Par Laurent Sacco, Futura-Sciences
La théorie dominante de la formation de la Terre est celle de l’accrétion homogène. Ces dernières années, de nouveaux éléments incitent les planétologues à réhabiliter, au moins en partie, une théorie concurrente, celle de l’accrétion hétérogène. Une récente publication va dans ce sens.
La théorie de la formation des planètes n’est pas qu’une affaire de mécanique céleste et de physique, c’est aussi une question de chimie – de cosmochimie pour être précis. Dans ce cadre, la formation de la Terre avait été étudiée essentiellement à l’aide de deux modèles au cours du XXe siècle. Ces derniers reposent sur ce que l’on sait de la structure différentiée de la planète (avec un noyau ferreux, un manteau, un croûte, une hydrosphère et une atmosphère) et les données issues des analyses des météorites et des roches lunaires.
Dans le cadre de la théorie de l’accrétion, on part initialement d’une nébuleuse protosolaire froide riche en gaz et en poussières, comme celles qu'observe actuellement Herschel. Un proto-Soleil se forme, entouré d’un disque dans lequel des embryons de planètes apparaissent en accrétant de la matière. Au sein de ce disque existe un gradient chimique et thermique, les matériaux se condensant d'autant plus loin du Soleil qu'ils sont volatils. C’est pourquoi de la glace ne peut exister que loin du Soleil.
Pour la suite de l'histoire de la formation de la Terre, deux théories s'affrontent : celle de l'accrétion homogène et celle de l'accrétion hétérogène. Dans le cadre de la seconde, la structure de la Terre est presque aussi vieille que la planète elle-même car ce sont d’abord les éléments les plus lourds et les matériaux les moins volatils qui s’agglomèrent les premiers. C’est pourquoi le cœur formé essentiellement de fer et de nickel apparaît d'abord, suivi rapidement d’un manteau silicaté et, peu de temps après, d’une atmosphère.
Selon la théorie adverse, la Terre se forme d’abord à partir d’un matériau chondritique plutôt homogène, c'est-à-dire de météorites et de planétésimaux. Elle ne se différentie qu'ensuite, en moins de cent millions d’années. Ce modèle de l'accrétion homogène est assez rapidement devenu dominant après la fin des missions Apollo.
Ces dernières années cependant, certains ont proposé que l’accrétion ne pouvait pas être intégralement homogène. En effet, expliquent-ils, la différenciation des petits corps célestes ultérieurement accrétés pendant ces cent millions d’années s’est elle aussi produite pendant une certaine durée. De plus, le modèle de dégazage du manteau censé expliquer l’origine de l’atmosphère et des océans terrestres perd du terrain depuis quelques années. L’eau des océans serait ainsi venue de l’espace.
La preuve par l'argent
Une publication récente dans Science vient d’apporter une pièce de plus au dossier d’une réhabilitation, au moins partielle, du modèle de l’accrétion hétérogène. Richard Carlson et ses collègues Maria Schönbächler, Erik Hauri, Mary Horan et Tim Mock se sont intéressés à de petites variations des abondances des isotopes de l’argent dans les météorites et les roches terrestres.
L’argent se présente sous la forme de deux isotopes stables. L’un, l’argent 107, est la trace d’un radioélément éteint, le palladium 107. Très instable, celui-ci s’est transformé en argent 107 en moins de 30 millions d’années au début de la formation du Système solaire. Or, le palladium est moins volatil que l’argent et a de ce fait tendance à se lier plus facilement avec le fer. On peut donc se servir des traces laissées par cette radioactivité éteinte pour estimer à quel point le matériau à l’origine de la Terre était riche en éléments volatils.
Or, manteau terrestre et météorites primitives présentent des rapports 107Ag/109Ag très proches. Une partie non négligeable de la Terre provient donc de l’accrétion d’un matériau contenant des quantités non négligeables d’éléments volatils alors que ce n’est plus le cas actuellement (la Terre manque d’hydrogène, de carbone et d’azote par exemple).
Ce rapport entre surtout en contradiction avec l’estimation de la datation de la formation du cœur de la Terre avec les isotopes de tungstène et de hafnium qui indiquent une durée comprise entre 30 et 100 millions d’années. En effet, les isotopes de l’argent conduisent, eux, à un âge de 5 à 10 millions d’années.
Pour les cosmochimistes, une bonne façon de réconcilier ces données est de supposer que 85 % de la masse de la planète provient de l'accrétion de matériaux pauvres en éléments volatils, qui se sont accumulés les premiers. Cette phase aurait été suivie d'une période d'accrétion de matériaux riches en éléments volatils, similaires à ceux des chondrites primitives mais pas nécessairement identiques. Cela revient donc à faire revivre la théorie de l’accrétion hétérogène.
En fait, ces observations seraient compatibles, d’après les chercheurs, avec la collision entre la proto-Terre et Théia, à l’origine de la formation de la Lune dans la théorie actuellement en vogue. Théia aurait apporté en une seule fois l’essentiel des matériaux riches en éléments volatils.
