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Commémoration de l’enlèvement de Maurice Audin.

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  • Commémoration de l’enlèvement de Maurice Audin.

    «Écrire l’Histoire et dire toute la vérité».

    La conférence sur la commémoration du 53e anniversaire de l’enlèvement du militant Maurice Audin, organisée hier par l’association Michaâl Echahid au Centre de presse El Moudjahid, s’est transformée en véritable joute oratoire. Les différents intervenants ont insisté sur l’importance de réécrire l’Histoire et de la présenter sans excès, sans exclusion et sans mensonge.

    Irane Belkhedim - Alger (Le Soir) - Dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Français et Algériens soutiennent cette thèse. Hier, ils ont profité de l’occasion qui leur était présentée pour vider leur sac et «vomir» ce qu’ils pensent, ce qu’ils ne peuvent dire lors des rencontres officielles et publiques trop fermées et académiques. «Nous devons dénoncer des choses et transmettre des messages à la nouvelle génération. La parole est importante, c’est un devoir. Il faut que nos jeunes sachent la vérité. Nous devons la leur dire», s’écriera Zohra Drif, ancienne moudjahida et épouse du défunt Rabah Bitat. Emue, en colère, elle a du mal à mâcher ses mots, le sujet la ronge. «Le livre qui raconte l’histoire immémoriale de l’Algérie n’a pas encore été écrit ! L’Algérie n’est pas uniquement la Révolution de 1954 ! Ce grand manque doit être couvert », dira-t-elle. Plus loin, l’intervenante fera allusion à l’intolérance et au fanatisme politiques qui gangrènent le pays et donnent une mauvaise image de l’Algérie. «En 1954, la société algérienne était ouverte, vivait son temps et suivait tout ce qui se passait à travers le monde, alors que nous étions étouffés. C’était une société ouverte et moderne», martèlera- t-elle. Dans son intervention, Zohra Drif-Bitat a estimé que la Proclamation du 1er Novembre 1954 soutenait que la guerre d’Algérie concernait toute la population, tous les citoyens, sans faire référence à leur nationalité ou leur origine ethnique. «La révolution algérienne était moderne. Il n’y avait pas d’interdit, l’on ne refusait rien, sauf la traîtrise», dira-t-elle, déplorant le fait que les jeunes méconnaissent cette partie de l’histoire du pays et qu’ils ne soient pas sensibilisés sur cette question. Invité à prendre la parole, bien que ne s’étant pas préparé pour la circonstance, Gérard Tronel, ancien mathématicien à l’Université Paris VI et président de la Fondation Maurice-Audin, a improvisé un petit discours. «J’appartiens à la génération qui a refusé la guerre, mais qui était de l’autre côté. J’ai essayé de soutenir Maurice Audin. On s’est battu !», clamera-t-il. Il a annoncé, avec joie, que le 22 juin prochain, une place au nom de Maurice Audin sera inaugurée à Argenteuil où une stèle sera également implantée. Le choix de l’endroit n’est pas fortuit, il est symbolique. Une victoire arrachée. Et d’ajouter : «Le combat de la mémoire est dur même en France. Ceux qui sont considérés comme des héros ici, le sont comme des traîtres chez nous. Maurice Audin est vivant ici. C’est difficile de travailler. Les archives sont bouclées. Je ne sais plus quoi faire. J’ai récemment rencontré Josette Audin. Elle se sent fatiguée, elle est en train de baisser les bras, m’a-t-elle confié avec beaucoup de tristesse.» Abdelkader Guerroudj, ancien condamné à mort, a, pour sa part, rendu un hommage à Maurice Audin, tout en insistant sur les autres héros français et juifs qui ont soutenu de différentes manières la cause nationale et qui n’ont pas quitté l’Algérie indépendante. Un choix qui n’était pas facile à assumer. Pourtant, l’histoire d’aujourd’hui, celle de l’Algérie moderne, de la France républicaine, les exclut. Ce sont les oubliés des deux rives. Enfin, Zoulikha Bekaddour, la belle-sœur de Hadj Ben Alla, s’emportera en citant le nom de Français qui ont combattu pour l’indépendance de l’Algérie mais qui ont été déchus de leur nationalité algérienne. «Pourquoi ? Que fait notre pouvoir ? Ecrire l’Histoire, c’est être franc et regarder la réalité en face. Pourquoi est-il toujours tabou d’écrire l’Histoire ? Nous devons écrire la réalité et ne pas la transformer», conclura-t-elle.

