avant-garde des luttes. Si au collège de Sétif, il a pris faits et cause pour le problème national algérien, c’est à la faculté d’Alger, où il poursuit ses études de médecine, qu’il a affiné sa conscience politique.
Engagé dès sa prime jeunesse
Il a été désigné par un groupe d’une dizaine d’étudiants qui avaient décidé de lancer le combat insurrectionnel après la défaite de la France en juin 1940, pour les représenter comme membre à la direction du parti sur proposition du Dr Lamine Debaghine, responsable du ppa. L’homme qui est né le 5 novembre 1919 à M’sila où son père était cadi, qui a grandi dans son fief à Bordj Bou Arréridj, avait vite pris du galon. Au début de 1945, l’avancée des Alliés laissait prévoir la fin du nazisme. « On était considérés par les Français comme des nationalistes, des sécessionnistes et des suppots de la lutte nazie en Europe. Dans l’acception de l’opinion populaire, l’ennemi de notre ennemi pourrait être notre ami. En politique, ce n’est pas toujours le cas, or nous étions partie prenante, dans les faits de la lutte contre le nazisme et le fascisme. Le Pacte atlantique qui préconisait le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes confortant notre politique. De fait, il y avait une source de légitimation de notre lutte. Il fallait à tout prix que la fin de la guerre qui allait se solder par des manifestations à l’échelle internationale avec une médiatisation extrême, soit exploitée pour affirmer le mouvement indépendantiste et la nation algérienne. Il fallait absolument que le jour de la victoire, les Algériens défilassent séparément avec quelque chose qui les différenciasse des défilés organisés par l’occupant. Cela ne pouvait être que l’étendard national. On en avait discuté à la direction du parti. On s’est souvenus qu’en 1937, après le meeting de Messali Hadj au stade municipal, la foule s’est ébranlée jusqu’à la Grande Poste, déployant un drapeau représentant l’Etoile nord-africaine et le ppa. Nous avions chargé Asselah Hocine, membre de la direction, de trouver un exemplaire de cet étendard, dont un militant avait souvenance seulement des couleurs vert, blanc et rouge. Nous avons décidé d’adopter ces couleurs. L’essentiel est qu’il soit reconnaissable par rapport au drapeau français, censé être le drapeau de l’Algérie. La direction du parti a chargé Asselah, Chadly Mekki et moi-même de préparer un projet. Asselah m’avait dit : ’’Toi tu as l’habitude, essaie de réfléchir à la conception.’’ J’étais étudiant en médecine et j’habitais au 27 rue de Mulhouse à Alger. Le soir, je consacrais mon temps à confectionner plusieurs modèles dont j’ ai gardé deux, celui qu’on voit aujourd’hui et un autre qui avait retenu l’attention avec deux bandes horizontales vertes et une bande blanche au milieu marquée par un croissant et une étoile. Le choix s’est finalement porté sur l’actuel drapeau qui a été déployé en 1945. Le 8 Mai 1945 a coûté cher à notre peuple certes mais il nous aura rendu un immense service, celui de confirmer que l’ère de la revendication platonique est définitivement enterrée et que l’incantation verbale de l’indépendance est largement dépassée. »
Winston Churchill
L’œil clair derrière ses lunettes est scrutateur, chaleureux. Le regard s’amuse et s’anime au moment où Chawki commence à raconter un pan entier de sa vie.
