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Anthologie poétique de Mahmoud Darwich en français

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  • Anthologie poétique de Mahmoud Darwich en français

    Réédition par les Editions Barzakh de la traduction en français d'un choix de poèmes de Mahmoud Darwich sous le titre "Rien qu'une autre année, Anthologie poétique 1966-1982".
    Poèmes traduits par le poète marocain Abdellatif Laâbi.

    Un avant-goût :
    SOLDAT REVANT DE LIS BLANC
    il rêve de lis blanc
    d'un rameau d'olivier
    de la floraison de ses seins au soir
    il rêve – m'a-t-il dit –
    de fleurs d'orangers
    il ne cherche pas à philosopher autour de son rêve
    il comprend les choses
    uniquement comme il les sent, hume
    il comprend – m'a-t-il dit – que la patrie
    c'est de boire le café de sa mère
    et de rentrer le soir.

    je lui ai demandé : Et la terre ?
    il a dit : Je ne la connais pas
    et je ne sens pas qu'elle soit ma peau ou mon pouls
    comme il en va dans les poèmes
    Soudainement, je l'ai vue
    comme je vois cette boutique, cette rue ou ces journaux
    je lui ai demandé : L'aimes-tu ?
    il répondit : Mon amour est une courte promenade
    un verre de vin ou une aventure
    — Mourrais-tu pour elle ?
    — Que non !
    tout ce qui me rattache à la terre
    se limite à un article incendiaire, une conférence
    On m'a appris à aimer son amour
    Mais je n'ai pas senti que son coeur s'identifiait au mien
    je n'en ai pas respiré l'herbe, les racines, les branches
    — Et son amour
    était-il brûlant comme le soleil, la nostalgie ?
    il me répondit avec nervosité :
    — Ma voie d'accès à l'amour est un fusil
    l'avènement de fêtes revenues de vieilles ruines
    le silence d'une statut antique
    dont l'époque et le nom ont été perdus

    il m'a raconté l'instant d'adieu
    comment sa mère pleurait en silence
    lorsqu'il fut conduit quelque part sur le front
    et la voix affligée de sa mère
    gravant sous sa peau une nouvelle espérance :
    Ah si les colombes pouvaient grandir au ministère de la Défense
    si les colombes pouvaient grandir !

    [...]


    Pas le temps de terminer. Je posterai le reste du poème plus tard.
    Dernière modification par benam, 29 mai 2010, 11h50.
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

  • #2
    Le poème dans on intégralité :
    SOLDAT RÊVANT DE LIS BLANCS

    il rêve de lis blancs
    d'un rameau d'olivier
    de la floraison de ses seins au soir
    il rêve – m'a-t-il dit –
    de fleurs d'orangers
    il ne cherche pas à philosopher autour de son rêve
    il comprend les choses
    uniquement comme il les sent, hume
    il comprend – m'a-t-il dit – que la patrie
    c'est de boire le café de sa mère
    et de rentrer au soir

    je lui ai demandé : Et la terre ?
    il a dit : Je ne la connais pas
    et je ne sens pas qu'elle soit ma peau ou mon pouls
    comme il en va dans les poèmes
    Soudainement, je l'ai vue
    comme je vois cette boutique, cette rue ou ces journaux
    je lui ai demandé : L'aimes-tu ?
    il répondit : Mon amour est une courte promenade
    un verre de vin ou une aventure
    — Mourrais-tu pour elle ?
    — Que non !
    tout ce qui me rattache à la terre
    se limite à un article incendiaire, une conférence
    On m'a appris à aimer son amour
    mais je n'ai pas senti que son cœur s'identifiait au mien
    je n'en ai pas respiré l'herbe, les racines, les branches
    — Et son amour
    était-il brûlant comme le soleil, la nostalgie ?
    il me répondit avec nervosité :
    — Ma voie d'accès à l'amour est un fusil
    l'avènement de fêtes revenues de vieilles ruines
    le silence d'une statue antique
    dont l'époque et le nom ont été perdus

    il m'a raconté l'instant des adieux
    comment sa mère pleurait en silence
    lorsqu'il fut conduit quelque part sur le front
    et la voix affligée de sa mère
    gravant sous sa peau une nouvelle espérance :
    Ah si les colombes pouvaient grandir au ministère de la Défense
    si les colombes pouvaient grandir !

