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    LA DICTATURE DES MARCHES

    par K. Selim


    La monnaie européenne, malmenée sur les marchés des changes, a retrouvé hier en fin de journée quelques couleurs à la suite de rumeurs faisant état de la sortie de la Grèce de la zone euro. C'est bien, estiment les spécialistes, le seul élément positif dans un tableau général marqué par le recul des Bourses européennes et le repli sous la barre des 68 dollars du baril de brut.

    Le débat, perdu de vue depuis plusieurs mois, sur la régulation des marchés financiers, a été relancé par la décision de la chancellerie allemande d'interdire aux dix plus grandes banques du pays d'opérer dans le secteur, hautement rentable mais éminemment spéculatif, des ventes à découvert de Credit Default Swaps (CDS), afférent à des emprunteurs souverains. Cette interdiction concerne les emprunts d'Etat de la zone euro et les CDS adossés à ces obligations, a précisé un porte-parole de la chancellerie. La vente à découvert consiste à céder à terme et à un prix convenu un actif, en l'occurrence les CDS, que l'on ne détient pas. Le vendeur, qui ne possède pas concrètement le titre qu'il doit transférer à une date convenue, l'achète sur le marché à un prix inférieur à celui auquel il s'est engagé à le céder. Ce type de transaction a pour effet d'accentuer nettement les tendances du secteur de marché auquel appartiennent les CDS échangés.

    Dans le contexte très volatil qui caractérise les titres représentant les créances de certains Etats européens, la vente à découvert exacerbe la baisse de l'offre de crédit et stimule le renchérissement des taux de crédit aux pays dont la dette est jugée trop importante par les investisseurs.

    En interdisant cette sorte de martingale, Angela Merkel a déclaré devant les députés allemands «qu'il était temps que les banques cessent d'extorquer de l'argent aux Etats». Dans son intervention à la tonalité particulièrement grave, la dirigeante a mis l'accent sur la nécessité urgente d'un encadrement beaucoup moins laxiste des marchés financiers. Aussi libérale, voire davantage, que ses homologues des grands Etats de l'UE, Angela Merkel a exhorté les gouvernements européens à envisager une taxe sur les transactions financières. En annonçant l'interdiction des ventes à découvert, la chancelière a joint le geste à la parole et signifié clairement que l'hypothèse d'un éclatement de la zone euro était prise très au sérieux par Berlin.

    La décision des autorités allemandes a pris de court des partenaires européens qui, faisant mine de déplorer «l'unilatéralisme» allemand, sont hostiles à l'encadrement des activités spéculatives. La très conservatrice Angela Merkel, qui dirige la principale économie du continent, semble avoir pris la mesure des effets d'une déstabilisation accentuée des marchés. Les Allemands ont en effet une mémoire particulièrement vive des turbulences monétaires. L'Europe montre au monde qu'une union monétaire non adossée à une politique économique coordonnée et démocratiquement entérinée est un acquis fragile.

    De fait, la politique économique est une affaire de choix approuvé par la majorité des citoyens. Les atermoiements face à la régulation des transactions financières et les réticences devant les orientations allemandes montrent surtout que la réalité politique de l'Union européenne est celle de la dictature des marchés.
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