    I. B.
    Il y a des gens si intelligents que lorsqu'ils font les imbéciles, ils réussissent mieux que quiconque. - Maurice Donnay

  • #2
    ENTIÈREMENT d'accord: Il est temps d'écrire une Histoire de la révolution et sans embellir, telle qu'elle a eu lieu.
    Les nouvelles générations ont droit à la vérité.

    Les citoyens laissés en compte ignorent qui sont les Audin, Yveton, Halimi, Maillot, Leban... et bien d'autres.

    On devrait leur consacrer un monument en plein Alger.
    L'homme parle sans réféchir...Le miroir réfléchit sans parler!

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    • #3
      Hélas , il n'y a pas que Maurice Audin.
      Il faut avoir le courage de mettre en scéne tous les Français mort pour la liberation de l'Algérie.
      Et ce n'est pas en conditionnant nos enfants, et l'école et dans le scoutisme, dans un nationalisme etouffant, que l'on arrivera à ouvrir grande la porte de notre Histoire(avec un grand H).
      Nombreux sont les moudjahidines de la Wilaya V ,qui ont on refusé de participer a la rencontre sur l'histoire de la guerre d'Algérie, organisée à Oran, en 1998(si mes souvenirs sont bons) parcequ'il y avait de nombreux pseudo-moudjadines qui y participaient.
      " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

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      • #4
        Hélas , il n'y a pas que Maurice Audin.
        Il faut avoir le courage de mettre en scéne tous les Français mort pour la liberation de l'Algérie.
        Et ce n'est pas en conditionnant nos enfants, et l'école et dans le scoutisme, dans un nationalisme etouffant, que l'on arrivera à ouvrir grande la porte de notre Histoire(avec un grand H).
        Il faut arreter avec l'autoflagellation , l'Algérie n'a jamais oublié ces Européens qui ont participé au combat libérateur du peuple algérien ; la place de la plus belle rue d'Alger , en l'occurence Didouche Mourad , porte le nom du martyr Maurice Audin dont la femme et les enfants viennent régulièrement en Algérie pour assister aux cérémonies de recueillement à la mémoire de leur mari et père!
        À ce que je sache , le parlement algérien n'a jamais légiféré sur l'Histoire du pays qui doit etre du ressort exlusif des historiens et de la société civile qui se bat contre l'oubli et l'impunité des crimes coloniaux et ce n'est pas parcequ'une infime partie de cette société civile en a fait un fond de commerce qu'on doit jeter le bébé avec l'eau du bain , je condamne les dérives mais je dois aussi reconnaitre le travail fait par la Fondation du 8 Mai 45 et l'association Mechaâl Echahid entre autres !
        On devrait leur consacrer un monument en plein Alger.
        Voilà une trés bonne idée , ces hommes et femmes méritent qu'on leur consacre un monument en reconnaissance de leurs actes héroiques !
        Dernière modification par DZone, 13 juin 2010, 15h11.

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        • #5
          Il ne faux pas exagérer non plus, parce qu il y a eu des erreurs dans cette révolution, cette libération, qu il faille ternir l image de notre combat. La résistance française est aussi émoussée par des réglements de comptes, des trahisons...

          Il y a des choses qui doivent etre dites, et cela ne doit pas servir non plus à effacer de notre histoire, la lutte de libération du peuple algérien et du coup, oubliez tous les martyrs tombés depuis l invasion de la France de l Algérie jusqu'à l indépendance.