La théorie dominante de la formation de la Terre est celle de l’accrétion homogène. Ces dernières années, de nouveaux éléments incitent les planétologues à réhabiliter, au moins en partie, une théorie concurrente, celle de l’accrétion hétérogène. Une récente publication va dans ce sens.
La théorie de la formation des planètes n’est pas qu’une affaire de mécanique céleste et de physique, c’est aussi une question de chimie – de cosmochimie pour être précis. Dans ce cadre, la formation de la Terre avait été étudiée essentiellement à l’aide de deux modèles au cours du XXe siècle. Ces derniers reposent sur ce que l’on sait de la structure différentiée de la planète (avec un noyau ferreux, un manteau, un croûte, une hydrosphère et une atmosphère) et les données issues des analyses des météorites et des roches lunaires.
Dans le cadre de la théorie de l’accrétion, on part initialement d’une nébuleuse protosolaire froide riche en gaz et en poussières, comme celles qu'observe actuellement Herschel. Un proto-Soleil se forme, entouré d’un disque dans lequel des embryons de planètes apparaissent en accrétant de la matière. Au sein de ce disque existe un gradient chimique et thermique, les matériaux se condensant d'autant plus loin du Soleil qu'ils sont volatils. C’est pourquoi de la glace ne peut exister que loin du Soleil.
Pour la suite de l'histoire de la formation de la Terre, deux théories s'affrontent : celle de l'accrétion homogène et celle de l'accrétion hétérogène. Dans le cadre de la seconde, la structure de la Terre est presque aussi vieille que la planète elle-même car ce sont d’abord les éléments les plus lourds et les matériaux les moins volatils qui s’agglomèrent les premiers. C’est pourquoi le cœur formé essentiellement de fer et de nickel apparaît d'abord, suivi rapidement d’un manteau silicaté et, peu de temps après, d’une atmosphère.
Selon la théorie adverse, la Terre se forme d’abord à partir d’un matériau chondritique plutôt homogène, c'est-à-dire de météorites et de planétésimaux. Elle ne se différentie qu'ensuite, en moins de cent millions d’années. Ce modèle de l'accrétion homogène est assez rapidement devenu dominant après la fin des missions Apollo.
Ces dernières années cependant, certains ont proposé que l’accrétion ne pouvait pas être intégralement homogène. En effet, expliquent-ils, la différenciation des petits corps célestes ultérieurement accrétés pendant ces cent millions d’années s’est elle aussi produite pendant une certaine durée. De plus, le modèle de dégazage du manteau censé expliquer l’origine de l’atmosphère et des océans terrestres perd du terrain depuis quelques années. L’eau des océans serait ainsi venue de l’espace.
La preuve par l'argent
Une publication récente dans Science vient d’apporter une pièce de plus au dossier d’une réhabilitation, au moins partielle, du modèle de l’accrétion hétérogène. Richard Carlson et ses collègues Maria Schönbächler, Erik Hauri, Mary Horan et Tim Mock se sont intéressés à de petites variations des abondances des isotopes de l’argent dans les météorites et les roches terrestres.
L’argent se présente sous la forme de deux isotopes stables. L’un, l’argent 107, est la trace d’un radioélément éteint, le palladium 107. Très instable, celui-ci s’est transformé en argent 107 en moins de 30 millions d’années au début de la formation du Système solaire. Or, le palladium est moins volatil que l’argent et a de ce fait tendance à se lier plus facilement avec le fer. On peut donc se servir des traces laissées par cette radioactivité éteinte pour estimer à quel point le matériau à l’origine de la Terre était riche en éléments volatils.
Or, manteau terrestre et météorites primitives présentent des rapports 107Ag/109Ag très proches. Une partie non négligeable de la Terre provient donc de l’accrétion d’un matériau contenant des quantités non négligeables d’éléments volatils alors que ce n’est plus le cas actuellement (la Terre manque d’hydrogène, de carbone et d’azote par exemple).
Ce rapport entre surtout en contradiction avec l’estimation de la datation de la formation du cœur de la Terre avec les isotopes de tungstène et de hafnium qui indiquent une durée comprise entre 30 et 100 millions d’années. En effet, les isotopes de l’argent conduisent, eux, à un âge de 5 à 10 millions d’années.
Pour les cosmochimistes, une bonne façon de réconcilier ces données est de supposer que 85 % de la masse de la planète provient de l'accrétion de matériaux pauvres en éléments volatils, qui se sont accumulés les premiers. Cette phase aurait été suivie d'une période d'accrétion de matériaux riches en éléments volatils, similaires à ceux des chondrites primitives mais pas nécessairement identiques. Cela revient donc à faire revivre la théorie de l’accrétion hétérogène.
En fait, ces observations seraient compatibles, d’après les chercheurs, avec la collision entre la proto-Terre et Théia, à l’origine de la formation de la Lune dans la théorie actuellement en vogue. Théia aurait apporté en une seule fois l’essentiel des matériaux riches en éléments volatils.
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