    il tira sur sa cigarette, puis ajouta
    comme s'il fuyait une mare de sang :
    J'ai rêvé de lis blancs
    d'un rameau d'olivier
    d'un oiseau embrassant le matin
    sur une branche d'oranger
    — Et qu'as-tu vu ?
    — J'ai vu l'œuvre de mes mains

    un cactus rouge
    que j'ai fait exploser dans le sable, les poitrines, les ventres
    — Combien en as-tu tué ?
    — Il m'est difficile de les compter
    mais j'ai gagné une seule médaille
    Je lui ai demandé, me faisant violence à moi-même :
    Décris-moi donc un seul tué
    il se redressa sur son siège
    caressa le journal plié
    et me dit comme s'il me faisait entendre une chanson :
    Telle une tente, il s'écroula sur les gravats
    il étreignit les astres fracassés
    sur son large front, resplendissait une diadème de sang
    il n'y avait pas de décoration sur sa poitrine
    il était, paraît-il, cultivateur ou ouvrier
    ou alors marchand ambulant
    telle une tente, il s'écroula sur les gravats
    ses bras
    étaient tendus comme deux ruisseaux à sec
    et lorsque j'ai fouillé ses poches
    pour chercher son nom
    j'ai trouvé deux photos
    l'une... de sa femme
    l'autre de sa fille

    je lui ai demandé : T'es-tu attristé ?
    il m'interrompit pour dire : Ami Mahmoud, écoute
    la tristesse est un oiseau blanc
    qui ne hante guère les champs de bataille, et les soldats
    commettent un péché lorsqu'ils s'attristent
    Là-bas, j'étais une machine crachant le feu et la mort
    transformant l'espace en un oiseau d'acier

    il m'a parlé de son premier amour
    et après cela
    de rues lointaines
    des réactions d'après guerre
    de l'héroïsme de la radio et du journal
    et lorsqu'il cacha un crachat dans son mouchoir
    je lui ai demandé : Nous reverrons-nous ?
    il répondit : Dans une ville lointaine

    lorsque j'ai rempli son quatrième verre
    j'ai dit en plaisantant : Tu veux émigrer ? Et la patrie ?
    il me répondit : Laisse-moi
    je rêve de lis blancs
    d'une rue pleine de chansons et d'une maison illuminée
    je veux un cœur tendre, non charger un fusil
    je veux un jour ensoleillé
    non un moment fou de victoire intolérante
    je veux un enfant adressant son sourire à lumière du jour
    non un engin dans la machinerie de guerre
    je suis venu pour vivre le lever du soleil
    non son déclin

    il m'a quitté, car il cherche des lis blancs
    un oiseau accueillant le matin
    sur un rameau d'olivier
    car il ne comprend les choses
    que comme il les sent, hume
    il comprend – m'a-t-il dit – que la patrie
    c'est de boire le café de sa mère
    et rentrer, en paix, avec le soir

    _
    "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

    Commentaire


    • #3
      Benam

      Soldat revant de lys blancs, soldat qui reve de la paix.....Magnifique..sublime....Je n'ai jamais lu un poeme aussi beau..Mer ci Benam et surtout merci d'avoir pris le temps de le rediger et de le partager avec nous...
      S
      Dernière modification par suzanna, 29 mai 2010, 20h43.
      " Le bonheur n' est pas une recompense mais une consequence, La souffrance n' est pas une punition mais un resultat...."
      NULLA DI NUOVO SOTTO IL SOLE.."

      Commentaire


      • #4
        bonjour Benam!

        Je joins ma voix à celle de suzanna pour te remercier d'avoir pensé à partager avec nous ce magnifique texte.

        je crois savoir que ce texte avait sucité une vive polémique à sa publication bien sur du coté israëlien mais aussi du coté arabe.

        D'un coté on lui avait reproché d'écrire ce texte en ces termes : "comment se fait-il qu’il écrive ce genre de poème ? Est-ce qu’il nous demande de quitter le pays pour devenir des amants de la paix ?’’

        Du coté arabe la réaction a été un peu la suivante: comment ose-t-il humaniser un soldat israélien ?’’

        c'est ce que pourrait appeler être pris entre deux feux!

        mais nonobstant la qualité profonde de ce texte que tu nous a proposé je crois que Darwich est massivement plus connu par le poéme suivant que j'ai pris la liberté de mettre ici pour ceux qui ne connaitraient pas cet auteur.j'espére que j'ai bien fait.

        Inscris !
        Je suis Arabe
        Le numéro de ma carte : cinquante mille
        Nombre d'enfants : huit
        Et le neuvième... arrivera après l'été !
        Et te voilà furieux !