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          • #6
            Il faut arreter avec l'autoflagellation , l'Algérie n'a jamais oublié ces Européens qui ont participé au combat libérateur du peuple algérien ; la place de la plus belle rue d'Alger , en l'occurence Didouche Mourad , porte le nom du martyr Maurice Audin dont la femme et les enfants viennent régulièrement en Algérie pour assister aux cérémonies de recueillement à la mémoire de leur mari et père!
            À ce que je sache , le parlement algérien n'a jamais légiféré sur l'Histoire du pays qui doit etre du ressort exlusif des historiens et de la société civile
            100% daccord avec tout ca

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            • #7
              Il faut avoir le courage de mettre en scéne tous les Français mort pour la liberation de l'Algérie.....la place de la plus belle rue d'Alger , en l'occurence Didouche Mourad , porte le nom du martyr Maurice Audin dont la femme et les enfants viennent régulièrement
              Les personnes qui se montrent déloyales envers leur pays font preuve de haute trahison. Tous les français morts pour la libération de l’Algérie ont trahi la France. Pourquoi est-ce que l’Algérie considère comme héros un traitre qui se détourne de son pays pour se ranger de notre côté et comme traitre un algérien qui se range du côté de l’ennemi? Pendant la guerre de libération, les Algériens qui ont soutenu les français étaient considérés comme des harkis, par les algériens. Les français qui ont milité aux côtés des Algériens sont considérés comme des traitres par les français. Les 2 traitres, chacun se battant pour une cause qui n'est pas la sienne, n’ont pas connu le même sort. La France a compris qu’un traitre restera toujours un traitre. C’est la raison pour laquelle les vendus Algériens qui ont regagné le territoire français n’ont jamais été les bienvenus. Ghettoïsés, communautarisés, méprisés ils ont vu à travers les agissements de la France ce qu’il en coûte de trahir les siens. Par contre, l’Algérie a honoré les traitres français. Des noms de rues et des commémorations à en revendre. N’y a-t-il pas assez de martyrs algériens dont les noms pourraient être attribués à des avenues, des boulevards et des rues? Qui est le dindon de la farce? Je n’insinue rien, c’est juste que je ne me sens pas coupable de ne pas avoir envie
              de leur consacrer un monument en plein Alger.
              et de vouloir attribuer les noms de nos martyrs à nos rues...

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              • #8
                Il y a d'un cote un peuple et des sympathisants qui se battaient pour le liberte et de l'autre une armee qui devait perpetuer une colonisation et un frange de population qui se battait pour les previleges.

                Mettre ceux qui ont combattus pour la liberte d'un peuple et ceux qui se sont range du cote de l'oppresseur et ont milite contre leur peuple me parait d'une legerete incroyable.

                Maurice Audin et les autres doivent etre honores pour leur militantisme, leur engagement et parfois leur sacrifice pour la LIBERTE de tout un peuple domine pendant de longues decennies.

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                • #9
                  Mettre ceux qui ont combattus pour la liberte d'un peuple et ceux qui se sont range du cote de l'oppresseur et ont milite contre leur peuple me parait d'une legerete incroyable.
                  en effet, ce rapprochement est pour le moins douteux

                  maurice audin est un traitre.....frantz fanon aussi....et le reseau curiel encore plus

                  jean paul sartre doit en faire des bonds dans sa tombe...

                  Un engagement déterminé contre le colonialisme
                  Jean-Paul Sartre et la guerre d’Algérie