« C’est un battant qui parle crûment, qui va droit au but », témoigne son ami de longue date, Sid-Ali Abdelhamid, ancien cadre du PPA.Militant de la cause nationale, membre de la direction du ppa depuis septembre 1940, Chawki est le concepteur du drapeau algérien. Il a figuré dans l’Exécutif provisoire mandaté par le gpra, chargé de préparer le référendum d’autodétermination et l’élection de la première Assemblée nationale constituante de l’Etat algérien. Chawki, pour qui le culte du souvenir est une condition de survie de l’âme d’un peuple, dénonce la chape de plomb qui pèse sur l’écriture de l’histoire car, dit-il : « Nous avons assisté depuis notre indépendance en 1962 à une conspiration du silence sur l’origine réelle et lointaine de l’action libératrice et l’appropriation, parfois insidieuse, d’autres fois frontale, de la paternité de la politique et de l’action. » Le mois de mai 1945, date charnière du mouvement national, Chawki l’a intensément vécu. « L’avantage pour moi d’avoir été contemporain et au milieu des événements du fait de mes propres responsabilités, me permet d’apporter aux récits et interprétations des faits de cette période de l’histoire du mouvement national une vue originale et vécue pour compléter, préciser, et si nécessaire, rectifier certaines choses. »
Avant le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, Chawki était déjà imprégné des idéaux de liberté et de justice sociale. Dès l’âge de 20 ans, il était à l’avant-garde des luttes. Si au collège de Sétif, il a pris faits et cause pour le problème national algérien, c’est à la faculté d’Alger, où il poursuit ses études de médecine, qu’il a affiné sa conscience politique.
Engagé dès sa prime jeunesse
Il a été désigné par un groupe d’une dizaine d’étudiants qui avaient décidé de lancer le combat insurrectionnel après la défaite de la France en juin 1940, pour les représenter comme membre à la direction du parti sur proposition du Dr Lamine Debaghine, responsable du ppa. L’homme qui est né le 5 novembre 1919 à M’sila où son père était cadi, qui a grandi dans son fief à Bordj Bou Arréridj, avait vite pris du galon. Au début de 1945, l’avancée des Alliés laissait prévoir la fin du nazisme. « On était considérés par les Français comme des nationalistes, des sécessionnistes et des suppots de la lutte nazie en Europe. Dans l’acception de l’opinion populaire, l’ennemi de notre ennemi pourrait être notre ami. En politique, ce n’est pas toujours le cas, or nous étions partie prenante, dans les faits de la lutte contre le nazisme et le fascisme. Le Pacte atlantique qui préconisait le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes confortant notre politique. De fait, il y avait une source de légitimation de notre lutte. Il fallait à tout prix que la fin de la guerre qui allait se solder par des manifestations à l’échelle internationale avec une médiatisation extrême, soit exploitée pour affirmer le mouvement indépendantiste et la nation algérienne. Il fallait absolument que le jour de la victoire, les Algériens défilassent séparément avec quelque chose qui les différenciasse des défilés organisés par l’occupant. Cela ne pouvait être que l’étendard national. On en avait discuté à la direction du parti. On s’est souvenus qu’en 1937, après le meeting de Messali Hadj au stade municipal, la foule s’est ébranlée jusqu’à la Grande Poste, déployant un drapeau représentant l’Etoile nord-africaine et le ppa. Nous avions chargé Asselah Hocine, membre de la direction, de trouver un exemplaire de cet étendard, dont un militant avait souvenance seulement des couleurs vert, blanc et rouge. Nous avons décidé d’adopter ces couleurs. L’essentiel est qu’il soit reconnaissable par rapport au drapeau français, censé être le drapeau de l’Algérie. La direction du parti a chargé Asselah, Chadly Mekki et moi-même de préparer un projet. Asselah m’avait dit : ’’Toi tu as l’habitude, essaie de réfléchir à la conception.’’ J’étais étudiant en médecine et j’habitais au 27 rue de Mulhouse à Alger. Le soir, je consacrais mon temps à confectionner plusieurs modèles dont j’ ai gardé deux, celui qu’on voit aujourd’hui et un autre qui avait retenu l’attention avec deux bandes horizontales vertes et une bande blanche au milieu marquée par un croissant et une étoile. Le choix s’est finalement porté sur l’actuel drapeau qui a été déployé en 1945. Le 8 Mai 1945 a coûté cher à notre peuple certes mais il nous aura rendu un immense service, celui de confirmer que l’ère de la revendication platonique est définitivement enterrée et que l’incantation verbale de l’indépendance est largement dépassée. »
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