«Écrire l’Histoire et dire toute la vérité».
La conférence sur la commémoration du 53e anniversaire de l’enlèvement du militant Maurice Audin, organisée hier par l’association Michaâl Echahid au Centre de presse El Moudjahid, s’est transformée en véritable joute oratoire. Les différents intervenants ont insisté sur l’importance de réécrire l’Histoire et de la présenter sans excès, sans exclusion et sans mensonge.
Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Français et Algériens soutiennent cette thèse. Hier, ils ont profité de l’occasion qui leur était présentée pour vider leur sac et «vomir» ce qu’ils pensent, ce qu’ils ne peuvent dire lors des rencontres officielles et publiques trop fermées et académiques. «Nous devons dénoncer des choses et transmettre des messages à la nouvelle génération. La parole est importante, c’est un devoir. Il faut que nos jeunes sachent la vérité. Nous devons la leur dire», s’écriera Zohra Drif, ancienne moudjahida et épouse du défunt Rabah Bitat. Emue, en colère, elle a du mal à mâcher ses mots, le sujet la ronge. «Le livre qui raconte l’histoire immémoriale de l’Algérie n’a pas encore été écrit ! L’Algérie n’est pas uniquement la Révolution de 1954 ! Ce grand manque doit être couvert », dira-t-elle. Plus loin, l’intervenante fera allusion à l’intolérance et au fanatisme politiques qui gangrènent le pays et donnent une mauvaise image de l’Algérie. «En 1954, la société algérienne était ouverte, vivait son temps et suivait tout ce qui se passait à travers le monde, alors que nous étions étouffés. C’était une société ouverte et moderne», martèlera- t-elle. Dans son intervention, Zohra Drif-Bitat a estimé que la Proclamation du 1er Novembre 1954 soutenait que la guerre d’Algérie concernait toute la population, tous les citoyens, sans faire référence à leur nationalité ou leur origine ethnique. «La révolution algérienne était moderne. Il n’y avait pas d’interdit, l’on ne refusait rien, sauf la traîtrise», dira-t-elle, déplorant le fait que les jeunes méconnaissent cette partie de l’histoire du pays et qu’ils ne soient pas sensibilisés sur cette question. Invité à prendre la parole, bien que ne s’étant pas préparé pour la circonstance, Gérard Tronel, ancien mathématicien à l’Université Paris VI et président de la Fondation Maurice-Audin, a improvisé un petit discours. «J’appartiens à la génération qui a refusé la guerre, mais qui était de l’autre côté. J’ai essayé de soutenir Maurice Audin. On s’est battu !», clamera-t-il. Il a annoncé, avec joie, que le 22 juin prochain, une place au nom de Maurice Audin sera inaugurée à Argenteuil où une stèle sera également implantée. Le choix de l’endroit n’est pas fortuit, il est symbolique. Une victoire arrachée. Et d’ajouter : «Le combat de la mémoire est dur même en France. Ceux qui sont considérés comme des héros ici, le sont comme des traîtres chez nous. Maurice Audin est vivant ici. C’est difficile de travailler. Les archives sont bouclées. Je ne sais plus quoi faire. J’ai récemment rencontré Josette Audin. Elle se sent fatiguée, elle est en train de baisser les bras, m’a-t-elle confié avec beaucoup de tristesse.» Abdelkader Guerroudj, ancien condamné à mort, a, pour sa part, rendu un hommage à Maurice Audin, tout en insistant sur les autres héros français et juifs qui ont soutenu de différentes manières la cause nationale et qui n’ont pas quitté l’Algérie indépendante. Un choix qui n’était pas facile à assumer. Pourtant, l’histoire d’aujourd’hui, celle de l’Algérie moderne, de la France républicaine, les exclut. Ce sont les oubliés des deux rives. Enfin, Zoulikha Bekaddour, la belle-sœur de Hadj Ben Alla, s’emportera en citant le nom de Français qui ont combattu pour l’indépendance de l’Algérie mais qui ont été déchus de leur nationalité algérienne. «Pourquoi ? Que fait notre pouvoir ? Ecrire l’Histoire, c’est être franc et regarder la réalité en face. Pourquoi est-il toujours tabou d’écrire l’Histoire ? Nous devons écrire la réalité et ne pas la transformer», conclura-t-elle.
