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Parle, dis ma sœur de Rachid Ezziane

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  • Parle, dis ma sœur de Rachid Ezziane

    Dans ce livre Parle, dis ma sœur paru aux éditions El-Maârifa, l’auteur Rachid Ezziane bafoue la morale puritaine ancestrale qui englobait la femme algérienne dans son rôle de subordonnée, en fouillant dans les tréfonds de son âme pour extraire l’invisible : ses sensations personnelles et les évènements désastreux qui foisonnent dans sa vie dès sa puberté. Si les épisodes relatifs à son intimité profonde semblent sortir d’un temps révolu pour le commun des mortels, néanmoins leur existence est toujours d’actualité dans plusieurs de nos régions.

    Dans son avant-propos, il dit : «C’est dans le fond de leurs yeux que j’ai décelé les choses non dites, jamais dites. Sur les traces des femmes qui vivent dans le pays des phallocrates, je suis parti. Seuls les regards disaient la chose subie. Ils m’ont toujours parlé les yeux des femmes de mon pays.»

    Dans une vingtaine de titres, Rachid Ezziane parle des aventures intimes se faisant de la sorte l’avocat muet de la femme algérienne dans un tribunal fantôme. Et pour cause : les femmes savent pertinemment qu’elles ne peuvent pas étaler leurs sensations dans le monde machiste des hommes, fait pour les hommes.

    Dans son premier titre, La nuisette tachée de sang,l’auteur anime la nuit de noces de nos femmes où chacune d’elles se retrouve et se rappelle la barbarie de cette nuit pour un viol légalisé, où la pudeur légendaire de nos mères disparaît dans cette attente d’une virginité filiale, seule garante de l’honorabilité familiale.

    Si dans un autre texte Rachid Ezziane dévoile la brutalité de l’époux battant son épouse, il met tout autant en exergue l’emprisonnement de la jeune fille par le frère en quête de souffre-douleur.

    Quant à Mahdia, victime du reniement familial qui la chasse de la maison après sa souillure par un viol, son histoire est similaire au bon époux, universitaire de surcroît, qui annonce à sa moitié son mariage avec une autre. Le veuvage de nos femmes n’est pas mieux loti quand la belle-famille, forte de son droit de partage familial, impose à la veuve le beau-frère comme époux.

    Le summum de l’horreur faite à nos femmes est atteint quand dans le titre Autrefois, au pays de Farane l’auteur évoque la duplicité de l’homme et son absence d’amour envers sa fillette de trois ans, qu’il va enterrer vivante.

    Dans un autre titre, un duo des plus significatifs entre une mère et sa fille rebelle à un mode de vie ancestral, celle-ci préféra se donner la mort pour être en complémentarité avec une mère lui demandant une soumission comparable à la sienne et sa conscience lui imposant son contraire.

    Voyageant plus loin dans les pensées féminines, Rachid Ezziane , dans un bref récit, déploie une ingéniosité parfaite pour écrire le calvaire de la femme à laquelle on veut faire croire que l’Occident est pervers, car synonyme de liberté féminine.

    Rachid Ezziane décrit pourtant les pensées meurtrières de la femme envers son époux pour acquérir cette liberté de pensée, d’agir qui fait tant défaut à celle que l’on prénomme «La femme». L’épée de Damoclès est brandie à chaque altercation conjugale pour évoquer le divorce — arme masculine par excellence pour la femme rebelle, à juste titre, aux multiples coïts journaliers de l’époux suivis de bastonnade !

    Dans le titre Tu es digne d’être ma préférée, phrase émise par le père d’une fille surdouée et de trois garçons envieux qui prirent leur revanche machiste à la mort du père en la mariant à plus pervers qu’eux, après une carrière fulgurante décimée par l’époux qui lui rabattra son caquet.

    Rachid Ezziane évoque le regard masculin luxurieux, qui déshabille la femme voilée ou pas, dehors, ou les observations désobligeantes de l’époux quand l’épouse ose déclarer sa fatigue, sa maladie ou autre... La phrase du fils demandant à sa maman si elle a été heureuse dans un enclos masculin par excellence nous montre par la réponse donnée que tout acte se résume à un prolongement méthodique et répétitif où seules la foi et la croyance au mektoub permettent aux femmes de supporter une suprématie de l’homme, sans aucun moyen d’y échapper.

    La nature humaine étant ainsi, l’auteur en dernière partie parle de l’héritage dont le père fait une donation à son seul fils au détriment de ses trois filles, non mariées. La conclusion est évidente, la femme, dès son jeune âge, mariée ou non, voit ses droits spoliés par l’homme, en sus de sa liberté physique ou morale.


    Par Aksouh Fatma-Zohra, auteure , Le Soir
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