        Inscris !
        Je suis Arabe
        Je travaille à la carrière avec mes compagnons de peine
        Et j'ai huit bambins
        Leur galette de pain
        Les vêtements, leur cahier d'écolier
        Je les tire des rochers...
        Oh ! je n'irai pas quémander l'aumône à ta porte
        Je ne me fais pas tout petit au porche de ton palais
        Et te voilà furieux !

        Inscris !
        Je suis Arabe
        Sans nom de famille - je suis mon prénom
        « Patient infiniment » dans un pays où tous
        Vivent sur les braises de
        la Colère
        Mes racines...
        Avant la naissance du temps elles prirent pied
        Avant l'effusion de la durée
        Avant le cyprès et l'olivier
        ...avant l'éclosion de l'herbe
        Mon père... est d'une famille de laboureurs
        N'a rien avec messieurs les notables
        Mon grand-père était paysan - être
        Sans valeur - ni ascendance.
        Ma maison, une hutte de gardien
        En troncs et en roseaux
        Voilà qui je suis - cela te plaît-il ?
        Sans nom de famille, je ne suis que mon prénom.

        Inscris !
        Je suis Arabe
        Mes cheveux... couleur du charbon
        Mes yeux... couleur de café
        Signes particuliers :
        Sur la tête un kefiyyé avec son cordon bien serré
        Et ma paume est dure comme une pierre
        ...elle écorche celui qui la serre
        La nourriture que je préfère c'est
        L'huile d'olive et le thym

        Mon adresse :
        Je suis d'un village isolé...
        Où les rues n'ont plus de noms
        Et tous les hommes... à la carrière comme au champ
        Aiment bien le communisme
        Inscris !
        Je suis Arabe
        Et te voilà furieux !

        Inscris
        Que je suis Arabe
        Que tu as raflé les vignes de mes pères
        Et la terre que je cultivais
        Moi et mes enfants ensemble
        Tu nous as tout pris hormis
        Pour la survie de mes petits-fils
        Les rochers que voici
        Mais votre gouvernement va les saisir aussi
        ...à ce que l'on dit !
        DONC
        Inscris !
        En tête du premier feuillet
        Que je n'ai pas de haine pour les hommes
        Que je n'assaille personne mais que
        Si j'ai faim
        Je mange la chair de mon Usurpateur
        Gare ! Gare ! Gare
        À ma fureur !


        Mahmoud Derwich -1964-
        "Soyez les gardiens de votre cœur et rendez-le propre et pur comme un lieu de prière." .

        Commentaire


        • #5
          Bonjour suzanna, Bonjour pragmatic,

          La qualité du poème est dans les reproches qu'on lui fait, notamment le : "comment ose-t-il humaniser un soldat israélien ?’’

          Un dialogue entre deux personnes qu'en principe tout sépare : un poète palestinien et un soldat israélien. Contrairement aux usages dans cette contrée, malgré les rancoeurs nées d'un long conflit où tous les coup semblent permis, aucun des deux interlocuteurs ne cherche ni à renier l'humanité de l'autre ni à écorner la sienne propre.

          Le rapport des deux à la terre, à la patrie, est magnifiquement mis en relief, que ce soit explicitement ou par allusions. Ainsi :
          Pour le soldat israélien : "On m'a appris à aimer son amour. mais je n'ai pas senti que son cœur s'identifiait au mien"
          Pour le poète : "— Et son amour. était-il brûlant comme le soleil, la nostalgie ?"

          Je suis très content que vous l'ayez apprécié.

          @pragmatic,
          Merci pour le poème. C'est la première fois que je le lis en français. Même traduit, il garde sa force et sa beauté.
          Ce poème aussi révèle la hauteur de vue de Darwich et la profondeur de son humanisme :

          Inscris !
          En tête du premier feuillet
          Que je n'ai pas de haine pour les hommes
          Que je n'assaille personne mais que
          Si j'ai faim
          Je mange la chair de mon Usurpateur
          Gare ! Gare ! Gare
          À ma fureur !



          _
          Dernière modification par benam, 30 mai 2010, 18h13.
          "Je suis un homme et rien de ce qui est humain, je crois, ne m'est étranger", Terence

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          • #6
            Bonjour Benam!

            Même traduit, il garde sa force et sa beauté.
            oui sans doute mais en langue arabe c'est autre chose. c'est sublime.je le sens mieux.

            A bientôt pour d'autres merveilles de la plume.
            "Soyez les gardiens de votre cœur et rendez-le propre et pur comme un lieu de prière." .

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