                  L’engagement des Temps modernesdans la guerre d’Algérie précède celui de son fondateur et directeur, Jean-Paul Sartre. En mai 1955, la revue fait paraître un numéro sur le conflit et, dans sa livraison de novembre, un article intitulé « L’Algérie n’est pas la France ». Le ton est donné. Les Temps modernesseront saisis tout au long de la guerre : quatre fois en Algérie, une fois en France.
                  C’est en mars 1956 que paraît le premier article de Sartre sur le sujet. Titré « Le colonialisme est un système », il reprend une intervention effectuée lors d’un meeting pour la paix en Algérie, organisé salle Wagram, à Paris, le 27 janvier 1956, sous l’égide du Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre en Algérie. L’article démonte les mécanismes politiques et économiques du colonialisme et appelle au combat contre ce « système ».
                  La prise de conscience anticolonialiste de Sartre ne date pourtant ni de cette date ni du soulèvement algérien de la Toussaint 1954. Depuis plusieurs années, l’intellectuel soutient, en Tunisie, la cause du Néo-Destour (1), au Maroc celle de l’Istiqlal (Indépendance), au congrès duquel il participa en 1948. En 1952, il accorde un entretien au journal de Ferhat Abbas, La République algérienne,et, à l’automne de 1955, apporte son appui au Comité d’action des intellectuels contre la poursuite de la guerre d’Algérie. Francis Jeanson, collaborateur des Temps modernes, qui a publié avec sa femme Colette L’Algérie hors la loi en décembre 1955, contribue également à l’évolution du philosophe.
                  Le véritable moment de l’engagement sartrien en tant qu’individu intervient en 1956. En janvier, Guy Mollet, dirigeant de la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO), devient président du Conseil. Deux mois plus tard, il obtient les pouvoirs spéciaux, qu’il utilisera pour intensifier la guerre. Le vote favorable des communistes à cette occasion amorce la rupture de Sartre avec eux, laquelle sera effective en novembre, quand le PCF approuvera l’invasion de la Hongrie par les chars soviétiques. Mohammed Harbi le résumera en 1990 : « A partir de là, il s’opère chez lui un glissement éthique qui le mène, par touches successives, à découvrir un nouveau sujet de l’Histoire, plus radical que le prolétariat : les colonisés. La cause algérienne en bénéficiera (2). »
                  Parus entre mars 1956 et avril 1962, les textes de Sartre (3) révèlent une vigueur polémique et un courage peu courants à notre époque : la vie du philosophe était menacée, son appartement de la rue Bonaparte fut plastiqué à deux reprises par l’Organisation armée secrète (OAS). Et il ne s’agissait nullement des pseudo-provocations comme celles d’aujourd’hui, destinées à lancer la vente d’un ouvrage ou à déclencher des invitations à en parler dans les médias...
                  En 1957, l’écrivain et essayiste tunisien Albert Memmi publie Portrait du colonisé précédé du Portrait du colonisateur, dont les premiers extraits paraissent dans Les Temps modernes et dans Esprit.Sartre en rend compte dans le numéro de juillet-août des Temps modernes, dans un article qui servira plus tard de préface à ce livre (4).
                  Le texte revient largement sur la question de la violence, déjà développée en mars de l’année précédente dans « Le colonialisme est un système ». Sartre y souligne notamment : « La conquête s’est faite par la violence ; la surexploitation et l’oppression exigent le maintien de la violence, dont la présence de l’armée. (...) Le colonialisme refuse les droits de l’homme à des hommes qu’il a soumis par la violence, qu’il maintient de force dans la misère et l’ignorance, donc, comme dirait Marx, en état de “sous-humanité”. Dans les faits eux-mêmes, dans les institutions, dans la nature des échanges et de la production, le racisme est inscrit (5). »
                  Au couple oppresseur-opprimé récurrent dans l’ensemble des articles sartriens se trouve ici corrélé, implicitement, le couple du colonisateur et du colonisé, notera Mohammed Harbi. L’oppression coloniale paraît à la fois économique et idéologique, et la thématique de la « sous-humanité » demeurera au centre des articles que Sartre consacrera à la guerre d’Algérie. Cette violence prend par conséquent divers visages oppressifs. Le philosophe y reviendra aux lendemains des accords d’Evian, en avril 1962 : dans un article intitulé « Les somnambules » se lit son amertume, mais aussi sa colère encore vivace : « Il faut dire que la joie n’est pas de mise : depuis sept ans, la France est un chien fou qui traîne une casserole à sa queue et s’épouvante chaque jour un peu plus de son propre tintamarre. Personne n’ignore aujourd’hui que nous avons ruiné, affamé, massacré un peuple de pauvres pour qu’il tombe à genoux. Il est resté debout. Mais à quel prix (6) ! »
                  L’idée de la « sous-humanité » vient du fait que, pour Sartre, les colonisés ont été « maintenus par un système oppressif au niveau de la bête (7) », lequel s’est traduit aussi bien par le déni de droit que par le déni de la culture, contraires au respect des « droits de l’homme » sans cesse invoqués par la France. Un texte fameux insiste particulièrement sur ces thématiques de la « violence » et de la « sous-humanité » : il s’agit de la préface qu’il rédige, en septembre 1961, pour les Damnés de la terre, de Frantz Fanon. Psychiatre martiniquais qui épouse très vite la lutte indépendantiste algérienne, membre du Gouvernement provisoire de la république algérienne (GPRA), animateur d’El Moudjahid clandestin, Fanon s’est déjà fait connaître par les essais Peau noire, masques blancs (1952) et L’An V de la révolution algérienne (1959). La rencontre – intellectuelle mais aussi fraternelle – entre deux hommes qui deviendront amis marquera l’itinéraire sartrien.