I. B.
La conférence sur la commémoration du 53e anniversaire de l’enlèvement du militant Maurice Audin, organisée hier par l’association Michaâl Echahid au Centre de presse El Moudjahid, s’est transformée en véritable joute oratoire. Les différents intervenants ont insisté sur l’importance de réécrire l’Histoire et de la présenter sans excès, sans exclusion et sans mensonge.
Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Français et Algériens soutiennent cette thèse. Hier, ils ont profité de l’occasion qui leur était présentée pour vider leur sac et «vomir» ce qu’ils pensent, ce qu’ils ne peuvent dire lors des rencontres officielles et publiques trop fermées et académiques. «Nous devons dénoncer des choses et transmettre des messages à la nouvelle génération. La parole est importante, c’est un devoir. Il faut que nos jeunes sachent la vérité. Nous devons la leur dire», s’écriera Zohra Drif, ancienne moudjahida et épouse du défunt Rabah Bitat. Emue, en colère, elle a du mal à mâcher ses mots, le sujet la ronge. «Le livre qui raconte l’histoire immémoriale de l’Algérie n’a pas encore été écrit ! L’Algérie n’est pas uniquement la Révolution de 1954 ! Ce grand manque doit être couvert », dira-t-elle. Plus loin, l’intervenante fera allusion à l’intolérance et au fanatisme politiques qui gangrènent le pays et donnent une mauvaise image de l’Algérie. «En 1954, la société algérienne était ouverte, vivait son temps et suivait tout ce qui se passait à travers le monde, alors que nous étions étouffés. C’était une société ouverte et moderne», martèlera- t-elle. Dans son intervention, Zohra Drif-Bitat a estimé que la Proclamation du 1er Novembre 1954 soutenait que la guerre d’Algérie concernait toute la population, tous les citoyens, sans faire référence à leur nationalité ou leur origine ethnique. «La révolution algérienne était moderne. Il n’y avait pas d’interdit, l’on ne refusait rien, sauf la traîtrise», dira-t-elle, déplorant le fait que les jeunes méconnaissent cette partie de l’histoire du pays et qu’ils ne soient pas sensibilisés sur cette question. Invité à prendre la parole, bien que ne s’étant pas préparé pour la circonstance, Gérard Tronel, ancien mathématicien à l’Université Paris VI et président de la Fondation Maurice-Audin, a improvisé un petit discours. «J’appartiens à la génération qui a refusé la guerre, mais qui était de l’autre côté. J’ai essayé de soutenir Maurice Audin. On s’est battu !», clamera-t-il. Il a annoncé, avec joie, que le 22 juin prochain, une place au nom de Maurice Audin sera inaugurée à Argenteuil où une stèle sera également implantée. Le choix de l’endroit n’est pas fortuit, il est symbolique. Une victoire arrachée. Et d’ajouter : «Le combat de la mémoire est dur même en France. Ceux qui sont considérés comme des héros ici, le sont comme des traîtres chez nous. Maurice Audin est vivant ici. C’est difficile de travailler. Les archives sont bouclées. Je ne sais plus quoi faire. J’ai récemment rencontré Josette Audin. Elle se sent fatiguée, elle est en train de baisser les bras, m’a-t-elle confié avec beaucoup de tristesse.» Abdelkader Guerroudj, ancien condamné à mort, a, pour sa part, rendu un hommage à Maurice Audin, tout en insistant sur les autres héros français et juifs qui ont soutenu de différentes manières la cause nationale et qui n’ont pas quitté l’Algérie indépendante. Un choix qui n’était pas facile à assumer. Pourtant, l’histoire d’aujourd’hui, celle de l’Algérie moderne, de la France républicaine, les exclut. Ce sont les oubliés des deux rives. Enfin, Zoulikha Bekaddour, la belle-sœur de Hadj Ben Alla, s’emportera en citant le nom de Français qui ont combattu pour l’indépendance de l’Algérie mais qui ont été déchus de leur nationalité algérienne. «Pourquoi ? Que fait notre pouvoir ? Ecrire l’Histoire, c’est être franc et regarder la réalité en face. Pourquoi est-il toujours tabou d’écrire l’Histoire ? Nous devons écrire la réalité et ne pas la transformer», conclura-t-elle.
I. B.
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