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                  • #10
                    la suite.....

                    Les Damnés de la terre, essai-bréviaire de la lutte anticolonialiste et tiers-mondiste, décrit minutieusement les mécanismes de la violence mis en place par le colonialisme pour asservir le peuple opprimé. Dans sa préface, Sartre soutient sans réserve les thèses de Fanon et se les réapproprie par son style propre, si particulier. Il y écrit notamment : « (...) ordre est donné de ravaler les habitants du territoire annexé au niveau du singe supérieur pour justifier le colon de les traiter en bêtes de somme. La violence coloniale ne se donne pas seulement le but de tenir en respect ces hommes asservis, elle cherche à les déshumaniser. Rien ne sera ménagé pour liquider leurs traditions, pour substituer nos langues aux leurs, pour détruire leur culture sans leur donner la nôtre ; on les abrutira de fatigue (8). » Ce terme de « bête »sera également utilisé au sujet de la torture : pour les bourreaux, dira Sartre, « le plus urgent, s’il en est temps encore, c’est d’humilier [leurs victimes], de raser l’orgueil de leur cœur, de les ravaler au rang de la bête (9) ».
                    Le premier article de Sartre entièrement consacré à la dénonciation de la torture, « Vous êtes formidables », paraît en mai 1957 dans Les Temps modernes. Au départ, il s’intitulait « Une entreprise de démoralisation », et avait été commandé par Le Monde, qui le refusa, le jugeant trop violent. Un recueil de récits de jeunes recrues, pour la plupart prêtres et aumôniers, venait d’être publié deux mois plus tôt.
                    La préface collective, « Des rappelés témoignent », porte notamment les signatures de Jean-Marie Domenach, Paul Ricœur et René Rémond. Sartre commente l’ouvrage en s’insurgeant contre la complicité des Français et des médias, seulement capables de porter secours au nom de l’humanitarisme, comme dans une émission populaire de Jean Nohain (« Vous êtes formidables »). Sartre y dénonce avec vigueur la torture, mais aussi les autres formes de violence à l’œuvre en Algérie, qui « ont en commun de révéler cette gangrène (...), l’exercice cynique et systématique de la violence absolue. Pillages, viols, représailles exercées contre la population civile, exécutions sommaires, recours à la torture pour arracher des aveux ou des renseignements (10) ».
                    La métaphore de la gangrène – qui s’inscrit dans le champ sémantique de la maladie, courant dans ces textes sartriens – sera à nouveau employée un an plus tard, dans la critique du livre d’Henri Alleg La Question. Cet ouvrage, publié en février 1958 aux Editions de Minuit, donne lieu, en mars, à un numéro spécial des Temps modernes.Militant du Parti communiste algérien (PCA), directeur d’Alger républicain, de 1950 à son interdiction en septembre 1955, Alleg est arrêté par les parachutistes en juin 1957 et torturé au centre de tri d’El-Biar. La Question, premier document de ce type à conquérir une réelle audience, est saisi le 28 mars 1958. André Malraux, Roger Martin du Gard, François Mauriac et Sartre rédigent alors une adresse solennelle au président de la République (Albert Camus refuse de s’y associer). Le 30 mai, Sartre participe, avec l’épouse d’Henri Alleg, Laurent Schwartz et François Mauriac, à une conférence de presse sur « les violations des droits de l’homme en Algérie ».
                    Le 6 mars précédent, au moment de la sortie de La Question,Sartre écrivit dans L’Expressun article, titré « Une victoire », qui provoqua la saisie de l’hebdomadaire, alors dirigé par Jean-Jacques Servan-Schreiber. Il y écrivait notamment : « Vous savez ce qu’on dit parfois pour justifier les bourreaux : qu’il faut bien se résoudre à tourmenter un homme si ses aveux permettent d’épargner des centaines de vies. Belle tartufferie. Alleg pas plus qu’Audin n’était un terroriste ; la preuve, c’est qu’il est inculpé d’“atteinte à la sûreté de l’Etat et de reconstitution de ligue dissoute”. Etait-ce pour sauver des vies qu’on lui brûlait les seins, le poil du sexe ? Non : on voulait lui extorquer l’adresse du camarade qui l’avait hébergé. S’il eût parlé, on eût mis un communiste de plus sous les verrous : voilà tout. Et puis l’on arrête au hasard ; tout musulman est “questionnable” à merci : la plupart des torturés ne disent rien parce qu’ils n’ont rien à dire (11). » Et l’intellectuel d’y reprendre sa métaphore de la maladie contagieuse : « Et d’ailleurs la gangrène s’étend, elle a traversé la mer : le bruit a même couru qu’on mettait à la question dans certaines prisons de la “Métropole” (12). »

                    Contre le cynisme des dirigeants

                    Une fois l’Algérie devenue une affaire de politique intérieure française, Sartre étend l’analogie au-delà du colonialisme, écrivant en septembre 1958, à propos du référendum relatif à l’adoption, le mois suivant, de la Constitution de la Ve République : « Le corps électoral est un tout indivisible ; quand la gangrène s’y met, elle s’étend à l’instant même à tous les électeurs (13). » La même image avait été utilisée en 1955 par l’écrivain antillais Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme : « Il faudrait d’abord étudier comment la colonisation travaille à déciviliser le colonisateur (...), une régression universelle qui s’opère, une gangrène qui s’installe, un foyer d’infection qui s’étend (14). »
                    Cette image va prendre d’autres formes, tel ce passage de la préface aux Damnés de la terreoù Sartre apostrophe les Français : « Il n’est pas bon, mes compatriotes, vous qui connaissez tous les crimes commis en notre nom, il n’est vraiment pas bon que vous n’en souffliez mot à personne, pas même à votre âme, par crainte d’avoir à vous juger. Au début vous ignoriez, je veux le croire, ensuite vous avez douté, à présent vous savez, mais vous vous taisez toujours. Huit ans de silence, ça dégrade. (...) Il suffit aujourd’hui que deux Français se rencontrent pour qu’il y ait un cadavre entre eux. Et quand je dis : un... La France, autrefois, c’était un nom de pays ; prenons garde que ce ne soit, en 1961, le nom d’une névrose (15). »

                    Dès son premier article de 1956, Sartre insiste sur le silence des Français devant l’horreur, dans l’espoir de leur faire comprendre que le colonialisme engage leur responsabilité collective. Il martèle que la domination coloniale s’oppose aux idéaux dont la France se réclame – « Quel bavardage : liberté, égalité, fraternité, amour, honneur, patrie, que sais-je ? Cela ne nous empêchait pas de tenir en même temps des discours racistes, sale nègre, sale juif, sale raton (16) » – mais, pis, en fait un synonyme de fascisme : « Il est notre honte, il se moque de nos lois ou les caricature ; il nous infecte de son racisme (...). Il oblige nos jeunes gens à mourir malgré eux pour les principes nazis que nous combattions il y a dix ans ; il tente de se défendre en suscitant un fascisme jusque chez nous, en France. Notre rôle, c’est de l’aider à mourir. Non seulement en Algérie, mais partout où il existe. (...) La seule chose que nous puissions et devrions tentermais c’est aujourd’hui l’essentiel –, c’est de lutter à ses côtés pour délivrer à la fois les Algériens et les Français de la tyrannie coloniale (17). »

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                    • #11
                      la fin....

                      Du silence à la complicité, il n’y a qu’un pas, ce que Sartre illustre dans « Vous êtes formidables ». Sa colère le conduit au rappel d’une histoire relativement proche, celle de la seconde guerre mondiale : « Fausse candeur, fuite, mauvaise foi, solitude, mutisme, complicité refusée et, tout ensemble, acceptée, c’est cela que nous avons appelé, en 1945, la responsabilité collective. Il ne fallait pas, à l’époque, que la population allemande prétendît avoir ignoré les camps. “Allons donc ! disions-nous. Ils savaient tout !” Nous avions raison, ils savaient tout, et c’est aujourd’hui seulement que nous pouvons le comprendre : car nous aussi nous savons tout. (...) Oserons-nous encore les condamner ? Oserons-nous encore nous absoudre (18) ? »
                      Cette analogie n’est pas le seul fait de Sartre. Elle s’inscrit dans le discours de la presse acquise à la cause de l’indépendance algérienne, de L’Express à France-Observateur– où Claude Bourdet publie en janvier 1955 « Votre Gestapo d’Algérie » – en passant par Esprit.Et Sartre d’assener : « Les crimes que l’on commet en notre nom, il faut bien que nous en soyons personnellement complices puisqu’il reste en notre pouvoir de les arrêter (19). »
                      Des mots encore difficiles à entendre

                      La mystification des gouvernants profite de la complicité de médias désireux que les Français ne sachent pas ce qui se passe en Algérie : « Cacher, tromper, mentir : c’est un devoir pour les informateurs de la Métropole ; le seul crime serait de nous troubler (20). » L’ensemble apparaît aussi comme le signe de la décadence d’une civilisation : « Fiévreuse et prostrée, obsédée par ses vieux rêves de gloire et par le pressentiment de sa honte, la France se débat au milieu d’un cauchemar indistinct qu’elle ne peut ni fuir ni déchiffrer. Ou bien nous verrons clair ou bien nous allons crever (21). »Le philosophe utilise ce dernier verbe, qui abjure toute litote, pour réagir au cynisme criminel de dirigeants à qui il fait dire : « Mollet, au nom de la Compagnie, a fait tomber la foudre sur ces fellahs insolents : qu’ils crèvent de misère pourvu que les actionnaires de Suez touchent leurs dividendes (22). »
                      Mais la contamination ne s’arrêtera pas aux confins de l’Occident. La maladie va s’emparer des colonisés : « L’indigénat est une névrose introduite et maintenue par le colon chez les colonisés avec leur consentement (23) », écrit Sartre dans la préface aux Damnés de la terre. La « folie », désormais intrinsèque aux comportements de la gauche française et aux « agents du colonialisme », va atteindre les colonisés. Cette fois, cependant, ils vont s’en emparer et se l’approprier : « Lisez Fanon : vous saurez que, dans le temps de leur impuissance, la folie meurtrière est l’inconscient collectif des colonisés (24). »
                      En cautionnant leur réaction, à l’instar de Fanon, Sartre opère un renversement axiologique : il charge d’une valeur positive la « folie », retournée par l’opprimé contre l’oppresseur pour se débarrasser de son esclavage, pour se soustraire à la domination coloniale. Il peut alors conclure : « Guérirons-nous ? Oui. La violence, comme la lance d’Achille, peut cicatriser les blessures qu’elle a faites. (...) C’est le dernier moment de la dialectique : vous condamnez cette guerre, mais n’osez pas encore vous déclarer solidaires des combattants algériens ; n’ayez crainte, comptez sur les colons et sur les mercenaires : ils vous feront sauter le pas. Peut-être, alors, le dos au mur, débriderez-vous enfin cette violence nouvelle que suscitent en vous de vieux forfaits recuits. Mais ceci, comme on dit, est une autre histoire. Celle de l’homme. Le temps s’approche, j’en suis sûr, où nous nous joindrons à ceux qui la font (25). »
                      Le combat de Sartre pendant la guerre d’Algérie ne fut pas uniquement une « bataille de l’écrit ». Engagé, l’intellectuel le fut, et sur tous les fronts que lui commandèrent les événements. Il intervint dans plusieurs meetings pour la paix en Algérie (en juin 1960 et, en décembre 1961, à Rome, par exemple) ; il participa à la manifestation silencieuse du 1er novembre 1961 consécutive aux massacres du 17 octobre, à celle du 13 février 1962 protestant contre la répression meurtrière du métro Charonne ; il témoigna à plusieurs procès de « porteurs de valise », dont celui, emblématique, de septembre 1960, connu sous le nom de « procès Jeanson ». « Utilisez-moi comme vous voulez »,avait insisté Sartre, qui venait de signer le Manifeste des 121 (26), avant de s’envoler pour l’Amérique latine, où il sut, là-bas aussi, porter la cause de l’indépendance algérienne.
                      « Fusillez Sartre ! », scandèrent des mouvements d’anciens combattants au cours d’une manifestation, en octobre 1960. En juillet 1961 et en janvier 1962, son appartement fut plastiqué. « Où sont les sauvages, à présent ? Où est la barbarie ? Rien ne manque, pas même le tam-tam : les klaxons rythment “Algérie française” pendant que les Européens font brûler vifs des musulmans (27) », criait Sartre dans la préface aux Damnés de la terre.
                      « Qu’il est plus simple de ne pas faire cas des objets dangereux, de travailler simplement à donner un dernier poli au bel outil universel de la Raison ! De reposer dans le silence, dans l’heureux demi-sommeil conformiste pendant lequel l’Esprit arrangera tout »,s’exclamait Paul Nizan, camarade de Sartre à l’Ecole normale, dans Les Chiens de garde, en 1932 (28).
                      « Non récupérable »,la voix de Sartre dérange encore. Elle nous permet de regarder avec moins de honte cette période de notre histoire. Un intellectuel, fidèle à sa conception de l’engagement du clerc, mit sa plume et sa notoriété au service d’une cause qu’il estimait juste. Pour lui, comme pour Jeanson d’ailleurs, cette bataille valait d’autant plus d’être menée qu’elle permettrait aux Algériens de ne pas avoir pour toute vision de la France celle d’un Etat dont les parachutistes torturaient dans les prisons.
                      La réconciliation franco-algérienne exigeait aux yeux de Sartre que les Français se confrontent à la réalité de leur histoire algérienne : « Vous savez bien que nous sommes des exploiteurs. Vous savez bien que nous avons pris l’or et les métaux, puis le pétrole des “continents neufs”, et que nous les avons ramenés dans les vieilles métropoles. (...) L’Europe, gavée de richesses, accorda de jure l’humanité à tous ses habitants : un homme, chez nous, ça veut dire un complice puisque nous avons tous profité de l’exploitation coloniale (29). » Il n’est pas certain que ces mots soient plus faciles à entendre aujourd’hui qu’en 1962.
                      Si le consensus médiatique et la répression policière ont largement dominé en France, lors des guerres coloniales, notamment après l’insurrection dite de la Toussaint qui marqua le déclenchement de la guerre d’Algérie, des intellectuels connus ont su s’en dégager pour se situer résolument du côté des mouvements d’indépendance. Jean-Paul Sartre fut de ceux-là, auxquels des publications comme « L’Express » ou « Les Temps modernes » ont ouvert leurs colonnes, au risque d’être interdits. Dénonçant la torture niée par les gouvernements et les médias officiels, l’écrivain a surtout démonté les mécanismes du système oppressif colonial. Un engagement riche d’enseignements, aujourd’hui encore.
                      http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/MATHIEU/11678

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                      • #12
                        Il n'y a plus que les Algériens qui citent encore Sartre ...

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